mardi 24 janvier 2023

"Alpha Flight" : L'Intégrale 1984-1985 (Panini Comics ; février 2022)

Ce livre est le second recueil de l'intégrale que Panini Comics France consacre à Alpha Flight, équipe canadienne de super-héros autrefois connue du public francophone sous le nom de Division Alpha ; sorti en février 2022, il comprend les versions françaises des "Alpha Flight" #9-19, et couvre la totalité de la période d'avril 1984 à février 1985. Cet album (de dimensions 17,7 × 26,8 cm avec couverture cartonnée et jaquette plastifiée amovible) compte environ deux cent cinquante-huit planches en couleurs. 
John Byrne scénarise tous ces numéros, et coécrit le #17 avec Chris Claremont (qui se charge des dialogues). Byrne dessine tous ces épisodes et il en encre la plupart, bien que d'autres encreurs soient intervenus en renfort : Bob Wiacek sur les #15-16 et 18, Terry Austin sur le #17, et Keith Williams sur le #19 ; Andy Yanchus (1944-2021) compose l'intégralité des mises en couleurs. 

Précédemment, dans "Alpha Flight" : après l'exécution de St. Ives par Nemesis, Aurora démasque Danielle Belmonde et la livre à la police. Mais une remarque maladroite de son frère sur sa vie sentimentale la rend furieuse ; elle file et le laisse en plan. 
Non loin du mont Logan, dans le Yukon, à la station de recherche sur les rayons cosmiques. Kortgaard, un technicien, entre dans la salle de contrôle, pour confirmer au Dr Walter Langkowski (Sasquatch) qu'il a tiré les câbles "pour brancher plus de puissance" et connecté l'adaptateur comme Langkowski le souhaitait ; Langkowski le remercie. Il espère que cela - avec de la chance - leur fournira "une réponse". Le colonel McMurdo exprime ouvertement ses doutes, de manière hostile. Langkowski et lui ne semblent guère s'apprécier. Langkowski est conscient que McMurdo ne veut pas de lui, lui-même préfèrerait être ailleurs. Mais ces "piques incessantes" ne font que ralentir le travail. Toute l'équipe est fatiguée, à cran ; si McMurdo et lui pouvaient enterrer la hache de guerre, tout se passerait mieux. Le colonel continue à se rebiffer. Que Langkowski ne lui fasse pas la leçon ! Car il est peut-être le meilleur expert en radiation du Canada, mais là, il n'est qu'un type "comme les autres" tant qu'il n'a pas prouvé sa valeur... 

Voilà un passionnant chapelet d'épisodes. Byrne continue sur sa lancée en tant que scénariste solo, et le résultat est captivant. L'auteur s'éloigne des lieux communs du genre en animant un groupe d'individus en proie au doute dans le meilleur des cas, salement malmenés par les épreuves de la vie dans le pire des cas. C'est Aurora, qui s'est brouillée avec son frère Véga. C'est Michael Twoyoungmen, que sa fille contacte enfin, mais pas par amour. C'est Heather Hudson, minée par la tristesse et rongée par la culpabilité. C'est Marina, qui, après avoir été reconditionnée par le Maître du monde, craint ne plus avoir de place parmi les hommes. Alpha Flight, en outre, est devenue indésirable pour les hautes instances de l'État, en témoigne les propos de Gary Cody ; rien à voir avec le poncif de l'équipe utilisée par un gouvernement à des fins de propagande. Devant toutes ces difficultés, seul un membre parvient à sauver les meubles : Puck, le nain, qui lui-même a eu plus que sa part de souffrances. Un homme bien loin de l'image d'Épinal du super-héros, et un choix révélateur de l'orientation que donne Byrne à sa série. Enfin, la romance se taille une belle place dans "Alpha Flight", pour le plus grand régal du lecteur, car la facette sentimentale insuffle une substance incroyable aux personnages. Rien n'est facile pour Alpha Flight et la règle s'applique également aux affaires de cœur. C'est Langkowski, et sa relation avec la tumultueuse Aurora. C'est Marina, qui préfère fuir. C'est Harfang, qui ignore comment réagir lorsque le sergent Thompson lui déclare sa flamme. Les membres du groupe ne font pas que courir d'une menace majeure à l'autre. Ils ont leur vie, où l'extraordinaire côtoie l'ordinaire, avec des problèmes quotidiens (Heather Hudson et ses soucis pécuniaires), des peines morales, le réconfort des amis et des victoires sur l'adversité. Le chemin de croix de Heather illustre ce propos. Dans la forme, Byrne écrit des dialogues étoffés, travaillés, intelligents. Il y a des instants réellement prenants, tels que le compte à rebours ou les obsèques. Un ensemble homogène, émouvant, et puissant, que renforce la belle maestria du suspense de cet auteur. 
La partie graphique est une incontestable réussite. L'élégance et la netteté du trait de l'artiste ne souffrent ni de fatigue ni de faiblesse. Généralement, la quantité de détail est satisfaisante, bien qu'elle soit variable d'une case à l'autre. Disons que Byrne sait où placer les informations visuelles et comment les doser ; et donc certains arrière-plans sont rationalisés (parfois une simple couche de couleur), tandis que d'autres sont bien plus étoffés. Le découpage de Byrne est absolument irréprochable. Le dessinateur agence ses cases dans un quadrillage classique qui présente une densité idéale, sans surcharge de vignettes par planche. La variété dans l'utilisation de la perspective et les angles de prises de vues est remarquable. Byrne, c'est un plaisir pour les yeux. Cette colorisation, bien que restaurée, est un tantinet criarde. 
La traduction est effectuée par Jérémy Manesse, l'un des pros les plus talentueux (si ce n'est le plus talentueux) du milieu. Son texte est irréprochable, quel bonheur !

Byrne nous livre ici un divertissement d'une qualité supérieure, que ce soit d'un point de vue scénaristique ou artistique ; onze numéros qui ont fait date dans l'histoire des comics. Un beau tour de force, peu importe qu'un encreur vienne assister çà et là, et dans - soulignons-le, une fois n'est pas coutume - une édition exemplaire. 

Mon verdict : ★★★★

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

Alpha Flight, Division Alpha, X-Men, Mutants, Namor, Super-Skrull, Omega Flight, Maître du monde, John Byrne, Marvel Comics, Panini Comics

2 commentaires:

  1. Cela fait toujours plaisir de revenir sur ces épisodes.

    Rien à voir avec le poncif de l'équipe utilisée par un gouvernement à des fins de propagande : je ne m'en étais pas fait la réflexion, mais effectivement cela vient s'ajouter aux autres formes de contrepied. En particulier, si mes souvenirs sont bons, il faut attendre plusieurs épisodes, peut-être même la convergence d'événements qui mènent au décès terrible, pour que l'équipe soit enfin réunie en costume.

    Recopié de mon commentaire : John Byrne continue de développer les personnages d'Alpha Flight en évitant le plus possible schéma traditionnel des équipes de superhéros. Pour commencer, il est très rare, voire ça n'arrive jamais, que tous les membres d'Alpha Flight se retrouvent ensemble pour lutter contre une menace. Même dans l'épisode 12, Marrina manque à l'appel car elle est en train de compter fleurette à Namor et elle n'a pas entendu le signal d'appel. Il privilégie les duos : alternativement Sasquatch & Aurora, Puck & Heather, Puck & Marrina, Puck & Namor, et pour finir 4 ensemble (Puck, Shaman, Talisman et Snowbird).

    Le compte à rebours : quelle cruauté de Byrne vis-à-vis de ses personnages... et de ses lecteurs. Snif.

    La partie graphique est une incontestable réussite. - J'avais également trouvé que John Byrne était bien investi dans ces épisodes, qu'il avait pris le temps de peaufiner ses pages.

    Mon commentaire complet sur Babelio :
    https://www.babelio.com/livres/Byrne-Alpha-Flight-Classic-tome-2/725853/critiques/825871

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    1. Oui, je trouve que le compte à rebours est une scène vraiment marquante. Inattendue, en fait (enfin, pour ceux qui ne savent pas ce qui est arrivé), puisque Hudson semble à peu près contrôler la situation ou en tout cas savoir ce qu'il fait. Jusqu'à ce que Heather surgisse dans la pièce.

      C'est l'un de ces rares exemples où ma note (cinq étoiles) est supérieure à la tienne (quatre). J'ai balancé entre les deux un bref instant, mais je n'ai pas pu me résoudre à mettre moins.

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