jeudi 13 juillet 2023

"Docteur Strange" : L'Intégrale 1969-1973 (Panini Comics ; mai 2019)

Paru en mai 2019, le quatrième volume de l'intégrale que Panini Comics France consacre au personnage du Dr Strange comprend (dans l'ordre) : les versions françaises des "Doctor Strange" #180-183 (de mai à novembre 1969), du "Sub-Mariner" #22 de février 1970, du "Incredible Hulk" #126 (d'avril 1970), d'un récit complet tiré du "Marvel Feature" #1 (de décembre 1971) et des "Marvel Premiere" #3-12 (de juillet 1972 à novembre 1973). Les couvertures des fascicules ont été reléguées en fin d'ouvrage, c'est celle du "Marvel Premiere" #3 qui illustre la jaquette. Cet album relié (de dimensions 17,7 × 26,8 centimètres, couverture cartonnée, avec une jaquette plastifiée amovible) compte approximativement trois cent douze planches. Elles sont toutes en couleurs. 
Roy Thomas, Stan Lee (1922-2018), Archie Goodwin (1937-1998), Gardner Fox (1911-1986), Steve Englehart, et Mike Friedrich se partagent l'écriture. Les dessins ont été confiés à Gene Colan (1926-2011), Marie Severin (1929-2018), Herb Trimpe (1939-2015), Don Heck (1929-1995), Barry Smith, Frank Brunner, Irv Wesley (1924-2005), P. Craig Russell, Jim Starlin. À l'encrage, Tom Palmer (1941-2022), John Craig (1926-2001), Frank Giacoia (1924-1989), Dan Adkins (1937-2013), Don Perlin, Ralph Reese, Sal Buscema, David Hunt (1942-2017), Ernie Chan (1940-2012), Mike Esposito (1927-2010). Et les coloristes : Mimi Gold et Petra Goldberg

Précédemment, dans "Doctor Strange" : Au Wakanda, le docteur Strange - aidé par le Chevalier noir, et par les Vengeurs Œil-de-Faucon, Panthère noire et Vision - ensorcèle les géants Surtur et Ymir pour qu'ils s'affrontent. Ils finissent par s'autodétruire. 
Strange ignore où il se trouve. Autour de lui, la voûte céleste et le paysage affichent des motifs aussi tourmentés que colorés. Il se rappelle seulement qu'il doit retrouver l'entité cosmique appelée Éternité, "l'incarnation suprême du temps", et qu'il s'agit de la survie de la Terre. Mais voilà Éternité qui apparaît dans les cieux ! Il a donc survécu à son combat contre Dormammu. L'image se trouble, le visage de Cauchemar remplace celui d'Éternité. Strange se trouve dans un monde onirique, il doit se réveiller... 

Elle s'avère parfois difficile, la lecture de ce quatrième volume de l'intégrale consacrée au personnage du docteur Strange. Comment obtenir une série cohérente bâtie sur un arc particulièrement long, surtout lorsque le scénariste change tous les trois numéros ? Pourtant le résultat aurait pu être pire. L'éditeur, sans doute par volonté de renouveler son inspiration et d'éviter la répétition (c'est-à-dire avec Cauchemar, Dormammu ou le baron Mordo comme antagonistes récurrents), réoriente le ton du titre après le premier arc pour l'imprégner d'histoires lovecraftiennes. Plutôt que de continuer à confronter le docteur à d'autres sorciers, Windsor et Lee imaginent un culte maléfique qui œuvre au retour d'une semi-divinité antédiluvienne. Windsor crédite Robert E. Howard (1906-1936) pour l'inspiration ; il s'agirait du cycle de "Kull", plus précisément ; évidemment, le propos et l'atmosphère évoqueront invariablement le mythe de Cthulhu, de Howard Phillips Lovecraft (1890-1937). Au total, le récit s'étale sur dix numéros (soit environ deux cents pages), auxquels contribueront au moins cinq équipes d'auteurs, Smith-Lee, Thomas-Goodwin, Fox (quatre), Englehart-Brunner, Englehart seul et Englehart-Friedrich. Strange passe d'un lieu à l'autre pour affronter à chaque fois un nouveau monstre ; cela augmente terriblement le poids de la linéarité, d'autant que le lecteur finit par se persuader que Shuma-Gorath - l'antagoniste numéro un - est une arlésienne. L'arc rebondit donc sans arrêt, dans une logique de roman à tiroirs. Cela paraît interminable et le mécanisme rend l'intrigue toujours plus touffue à chaque épisode. Néanmoins, il y a - selon les numéros - une atmosphère inquiétante qui s'en dégage, telle une urgence angoissante. Cette sensation de menace omniprésente engendre un suspense parfois étouffant et fait naître une forme d'anxiété chez le lecteur ; de ce point de vue, c'est réussi. Et puis, le fidèle trouvera intéressant de voir le docteur lutter contre quelqu'un d'autre (ou autre chose) que Dormammu et Mordo, même si ce dernier fait une apparition. En outre, Strange est enfin débarrassé du costume ridicule dont l'avait affublé Thomas. 
Si le scénariste change souvent, que penser du dessinateur ? Un artiste en remplace un autre tous les deux numéros en moyenne. Cela passerait s'il y avait un minimum d'uniformité de style ou si les talents étaient du même niveau. Ce n'est malheureusement pas le cas. Cela va du passable à l'excellent. Le lecteur préfèrera se focaliser sur ces compositions follement créatives et tourmentées de Colan, ces portraits supérieurement expressifs de Windsor-Smith, l'âge de bronze triomphant et intemporel de Brunner (encré par Chan ou par Brunner lui-même et pas par Buscema), voire le travail honorable de Russell, plutôt que sur les dessins de Trimpe ("Incredible Hulk") ou pires, ceux de Wesley/Kweskin (cf. le "Marvel Premiere" #5). La reconstitution de la mise en couleurs par le studio Kellustration est particulièrement aboutie. 
À la traduction, Laurence Belingard, A. Catteau, Geneviève CoulombNicole Duclos. En vrac : anglicisme, faute de mode, coquille, littéralité, incohérence "tu"/"vous".

Ce quatrième recueil de l'intégrale de "Docteur Strange" vaut plus pour l'atmosphère lovecraftienne malsaine qui en sourd que pour la qualité inégale de l'écriture, son histoire principale à rallonge ou sa partie graphique trop hétérogène, malgré certaines planches à couper le souffle de Colan, Windsor, ou Brunner : trois étoiles. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

Docteur Strange, Clea, Wong, L'Ancien, Éternité, Cauchemar, Le Fléau, Namor, Le Sans-Nom, Hulk, Le Géant de la nuit, Mordo, Sligguth, Le Vagabond des mers, Dagoth, Kathulos, Shuma-Gorath

2 commentaires:

  1. 5 scénaristes, 9 dessinateurs, 10 encreurs (dont Ralph Reese qui fait un peu figure d'intrus dans cette liste), avec du beau monde : Archie Goodwin, Gene Colan (1926-2011), Barry Smith, Frank Brunner, P. Craig Russell, Jim Starlin, Tom Palmer. EN passant, quelle patience d'avoir intégré toutes ces dates de naissance et de mort, respect. Des épisodes qu'il ne me semble pas avoir lus : je me souviendrais au moins de celui illustré par Barry Smith.

    Comment obtenir une série cohérente bâtie sur un arc particulièrement long, surtout lorsque le scénariste change tous les trois numéros ? - Je crois que la réponse est dans cette question de pure rhétorique.

    Strange est enfin débarrassé du costume ridicule dont l'avait affublé Thomas : la preuve (inattendue) par l'exemple que les superhéros ne sont pas tous capables de porter un masque et de faire fonctionner cet accessoire vestimentaire.

    Frank Brunner est resté chez les afficionados, comme une référence en matière de comics, peut-être du fait de ses compétences en illustration.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'était en effet une question rhétorique.

      Le premier épisode dessiné par Brunner est encré par Buscema et Reese. Il est moins bon que d'autres où il encre ses planches lui-même ou qu'il fait appel à d'autres encreurs, comme Ernie Chan.

      Supprimer