"Les Ténèbres abyssales de l'âme" est le second album d'un triptyque intitulé "Mémoires de l'Arcadia", consacré au capitaine Albator, le personnage-culte créé par Leiji Matsumoto en 1969. Ce volume a été publié chez Kana (Média-Participations), en novembre 2019. Si au fond le contenu peut être assimilé à un manga (bien qu'écrit en français), il n'en a pas la forme : c'est un livre relié (couverture cartonnée) de dimensions 22,5 × 29,8 centimètres, qui a été pensé pour le public francophone, et qui se lit donc à l'occidentale, pas de droite au gauche. Et pour finir, les quarante-six planches sont toutes en couleurs.
Ce recueil a été entièrement réalisé par le Français Jérôme Alquié, un illustrateur passionné de dessins animés japonais des années quatre-vingt ; Alquié produit le scénario, le dessin, l'encrage, ainsi que la mise en couleurs. Parmi les autres œuvres auxquelles il a participé, retenons "Surnaturels" (Delcourt), ainsi que "Saint Seiya : Les Chevaliers du Zodiaque" (Kana).
Précédemment, dans "Capitaine Albator : Mémoires de l'Arcadia", le temple secret inca où Mel était retenue s'effondre. Pris au piège, Albator et ses compagnons sont secourus par Kei, tandis que Talika et Mel parviennent à s'enfuir de leur côté.
An de grâce 2977, diurnus 45, à bord de l'Arcadia : s'adressant toujours à Tochirō, Albator continue à écrire les mémoires de son vaisseau. Le corsaire fait état du refroidissement intense que subit la Terre, et évoque les événements récents : la base météorologique en Arctique, le docteur Imer et le professeur Reiji, et le réveil d'une sylvidre, endormie depuis plus de trois cents millions d'années. Il détaille la récente intervention de Maetel en Arctique. Normalement Maetel n'intervient pas dans le cours des choses, mais elle n'a pu se résoudre à laisser Reiji dans cet état. Elle a installé un émetteur miniature de rayon promésien afin de réchauffer le corps du scientifique. La glace a fondu rapidement et Reiji a été libéré. Le professeur étant inconscient et très faible, Maetel a ensuite utilisé son lecteur de pensée incorporé pour découvrir ce qu'il s'était passé...
Le second tome est plus court que le premier, puisque l'on perd huit planches. Malgré la réussite du premier volume, le lecteur avait pu afficher un brin de scepticisme naissant à l'égard de deux personnages, Talika et Mel. Talika est un androïde d'aspect parfaitement humain (féminin), d'une haine incoercible à l'égard des sylvidres, et coriace. Mel est la sylvidre géante ; dans "Les Ténèbres abyssales de l'âge", une deuxième fait son apparition et il est même question d'une troisième, qui devrait selon toute logique entrer en scène dans le dernier recueil. Alors pourquoi du scepticisme ? Parce qu'il n'y a pas beaucoup d'androïdes, dans "Albator 78" (de robots oui, mais pas d'androïdes), pas plus que de géants, d'ailleurs. Le gigantisme est une sorte de "sous-genre" qui ne se marie pas facilement avec n'importe quelle atmosphère, avec n'importe quel univers, avec la science-fiction peut-être encore moins, et donc voir l'immense sylvidre penchée sur un Atlantis à peine plus grand pourra provoquer des froncements de sourcils. Alquié a intégré un personnage d'une autre œuvre de Matsumoto : Maetel, héroïne de "Galaxy Express 999". Le pourquoi de cette intervention dans l'intrigue demeurera sans réponse, a priori. La présence de la mystérieuse jeune femme semble superflue, mais le dernier numéro permettra d'être fixé. Bien sûr, Albator se taille la part du lion dans la narration, mais Alquié crée deux autres fils : le premier avec Talika et Mel et le second avec les sylvidres, ce qui a pour effet de réduire la linéarité et rend cette dernière imperceptible. Pour le reste, l'intrigue est solide et elle ne présente aucune invraisemblance. L'auteur maîtrise son scénario, le propos est clair et parfaitement compréhensible. Malgré le spectacle d'ampleur, les planches déroulent sans réelle surprise et manquent un peu d'émotion et surtout de suspense. En outre, les conséquences du refroidissement intense sur la population ne sont pas suffisamment exploitées. En fin de compte, peut-être que l'ensemble est trop restreint (moins de cinquante planches) ou trop cadré, et que la volonté de rechercher la perfection dans cette reprise empêche davantage de naturel.
La partie graphique est indubitablement impressionnante. Alquié, faut-il le encore le préciser, est fidèle au possible au design historique des personnages ; mais ce qui suscite le plus l'admiration est probablement sa mise en page, tant il paraît évident lorsque l'on observe les planches avec du recul que l'artiste l'a mûrement réfléchie et qu'il a voulu l'orienter le plus possible vers un rendu d'animé. Pour y parvenir, il élabore deux ou trois grandes cases par planche puis dispose plusieurs inserts, isolés ou en bandes, et dont les formes ne sont pas nécessairement régulières. Il utilise des techniques de mangaka, telles que les lignes de vitesse pour le mouvement. Effet dynamique garanti ! Enfin, le dessinateur offre à son lectorat quelques illustrations (figurant souvent le célèbre vaisseau) sur double planche (pas des doubles planches pleines) qui sont à couper le souffle. Ah, cet Atlantis qui perce la surface de la banquise avec son éperon. Quel spectacle ! On croirait être aux premières loges.
"Les Ténèbres abyssales de l'âme" est globalement moins passionnant que "Les Doigts glacés de l'oubli" ; il faut reconnaître que l'effet magique du retour du corsaire de l'espace s'est estompé. En outre, certains aspects scénaristiques ne convaincront pas tout à fait. La partie graphique, en revanche, est absolument somptueuse.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz
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Manga, Shonen, Space Opera, Albator, Mémoires de l'Arcadia, Maetel, Sylvidres, Jérôme Alquié, Leiji Matsumoto, Kana
De 4 à 3 étoiles en passant du tome 1 au tome 2 : l'effet nostalgique s'est émoussé.
RépondreSupprimerLe second tome est plus court que le premier : pas facile de passer du manga au franco-belge avec une telle différence de pagination entre les deux formes de bandes dessinées. Forcément, l'auteur ne peut pas reproduire la sensation de la quantité de pages lues, de cette impression de volume élevé.
Il n'y a pas beaucoup d'androïdes, dans "Albator 78" (de robots oui, mais pas d'androïdes) : un précision d'expert que je n'aurais pas été capable de formuler.
Apparition de Maetel : je suppose que la tentation est grande pouvoir placer une référence (même gratuite) aux autres créations de Leiji Matsumoto.
Réduire la linéarité et rend cette dernière imperceptible : je comprends que ce critère reste très présent dans le plaisir que tu prends à la lecture. De temps à autre, je m'en souviens lorsque j'analyse mon propre ressenti à une de mes lectures, et il s'avère qu'il ne pèse pas aussi lourd.
L'artiste a mûrement réfléchi la mise en page et il a voulu l'orienter le plus possible vers un rendu d'animé : un sacré défi en termes de narration visuelle, et ne plus visiblement réussi.
Oui, l'effet de la nostalgie s'est fortement émoussé, c'est une certitude, même si je reste sensible à la qualité de la partie graphique.
SupprimerLes androïdes : je me suis basé sur mes souvenirs et quelques recherches.
Apparition de Maetel : exact. Je savais qui Alquié allait utiliser dans le troisième tome. Je l'ai rapidement feuilleté et je ne me suis pas trompé. Ça fait peut-être un peu trop "fan service".