Intitulé "Divinity III : Stalinevers", cet album sorti chez Bliss Éditions est le dernier recueil d'une trilogie parue entre mai 2016 et septembre 2017, puis rééditée en une intégrale en un seul volume en novembre 2019. L'ouvrage inclut les versions françaises des "Divinity III: Stalinverse" #1-4 (décembre 2016 à mars 2017) et de ses quatre numéros complémentaires, le "Komandar Bloodshot" (décembre), "Aric, Son of the Revolution" (janvier), "Shadowman and the Battle of New Stalingrad" (février), "Escape from Gulag 396" (mars 2017). Ce recueil (de dimensions 17,5 × 26,5 centimètres, relié, avec une couverture cartonnée) compte environ cent quatre-vingt-seize planches. En bonus : dix-neuf planches commentées montrant l'évolution des crayonnés à la mise en couleurs. Puis douze variantes de couvertures, et vingt planches en noir et blanc signées par des artistes ayant contribué à l'album.
La minisérie est intégralement écrite par Matt Kindt. Le Britannique Trevor Hairsine a réalisé les crayonnés. Ses planches ont été encrées par Ryan Winn, avec l'aide d'Alisson Rodrigues sur les #3-4 ; David Baron a composé la mise en couleurs. Le "Bloodshot" a été scénarisé par Jeff Lemire. Sa partie graphique a été entièrement réalisée par Clayton Crain. "Aric" a été écrit par Joe Harris, dessiné et encré par CAFU. "Shadowman" est scénarisé par Scott Bryan Wilson, dessiné et encré par Robert Gill. "Escape" est écrit par Eliot Rahal, dessiné et encré par Francis Portela. Tous trois sont mis en couleurs par Andrew Dalhouse. Les récits "Origines de la Brigade rouge", enfin, sont scénarisés par Kindt, dessinés et encrés par Juan José Ryp et mis en couleurs par Dalhouse.
Précédemment, dans "Divinity II" : À Londres, Neville Alcott informe le Premier ministre britannique que Divinity est bien rentré. Des roubles traînent sur son bureau. Russie. Terrifiée, Michka reçoit la visite de Kazmir alors qu'elle travaille aux champs.
Berkeley, Californie. La police tente de maîtriser la révolte estudiantine. Il y a de nouvelles escarmouches partout. Les forces de l'ordre locales sont dépassées, les autorités emploient la manière forte et envoient Komandar Bloodshot mater la révolte...
Voici un bel exercice de style de Kindt et de l'équipe qui s'est associée à lui. Dans une certaine mesure, la démarche rappelle les Elseworlds de DC Comics ou les "What If" de Marvel Comics, sauf qu'ici, les événements s'imbriquent pleinement dans la Continuité de Valiant, et ne constituent aucunement un récit alternatif : la réalité de l'univers Valiant telle qu'elle est connue se trouve entièrement chamboulée. Même si le résultat est très surfacique - car il n'évoque que de grands événements (surtout des affrontements entre différentes factions) et des personnages symboliques -, Kindt & Cie s'amusent avec les codes pour mieux les détourner. Ils réécrivent l'histoire d'un monde désormais sous l'implacable joug du régime néostalinien de Vladimir Poutine. Ils nous offrent ainsi une dystopie qui - comme beaucoup d'entre elles - finira par être vaincue par un élément imprévisible. Si l'on exclut un instant son côté forcément manichéen, "Stalinevers" peut même être considéré comme un aperçu de ce qu'auraient pu être les comic books à la soviétique en quelque sorte, ce genre ayant de toute façon souvent servi comme outil de propagande en faveur des États-Unis. Kindt ne se contente pas de proposer les reflets inversés des héros Valiant, il crée de nouveaux personnages. Baba Yaga, Kostiy, Pionnière et Légende rouge (en plus de Michka) forment la Brigade rouge, une équipe exclusivement féminine. Leurs origines sont douloureuses, sombres et synonymes de sacrifices dont la liberté ; recrutées par l'État avec diligence, elles n'ont vraiment aucun espoir d'œuvrer en indépendantes. Zéro glamour ici. Le lecteur sera happé par ces numéros aussi convaincants que noirs et violents, d'autant que l'écriture est de qualité. Néanmoins, Kindt décidant d'appliquer sa logique à toute l'écurie Valiant, le lecteur sera forcément confronté à des épisodes concernant des personnages qu'il n'apprécie pas ou connaît moins : c'est le cas d'Archer & Armstrong (chapitre d'ailleurs superflu) et de Shadowman. Cette approche donne donc l'impression que le propos est artificiellement allongé ; mais cela ne parviendra guère à entamer sérieusement l'enthousiasme du lecteur.
La partie graphique se caractérise par une diversité de styles flagrante. Mais curieusement, cela ne nuit aucunement à la cohésion de l'ensemble. Hairsine présente un trait fin et sec, dont l'élégance souffrirait d'aplats de noir plus étendus et d'un encrage trop appuyé. Le niveau de détail est suffisant, Hairsine n'abuse pas des arrière-plans inexistants. Les planches du Britannique sont aussi enrichies du travail remarquable sur la lumière et les couleurs de Baron : ses contrastes sont saisissants et ses teintes choisies avec un goût évident apportent un côté souvent organique aux planches. Crain, le prodige de la peinture numérique, produit un "Komandar Bloodshot" marquant. Les dessins des autres artistes sont très satisfaisants dans l'ensemble ; surtout ceux de Ryp et Portela, mais CAFU et Gill ne déméritent aucunement.
La traduction est à nouveau effectuée par Stéphane Le Troëdec. Il y a là de très bonnes choses ; néanmoins, relevons une vilaine faute de conjugaison et une d'accord.
Malgré quelques épisodes nettement en deçà, Kindt clôt sa trilogie de manière convaincante et pousse ce concept de dystopie jusqu'au bout, dans les limites imposées par le format. Le lecteur est tiraillé entre son amour de certains personnages et les exactions commises au nom de l'État. Parfois captivant, souvent déroutant.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz
Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz
Divinity, Ninjak, Bloodshot, X-O Manowar, Toyo Harada, Shadowman, Valentina "Michka" Volkova, La Brigade rouge, Baba Yaga, Kostiy l'Immortelle, La Pionnière, La Légende rouge, Matt Kindt, Trevor Hairsine, Ryan Winn, David Baron, Valiant
A l'époque, Valiant Comics pratiquait une politique de recueils courts : Divinity III avait eu droit à son tome, et les récits annexes à un autres. Ainsi au je pu lire uniquement la minisérie, n'étant pas intéressé par les autres épisodes que je peux maintenant découvrir au travers de ta chronique.
RépondreSupprimerLe niveau de détail est suffisant, Hairsine n'abuse pas des arrière-plans inexistants : mon appréciation sur cette caractéristique du dessin était du même ordre.
Sur le thème du récit : L'ennemi est motivé par un mal-être émotionnel et il appartient au héros de proposer une alternative qui puisse être convaincante, sans s'apparenter à une défaite. Pendant que Trevor Hairsine s'en donne à cœur joie pour des visuels à la hauteur des pouvoirs utilisés, Matt Kindt orchestre le combat, avec le héros prenant peu à peu l'ascendant psychologique sur son ennemi en semant le doute, en proposant une alternative qui ne repose ni sur la domination après une victoire par la force, ni sur une philosophie new-age à bas prix. le lecteur peut envisager le point de vue mis en avant par le héros comme une solution viable pour sortir lui aussi d'impasses conflictuelles, ou d'une forme d'obstination irrationnelle.
https://www.babelio.com/livres/Kindt-Divinity-tome-3--Stalinevers/997136/critiques/1624703
La qualité de ces épisodes est variable, mais je pense aussi que cela dépend des affinités du lecteur avec les personnages. N'en n'ayant pas avec Archer et Armstrong ni avec Shadowman, ce sont forcément les épisodes qui m'ont le moins plu.
SupprimerEn parlant de Shadowman, en as-tu déjà lu des albums ? J'ai vu qu'il y avait eu un run d'Ennis et un de Delano.
J'ai lu peu d'albums de Shadowman, le principe même me faisant craindre des aventures surnaturelles peu originales. Je n'ai pas eu l'occasion de lire les épisodes écrits par Jamie Delano. Je n'avais pas lu sa série originale en 1992/1993. Je n'ai lu aucun épisode de la période Acclaim Comics. Je l'ai croisé dans des épisodes de Unity, la série de superhéros Valiant écrite par Matt Kindt, et dans la série Ninjak écrite par Matt Kindt.
Supprimer- Les épisodes de Garth Ennis :
https://www.babelio.com/livres/Ennis-Shadowman/921503