samedi 29 avril 2023

"Fantastic Four" : L'Intégrale 1970 (Panini Comics ; janvier 2011)

Publié en janvier 2011, ce neuvième volume de l'intégrale que Panini Comics France consacre aux Quatre Fantastiques comprend les versions françaises des "Fantastic Four" #94-105, couvrant la période de janvier à décembre 1970. Il n'y a pas d'annuel inédit, cette année-là, car le #8, paru en décembre 1970, est une réédition de l'histoire du premier annuel (juillet 1963). L'ouvrage - de dimensions 17,7 × 26,8 cm, avec couverture cartonnée et jaquette amovible - compte approximativement deux cent trente-trois planches en couleurs, auxquelles s'ajoutent les couvertures des douze numéros, insérées à la fin du livre en guise de bonus. 
Stan Lee (1922-2018) coécrit les scénarios avec Jack Kirby (1917-1994). Le "King" est le dessinateur attitré ; son travail est encré par Joe Sinnott (1926-2020) - un de ses collaborateurs fétiches - sauf les planches des #96-97, embellies par Frank Giacoia (1924-1988). Kirby quitte le titre à l'issue du #102 (septembre) ; il est remplacé par John Romita Sr., dont les planches sont encrées par John Verpoorten (1940-1977). Il n'y a aucun crédit concernant la mise en couleurs. C'est une pratique habituelle à l'époque. 

Précédemment, dans "Fantastic Four" : L'intervention des Quatre Fantastiques sur Kral IV provoque une révolte des esclaves, que mène Torgo. Les gladiateurs se déchaînent sur les Skrulls ; les Fantastiques en profitent pour se retirer et rentrer sur Terre. 
New York City, le Baxter Building : toute l'équipe s'extasie devant le fils de Reed et Sue. La Chose s'enquiert de son prénom. Reed lui répond qu'ils ont décidé de l'appeler Franklin, comme son grand-père. Franklin B. Richards. Émue, Jane (c'est "Sue" en version originale) pense à son père. Il aurait été si fier. Johnny souligne que cela sonne mieux que ces surnoms dont les affuble la Chose. Crystal indique à Ben que le poupon lui tend les bas, mais il est réticent et se fait prier. C'est le moment que choisissent Reed et Sue pour l'informer que le "B." signifie "Benjamin". C'est au tour de la Chose de s'émouvoir et il prend aussitôt le bambin dans les bras. Les parents sonnent l'heure du départ pour "la campagne", une nourrice "spécialisée" attend Franklin pour sa sécurité... 

L'année 1970 est importante pour "Fantastic Four". Kirby quitte non seulement le titre, mais aussi Marvel. Ces numéros - ainsi que le #108 à venir - sont donc le dernier témoignage du maître sur sa série. En tournant les pages des derniers épisodes de ce volume, le lecteur réalise qu'un âge d'or vient de s'achever. Les premiers numéros de l'année sont un excellent reflet de la créativité de Kirby, les Fantastiques retrouvent les Terrifics dans un cadre fortement teinté de surnaturel. Puis ils affrontent le Monocle, dans une captivante course contre la montre sur fond d'espionnage et de risque de conflit mondial. Ensuite, c'est au tour du Penseur fou de vouloir piéger nos héros. Kirby, après cela, s'inspire beaucoup de "L'Étrange Créature du lac Noir" ("Creature from the Black Lagoon", 1957) pour le #97. Voilà quatre épisodes parfaits, où nos héros sont en civil la plupart du temps comme à leurs débuts, notons-le. Plus loin, Kirby rend hommage à la mission Apollo 11 dans le #98, un épisode tonitruant et rythmé, avant d'écrire un autre joyau, dans lequel nos Fantastiques retrouvent les Inhumains, le #99. Ce numéro est passionnant, car ici c'est Johnny Storm - irascible, immature, ingérable - qui apparaît comme le maillon faible de l'équipe, un rôle habituellement dévolu à la Chose, mais qui l'exprime différemment : cela rappelle que Franklin n'est pas le premier enfant de cette étrange famille. Le #100 a pour mérite de réunir les grands méchants de la série, mais la linéarité pesante ôte tout plaisir à la lecture. Le #101 est intéressant en cela que l'équipe est sur le point d'être expulsée du Baxter Building, objet de bien des convoitises. Vient ensuite un arc de trois numéros, dont l'intrigue banale repose sur le trio Magneto - Quatre Fantastiques - Namor ; c'est convenu, terriblement bavard, et la caractérisation de Magneto en fait un insupportable cabot capricieux : une caricature d'apprenti maître du monde. Enfin, le dernier numéro de l'année est coupé en deux, mais il n'augure rien de génial. La dynamique au sein de l'équipe fonctionne. Jane/Sue est souvent cantonnée à son rôle de jeune maman, mais saisit les occasions de briller que lui offre Kirby. 
Kirby est parti et Romita Sr. lui succède. Comme le souligne Cristiano Grassi dans sa préface, Romita Sr. cherche à imiter le King pour limiter la casse. Mais finalement, le lecteur n'a ni l'un ni l'autre, juste un mélange des deux, qui ne peut qu'être approximatif au vu des cadences de production. Évidemment, Romita Sr. a suffisamment de talent pour réaliser des planches qui ne sont pas dans son style, mais maintenant que Kirby parti, le lecteur désire autre chose. En attendant, le duo Kirby-Sinnott - le maître et son encreur de génie - carbure au sommet de sa forme : il y a des planches admirables et de pleines pages à couper le souffle (la Chose en train de retenir la façade d'un immeuble new-yorkais, le gros plan de Johnny, celui de la créature du lagon, l'île artificielle du factionnaire kree ou encore Namor sur son trône). 
Geneviève Coulomb effectue la traduction. Pas d'amélioration notable ici, anglicismes (exemples : "data", "jet"), inconsistances entre tutoiement et vouvoiement, etc.

Cet ensemble de numéros de l'année 1970 est en demi-teinte : il y a d'authentiques petites merveilles tout autant que des épisodes mal écrits, sans grande originalité, qui engendreront un ennui profond chez le lecteur. Le départ - sans doute un peu précipité - de Kirby n'arrangea certainement pas les choses, bien au contraire. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbüz 
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz 

Fantastic Four, Inhumains, Terrifics, Monocle, Penseur fou, Maggia, Namor, Magneto, Panini Comics, Marvel

4 commentaires:

  1. Je n'ai pas lu ces épisodes.

    Je constate que tu es toujours aussi enthousiaste sur la partie graphique que pour le tome précédent.

    Je me demande si dans la biographie que lui a consacré mark Evanier, il y a des planches crayonnées, annotées par Jack Kirby pour expliquer à Stan Lee ce qui se passe, avec des indications pour les dialogues, montrant à quel point les intrigues étaient conçues par Kirby.

    Romita Sr. cherche à imiter le King pour limiter la casse : quand j'ai relu récemment des comics Marvel datant de juste après le départ de Jack Kirby, j'ai été frappé de découvrir à quel point les responsables éditoriaux exigeaient des dessinateurs qu'ils s'inspirent des postures de ses personnages (flagrant dans les planches de Sal Buscema), et par la suite des planches de John Buscema.

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  2. La bio - Seul exemple concret : la couverture du "Tales of Asgard" #1, d'octobre 1968. Annotée par Lee à l'intention de Lee, et pas l'inverse.
    https://marvel.fandom.com/wiki/Tales_of_Asgard_Vol_1_1?file=Tales_of_Asgard_Vol_1_1.jpg
    L'ouvrage oppose le crayonné annoté de Kirby annoté par Lee au résultat final. Sur le crayonné, Lee réclame trois choses (qui, au vu du résultat final, ont toutes du sens d'un point de vue graphique) : enlever le buste d'Odin du coin supérieur droit (sans doute pour laisser de la place au titre), placer Odin en arrière-plan au à droite milieu de la planche (Kirby le représente à cheval),pour combler un vide, et enfin ajouter le pont arc-en-ciel dans le coin inférieur gauche.

    P-S : Je t'ai envoyé une photo du crayonné par messagerie pour que tu puisses comparer.
    Il y a un mot de la main de Lee que je n'arrive pas à déchiffrer : "We'll cut into [???] too much."

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    1. Je vais t'envoyer deux images par facebook dans lesquelles les annotations semblent être de la main de Jack Kirby. Dans l'article dont je me souviens, mais que je n'ai pas retrouvé, le journaliste rappelait que la méthode Marvel constituait parfois de quelques phrases données (par écrit, ou même par oral) au dessinateur de la teneur de l'épisode, et charge à l'artiste de remplir le quota de pages. Il commentait que Kirby inscrivait des explications dans la marge pour que Stan Lee puisse comprendre ce qu'il racontait, que parfois ce dernier improvisait, à contresens de ce qui était indiqué, ce qui nourrissait la frustration de Kirby.

      https://www.comicartfans.com/gallerypiece.asp?piece=1335644
      https://www.2dgalleries.com/art/thor-issue-143-page-2-1967-and-soon-shall-come-the-enchanters-47483?lang=en

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    2. Les deux planches que tu m'as envoyées ne sont pas reprise dans la bio d'Evanier, qui, en revanche, contient effectivement plusieurs remarques qui confirment la frustration de Kirby à la suite des improvisations de Lee.

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