Cet ouvrage intitulé "Thuy Diêm", paru en avril 2021, est le dernier tome de "Cyberwar", un triptyque publié chez Delcourt. C'est un volume relié (dimensions 24,0 × 32,0 centimètres ; avec couverture cartonnée) de quarante-six planches, toutes en couleurs. "Thuy Diêm" est sorti directement au format album, c'est-à-dire sans la moindre prépublication en magazine.
Le scénario a été écrit par Daniel Pecqueur. Pecqueur, un vétéran de la bande dessinée, est connu notamment pour sa série "Golden City". La partie graphique - les crayonnés et l'encrage - est confiée à Denys Quistrebert, dit Denys. Il a travaillé sur plusieurs tomes de "Jour J". Jean-Paul Fernandez a composé la mise en couleurs. Les couvertures sont de Nicolas Siner.
Précédemment, dans "Cyberwar" : Lancaster et ses agents ont enlevé Ngûyen et Jessica, des hackers. Ils les retiennent dans une chambre d'hôtel de La Havane pour un interrogatoire. L'administration Anderson a trouvé refuge à Yokota Air Base.
Cuba, hôtel Inglaterra. Lancaster et ses deux adjoints travaillent les pirates au corps. Tandis que Lancaster tient un pistolet semi-automatique avec un silencieux sur la tempe de Ngûyen, ligoté à une chaise, son collègue maintient la tête de Jessica sous l'eau de la baignoire. Il annonce que "la demoiselle commence à suffoquer" et qu'elle est "à bout de souffle". Lancaster demande à ce "connard" de Ngûyen s'il a saisi. S'il garde le silence, sa petite amie "va mourir noyée". Le dernier agent - il lit tranquillement un magazine, installé dans un fauteuil - prévient Lancaster qu'un smartphone sonne ; Lancaster le prie de le lui amener. Ngûyen confirme qu'il s'agit de son appareil. Le menaçant toujours, Lancaster lui ordonne de répondre - sans un mot sur ce qui se passe sinon il lui "explose la tronche". L'interlocuteur, un autre hacker, informe Ngûyen que "le boss" vient de l'appeler : il leur apporte "le pognon" à l'embarcadère. Il lui donne rendez-vous là-bas, à minuit, puis raccroche. Lorsque Lancaster s'enquiert de l'identité du boss, Ngûyen assure que personne ne l'a jamais vu ; Lancaster échafaude un plan...
Le lecteur retrouve les caractéristiques de la minisérie, dont certaines auxquelles il se sera habitué, entre autres la narration compressée, c'est-à-dire la rapidité avec laquelle progresse l'enquête du supérieurement efficace Lancaster, qui pratique chantage et torture pour parvenir à ses fins - faut-il le préciser ? - et vole d'un bout du monde à l'autre afin de traquer sa proie. Outre l'agent, Pecqueur continue à dérouler les trois autres fils conducteurs. Le président Anderson et son administration sont accueillis au Japon. Aucune dissension de ce côté-là : tous font corps. Le président élabore la stratégie et prend les décisions. Pendant qu'il remplit son office, installé dans des bureaux climatisés, et que Lancaster est exécuteur des basses œuvres, les deux autres protagonistes, restés au pays, sont confrontés à des réalités d'un autre type, mais au moins aussi cruelles et dures, sinon plus. Nora Parks est toujours à la recherche de ses enfants. Vu son incroyable aventure depuis l'abandon de la station spatiale et l'atterrissage de la capsule au Kazakhstan, le lecteur réalise que son parcours sur Terre (dans les airs, sur la terre et sur l'eau) n'est pas moins dangereux. Le pays sombrant dans le désordre et l'anarchie, certains groupuscules en profitent et agissent à découvert, sans risque d'être inquiétés. La faim et l'envie d'exploiter tout avantage dans n'importe quelle circonstance poussent les gens aux pires comportements, le racket, le vol ou le meurtre. Si cet épilogue laisse présager d'un retour à la normale long et difficile, mais assuré, Pecqueur ouvre une porte bien trouvée sur un avenir différent qui propose un nouveau départ et offre une forme de rédemption à ceux qui sont prêts à saisir l'aubaine. Le lecteur exigeant aura des doutes au sujet de certains choix. Plutôt qu'un seul cerveau (vite expédié) derrière cet attentat, il aurait peut-être été intéressant (mais moins réaliste ?) de placer une taupe au sein de l'administration Anderson. Enfin, l'objectif caché des hackers, ainsi que l'idée de double jeu au sein d'un groupe sans doute disparate, avec des individualités fortes, pourra peiner à convaincre. Il n'empêche que cette série B demeure efficace.
Concernant la partie graphique, commençons par un mot à propos de la couverture de Siner, qui - contrairement à celles des premiers tomes - ne correspond à aucune scène précise de l'album. Un regard sur la première vignette, et ça y est, c'est instantané : Denys emmène le lecteur à La Havane. Il faut dire que sa représentation de l'hôtel Inglaterra est réussie, aucun doute au sujet du bâtiment. Puis vient une vue en plongée totale sur la salle de bains de la chambre : la tête de Jessica maintenue sous l'eau le ramène à la réalité. S'il fallait définir le style Denys, il conviendrait d'évoquer le soin apporté aux décors (extérieurs et intérieurs : voir l'embarcadère, les rues de Saïgon) et aux véhicules, le mouvement, et un sens du spectacle dans le spectacle, c'est-à-dire la variété des angles de prises de vues dans les scènes d'action. Les efforts de Denys en matière de densité de détail sont satisfaisants ; comme la colorisation de Fernandez, qui ne sacrifie pas à cette tendance du filtre terne.
La guerre cyber se serait donc pas qu'un rapport de forces ? Pecqueur apporte une conclusion satisfaisante à une trilogie qui n'est pas exempte de défauts, mais qui est d'un niveau équilibré en matière de qualité et qui empêche surtout le lecteur de reprendre son souffle. Une œuvre haletante, prégnante, trépidante et rythmée.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz
Cyberwar, Lancaster, Ngûyen, Jessica, Jack, Président Anderson, Winston Feller, Nora Parks, Jane, Ku Klux Klan, Thuy Diêm, La Havane, Monaco, Saïgon, Cyberguerre, Delcourt
Lecture et article sur les 3 tomes en 11 jours : rapide et efficace, pari tenu.
RépondreSupprimerLancaster vole d'un bout du monde à l'autre […] Le parcours de Nora Parks sur Terre (dans les airs, sur la terre et sur l'eau) : visiblement une série qui fait voir du paysage.
J'ai saisi l'opportunité du lien pour Denys pour aller consulter sa fiche Bédéthèque : la liste des ses œuvres m'incite à me questionner sur le niveau de rémunérations de son métier de bédéiste et s'il réalise concomitamment des projets d'une autre nature.
L'objectif caché des hackers & Un groupe disparate me conduit à imaginer une motivation plus sophistiquée que simplement devenir les maîtres du monde.
Oui, paru tenu, mais c'était facile.
SupprimerUne série qui fait voir du paysage et qui, c'est flagrant, a obligé le dessinateur à se documenter, car ses reproductions de paysages sont soignées.
On a dû avoir la même réflexion concernant Denys. Il y a eu plusieurs tomes de quelques séries connues, dont "Jour J" (cinq), mais je trouve que la liste est quand même courte pour quelqu'un qui a plus de vingt ans de métiers. J'ai lu sa bio, sans trouver d'informations au sujet d'éventuels travaux de graphiste ou autres à-côtés.