mercredi 29 mars 2023

Docteur Fatalis : "Serment de loyauté" (Panini Comics ; juin 2021)

Intitulé "Serment de loyauté", cet ouvrage a été publié en juin 2021 par Panini Comics. Bien qu'il n'ait pas été numéroté, c'est le second et dernier des deux tomes qui constituent l'intégralité du volume 1 de la série consacrée au Docteur Fatalis (2019-2021). L'album inclut les versions françaises des #6-10 de "Doctor Doom" (de mai 2020 à février 2021). Ce recueil relié (dimensions 17,5 × 26,7 centimètres, couverture cartonnée) comprend exactement cent planches (sans inclure les six couvertures) auxquelles ont été ajoutées une page avec trois variantes de couverture, et une deuxième avec des biographies très succinctes des auteurs. 
Ces numéros ont été écrits par le scénariste et réalisateur Christopher Cantwell. L'Espagnol Salvador Larroca dessine et encre. Il est connu pour son travail sur les franchises "X-Men" ou "Star Wars". Enfin, le studio Guru-eFX a composé la mise en couleurs. 

Précédemment, dans "Docteur Fatalis" : la rencontre avec Fruzsina Markovich tourne vinaigre. Fatalis tue Amelia Chen. Kang est touché, il se retire. Blue Marvel implore l'aide du docteur contre le trou noir. Fatalis n'en a cure, il veut reprendre son trône. 
De nos jours ; Texas, à soixante-dix-sept kilomètres de Terlingua. Le Dr Fatalis et Kang sont assis côte à côte dans un wagon vide d'un train de marchandises qui roule dans le crépuscule. Kang demande à Fatalis s'ils vont "en parler", mais le roi de Latvérie ne comprend pas à quoi il fait allusion, ou feint de ne pas le comprendre. Kang insiste. Il souhaite discuter de leur lien de parenté. Si Fatalis n'en perçoit guère l'intérêt, son compagnon voit là une occasion de tromper l'ennui, d'autant qu'il leur reste deux jours avant d'atteindre leur prochaine destination. Fatalis, s'attendant à ce que Kang se volatilise "à tout instant", s'étonne que celui-ci parle d'eux au pluriel. Ce à quoi Kang rétorque qu'il est présent depuis cent trente-six heures - ce qui représente son nouveau record personnel. Tandis que le train passe par une gare désaffectée, un vagabond grimpe sur la prise d'eau pour monter à bord en se laissant choir sur le toit d'un wagon, le leur. Kang, à ce moment, démarre un nouveau sujet de discussion : le trou noir... 

Cela commence avec des ingrédients et une suite d'évènements qui relèvent presque de la comédie d'aventures, vu le contexte : le voyage en train, la relation maître-élève (voire père-fils) entre Fatalis et Kang, le vagabond, le bivouac, les deux rednecks, l'incursion de Paladin et Orb, Fatalis à cheval, etc. Un numéro un peu fou avec une délicieuse saveur de western presque spaghetti. Le second épisode est déjà plus dur. Le grand froid est-européen succède au désert texan. Fatalis débarque sur un ours, une case sensationnelle que chaque fana de comics Marvel devrait avoir vue. Le temps du jugement est arrivé et ce dernier est sommaire : exécution d'un proche comme d'un gibier, pelotons d'exécution, etc. Le temps de la reconquête aussi : jusqu'à la Symkarie. Fatalis redevient un despote dont la cruauté augmente au fur et à mesure qu'il se rapproche de son but, parfois dans un élan de perversité abjecte (bien qu'expliquée avec un semblant de remords), quitte à s'aliéner le peu d'alliés qu'il a. Puis il y a ensuite cette séquence complètement dingue avec Reed Richards (cf. #9), aussi atterrante que stupéfiante, dans laquelle toute la paranoïa du bonhomme est révélée : un incroyable moment de théâtre, où les Fatalibots ("Doombots") expriment les cheminements tortueux de ses réflexions le menant à la rechute. L'instant est le déclencheur de tout ce qui s'ensuit : le lecteur saisit alors mieux le titre - et la raison de la résurrection de Fatalis par la Mort elle-même. Il réalise que tant que l'humanité comprendra Richards parmi ses génies bienfaiteurs, Fatalis ne se rangera jamais du bon côté ; la voie de la rédemption est donc sans issue. En dix numéros, Cantwell joue avec toutes les contradictions du personnage ; il s'amuse aussi du lecteur, sensible au charisme de Fatalis, en le mettant face à ces crimes. Un itinéraire narratif d'une rare habileté qui lui permet de faire le tour de la question. D'ailleurs, pourquoi changer un super-vilain légendaire en un bienfaiteur philanthrope ? Seule ombre à ce tableau : les interludes avec Blue Marvel traînent en longueur (et puis, que diable viennent faire les Broods ici ?), mais ils mènent au choc final. 
La partie graphique est extraordinaire. Quelle élégance, quelle régularité dans ce superbe exemple de trait réaliste ! Toujours ce joli niveau d'expressivité ! L'Espagnol multiplie les compositions saisissantes, marquantes, notamment grâce à une méticulosité irréprochable et la diffusion intelligence et efficace du détail. Les gros plans semblent plus nombreux que dans "Mort dans l'après-midi", la mise en page (toujours structurée par un réseau de gouttières noires) plus travaillée, plus libre. L'artiste est consciencieux, en témoigne le niveau de soin apporté aux véhicules, équipements ou infrastructures, mais aussi cette fort belle représentation de la cathédrale de Chihuahua, exemple au hasard qui crédibilise et légitime le travail du dessinateur. La mise en couleurs, variée et sans défaut, crée les contrastes souhaités. 
La traduction a été effectuée par Thomas Davier, l'un des meilleurs professionnels du circuit. Son texte est impeccable : aucune tournure bancale, ni faute ni coquille.

En cent planches, Cantwell réduit à néant le fantasme des lecteurs au sujet d'une hypothétique rédemption de Fatalis ; pire, il souligne ses erreurs incompréhensibles, expose ses troubles, et enfonce le clou en sous-entendant que Fatalis, incurable, ne sera jamais du bon côté. Aussi frustrant que jubilatoire et passionnant. 

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

Dr Fatalis, Captain America, Reed Richards, Kang, Latvérie, Symkarie, Panini Comics, Marvel

2 commentaires:

  1. Un numéro un peu fou avec une délicieuse saveur de western presque spaghetti : j'ai également été très déconcerté par cet épisode 6. Après coup, je ne suis pas très sûr que cet épisode fût indispensable au récit, mais c'était un intermède surprenant et agréable.

    Fatalis débarque sur un ours, une case sensationnelle : je me souviens encore cette case dans laquelle les auteurs se sont manifestement faits plaisir.

    L'artiste est consciencieux : c'est également une qualité que j'apprécie chez les dessinateurs qui œuvrent dans ce registre descriptif et détaillé.

    J'ai également beaucoup aimé cette série sur Doom / Fatalis : un beau portrait crédible.

    https://www.babelio.com/livres/Cantwell-Doctor-Doom-tome-2/1325699/critiques/2631226

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  2. Pour moi, ce numéro six est une petite perle, mais je suis d'accord avec toi.

    L'ours - Mon cœur de lecteur a failli chavirer pour de bon. Les numéros suivants m'ont rappelé la nature du personnage.

    Larroca - Un artiste que je vais suivre de plus près, désormais.

    "Les deux rient de bon cœur" - Tu m'étonnes ! J'avais adoré ce passage ! Oui, les super-vilains ont vraiment de l'humour !
    Les talons hauts de Silver Sable : j'avais moi aussi remarqué cette petite invraisemblance.

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