jeudi 29 juin 2023

"The Fable" : Tome 4 (Pika Édition ; octobre 2021)

Publié chez Pika Édition - groupe Hachette Livre - en octobre 2021 dans la collection "Pika Seinen" de l'éditeur, ce recueil est le quatrième numéro de la version française du manga seinen "The Fable" - parfois sous-titré "The silent killer is living in this town". C'est un fascicule broché, de dimensions 13,0 × 18,0 cm, avec jaquette plastifiée amovible et colorisée. Il comprend à peu près deux cents planches (en incluant les couvertures) en noir et blanc (en nuances de gris plus précisément) ; il se lit de droite à gauche. Au Japon, la série fut prépubliée de 2014 à 2019 dans "Weekly Young Magazine" (éditeur Kōdansha Ltd). 
C'est Katsuhisa Minami qui a créé cette série et entièrement réalisé ce quatrième recueil, le scénario : le dessin et l'encrage. L'auteur, né en 1971, est encore peu connu dans nos contrées : rares sont ses œuvres qui ont été traduites en français. Outre "The Fable", Minami a aussi produit deux saisons de "Naniwa Tomoare" - une publication qui lui vaut le 41e prix Chiba Tetsuya (en 1999). Enfin, "The Fable", qui compte vingt-deux volumes en tout, a été adapté en film sous le même titre, en 2019. 

Précédemment, dans "The Fable" : Croyant avoir perdu ses clés, Misaki est désemparée. Akira propose que sa sœur l'héberge, mais ils la trouvent ivre. Kainuma, lui, pénètre chez Misaki. Il découvre qu'elle est - aussi - actrice de films pour adultes. 
Passablement éméchée, Yōko s'amuse à déformer de ses doigts le visage de Misaki pour créer des grimaces. Elle est la seule à en rire. Akira la prie de cesser. Yōko lui oppose sa théorie, plus une fille est "mignonne à la base", "plus ses grimaces peuvent faire marrer" ! Elle tient également à mieux connaître Misaki, puisqu'elle va dormir chez elle. Sur ces mots, elle enchaîne sur une partie de pierre-papier-ciseaux. Misaki perd à nouveau, ce qui lui vaut une vanne de Yōko, qui reprend aussitôt la séance de grimaces et affirme à Akira que Misaki est plus drôle que "son" Jackal Tamioka. Akira présente ses excuses à Misaki, qui est de bonne composition. Épuisée, Yōko finit par s'endormir au bout d'un moment. Misaki remercie encore Akira et sa sœur... 

Voici une nouvelle tranche de vie très spéciale dans cette petite ville de province japonaise. Ce volume est assez largement centré sur le personnage de Kojima, libéré après "quinze ans de taule". Le jeune homme est autoritaire, brutal, cruel, imprévisible, retors, et violent : des manières qui n'ont plus rien à voir avec celles d'un clan qui essaie de survivre sans remous. Kojima confirme la vilaine première impression qu'il avait laissée au lecteur. Ce sera donc le petit grain de sable, car nul doute que c'est par lui qu'arriveront les ennuis pour le clan Maguro. Le lecteur salive déjà à l'idée de l'inévitable confrontation. Mais pour développer Kojima, Minami doit évincer temporairement le personnage de Takeshi Ebihara - le frère aîné. À cet égard, l'hospitalisation du lieutenant du clan à la suite d'un infarctus est pratique, mais elle est plausible et justifiée ; l'artifice narratif en vaut largement un autre. Autre protagoniste important de ce volet : Yōko. La jeune femme dispose d'énormément de temps libre, mais elle s'ennuie "à mourir" et n'aspire qu'à s'enivrer et s'amuser avec les hommes. Elle en trouvera un au bar "Buffalo" : Yūki Kawai, un jeune séducteur. Minami nous offre une scène aussi incroyable qu'hilarante dans laquelle Yōko se livre à une formidable composition de jeune fleur timide pendant que Yūki fait la roue, en bon petit paon qu'il est. Cette séquence est incroyablement jubilatoire : un véritable petit joyau comme seuls les mangas peuvent en offrir. Quant à Akira/Fable, il partage son temps entre le travail et son domicile, où il vit nu en visionnant des soaps aussi décalés qu'idiots (une pique envers la télévision japonaise ?) dans lesquels joue son idole Jackal. Cet humour absurde et poussif ne marche qu'un temps : il s'en dégage un relent de réchauffé. Le jeune assassin montre toute sa perspicacité et le lecteur comprend avec le recul une scène sibylline du troisième tome. Minami place Akira en retrait afin d'obtenir de la latitude pour développer ses autres personnages ; cela étant, notre tueur à gages commence lui aussi à ressentir les effets de la routine, et il veille donc à ne pas oublier de rester en forme et aussi affuté que possible. 
La partie graphique est toujours un plaisir pour les yeux. Minami réalise à nouveau un travail remarquable sur l'expressivité de ses personnages, l'une des séquences les plus fortes étant sans aucun doute celle du chapitre 35, où l'angoisse jaillit du regard du prisonnier bâillonné de Kojima. Yōko et Misaki sont aussi irrésistibles l'une que l'autre, tandis que toute la noirceur de l'âme Kojima est exprimée sur son visage. Le réalisme et la précision de certains accessoires ou objets sont étonnants, exemple avec le revolver Colt Python en page 58, doté d'un design, d'une géométrie et de lignes d'une indéniable perfection. S'agirait-il d'une photo numérisée qui a ensuite été encrée ? Possible - mais rien n'est moins sûr. Il y a d'autres qualités à souligner, principalement la lisibilité et la fluidité du découpage, et le juste dosage de détail. 
La traduction de Djamel Rabahi propose un texte tout à fait compréhensible. Notons néanmoins une faute d'accord élémentaire en page 101 : c'est "tiré" et pas "tirer".

Dans cette petite ville, l'ennui menace de tous les côtés cette tranquillité bien fragile, à laquelle aspire le clan Maguro pour pouvoir survivre ; l'endroit est sur le point de devenir une véritable Cocotte-Minute. Avec un scénario solide et des surprises bien pensées, ce quatrième volume se lit d'une seule traite et avec gourmandise. 

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

The Fable, Yōko, Misaki, Yakuzas, Clan Maguro, Kojima Ebihara, Takahashi, Kuro, Katsuhisa Minami, Pika

2 commentaires:

  1. Une série pour laquelle tu progresses rapidement dans ta lecture.

    Un véritable petit joyau comme seuls les mangas peuvent en offrir : une remarque qui a attiré mon attention, car avec le métissage des formes de bandes dessinées, il devient moins facile pour moi de pouvoir pointer du doigt une spécificité propre, même si les mangakas bénéficient toujours d'une pagination sans commune mesure avec les comics ou les BD franco-belges.

    S'agirait-il d'une photo numérisée qui a ensuite été encrée ? - Quand Dave Sim s'est lancé dans The strange death of Alex Raymond, il a en sérialisé les pages dans un comics (quasi) mensuel appelé Glamourpuss, où il évoquait également les techniques de dessins de Raymond (1909-1956) d'après photographies et il expliquait qu'en fait tracer d'après photographie est tout aussi compliqué que de dessiner, et d'ailleurs peu d'artistes choisissent cette façon de procéder.

    L'endroit est sur le point de devenir une véritable Cocotte-Minute : une lecture qui entre en résonnance avec les émeutes dans l'actualité française.

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    1. Je ne sais pas si je progresse vite ; j'ai récemment appris que cette série devrait compter vingt-deux volumes. Inutile de te dire que ça m'a refroidi... et peut-être poussé à accélérer la cadence.

      Seuls les mangas - Cette scène est très particulière, avec une hystérie à moitié contenue. Aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais vu de cette comme celle-là, ni dans une bande dessinée européenne ni dans un comic book.

      La numérisation - Alors c'est peut-être bien une photographie qui a été redessinée, c'est tout à fait possible. La perfection du résultat est troublante, quoi qu'il en soit.

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