mardi 19 mars 2024

Infamous Iron Man (tome 1) : "Rédemption" (Panini Comics ; mai 2019)

Intitulé "Rédemption", cet ouvrage est le premier volume d'un diptyque consacré au docteur Fatalis. Au programme, les versions françaises des six premiers épisodes de la minisérie "Infamous Iron Man" : les #1-6 (décembre 2016 à mai 2017). Cet album a été publié en novembre 2018 par Panini Comics France dans la collection "Marvel Now!" de l'éditeur. Ce recueil relié - de dimensions 17,5 × 26,7 centimètres ; avec couverture cartonnée - comprend précisément cent vingt-deux planches, toutes en couleurs (sauf quatre en noir et blanc). Sept variantes de couvertures (divers artistes) ont été insérées en fin de volume en guise de bonus. 
Ces numéros ont été écrits par le scénariste Brian Michael Bendis ; faut-il encore présenter cet auteur - cinq Eisner - et rappeler à quel point son "Daredevil" fut fameux ? Bendis fut incontournable pendant la première moitié des années deux mille. Au dessin (crayonnés et encrage), un compère de longue date : Alex Maleev. C'est Matt Hollingsworth qui compose la mise en couleurs. 

De nos jours, la nuit, sans doute aux États-Unis. Vêtu d'un élégant veston-cravate et d'une chemise blanche, Fatalis remonte une ruelle sombre à pied. Il se remémore une réunion de la Cabale, il y a plusieurs années. À quelques pas, dans un entrepôt, Diablo l'alchimiste a entamé un long monologue. Il a capturé Maria Hill, l'a ligotée à un fauteuil et lui raconte que dernièrement, il a lu un article sur la Toile : un classement des terroristes à super-pouvoirs les plus craints de tous les temps. Mais Diablo, à son grand dam, n'y figurait point. Certes, il ne souhaitait pas être qualifié de terroriste, mais son ego a souffert. Tous ces projets criminels qu'il a entrepris par le passé ne comptent donc pas ? Tandis que Mister Negative, lui, était sur cette liste. Vraiment ? Alors Diablo s'est dit qu'il n'avait pas donné à ses ennemis l'occasion de penser à lui récemment ; "c'est du show-business", il en est conscient. À l'époque des "Que sont-ils devenus ?", peut-être n'est-il pas devenu grand-chose ? Mais après ce qu'il prépare, il espère que son nom - celui de Diablo - sèmera à nouveau "la peur dans les cœurs et les esprits de tous ceux qui ont besoin" de la connaître... 

Bien que cela ne soit pas indispensable, se renseigner sur les grandes lignes de "Secret Wars" et "Civil War II" sera utile. Avis préalable : Loki est devenu Lady Loki, Tony Stark et Iron Man ont été remplacés par Ironheart, dont une jeune afro-américaine porte l'armure, et le SHIELD a désormais une directrice, Maria Hill. Au lecteur de se demander si ces concessions aux groupes de pression sociaux le gênent ou pas. Quoi qu'il en soit, le titre du tome est sans équivoque, la rédemption est bien le chemin qu'a choisi Fatalis. Celui qui s'était élevé au rang de divinité d'un nouvel univers a eu l'âme et le visage soignés par Reed Richards après sa chute. Le super-vilain le plus charismatique de Marvel s'est défini un nouveau but, faire le bien. Évidemment, le parcours est semé d'embûches. Fatalis a beau joindre l'acte à la parole (et tanner le cuir à d'ex-acolytes, que le lecteur retrouve avec joie), ses anciens ennemis (superhéros) ne croient guère en ses bonnes intentions : la rédemption sans la réinsertion. Au premier rang, la Chose, en garde-chiourme opiniâtre qui ne renonce pas : une caractérisation qui lui sied comme un gant. L'enfer, c'est bien les autres. Et ce Fatalis en bienfaiteur maudit, est-il intéressant ? Bendis réussit à combiner les facettes de la légende du personnage avec sa redéfinition. Ce Fatalis cherche plus à réincarner Tony Stark que de trouver sa voie. Stoïque, il porte sa repentance sa culpabilité, infinie et continue ; Bendis demande-t-il si c'est ce que réserve la société à un certain homme blanc d'âge mûr ? Une relecture totale : but, discours, actes, mais aussi apparence, car jamais Fatalis n'aura autant paru sans armure (il en obtient une autre). C'est étrange : plutôt que d'assimiler la révision du personnage (sans la rejeter non plus), c'est une rechute que guette le lecteur familier des "exploits" de Fatalis. Il ne souhaiterait donc pas voir aboutir cette rédemption. Il est aussi plausible de déceler là un questionnement sur les limitations d'un auteur à sa liberté créatrice lorsqu'il travaille sur une superstar de papier. Voilà un scénario intéressant, soutenu par des dialogues intelligents et une multitude de thèmes qui poussent à la réflexion. 
L'amateur retrouve avec plaisir le réalisme du style de Maleev. Le Bulgare est en grande forme. Son trait, aussi brut qu'élégant, tour à tour gras puis fin, peut-être plus anguleux que rond, mais précis malgré la rugosité occasionnelle, n'a pas radicalement évolué depuis les grands jours de "Daredevil" (le vol. 2). Il approfondit peut-être plus l'horizontalité que la verticalité et ne se limite donc pas à la planche, mais exploite pleinement la double page. Cela donne de l'ampleur aux compositions. Maleev réussit à combiner la diffusion d'une atmosphère propre (souvent assez sombre) et un niveau de détail satisfaisant. Parmi les autres qualités du travail de cet artiste, il faut retenir la lisibilité instantanée, aidée d'une mise en page classique avec les cases séparées par des gouttières blanches et un découpage fluide, entre autres
Ces numéros bénéficient d'une bonne traduction de Jérémy Manesse, l'une des grandes figures du métier. Notons néanmoins une confusion entre "promettre" et "jurer".

La rédemption est une notion qui est souvent exploitée dans les comic books ; le docteur Fatalis est un sujet idéal. Peut-être la question n'avait-elle encore jamais été poussée aussi loin que dans "Infamous Iron Man". Un récit à lire en parallèle du "Docteur Fatalis" de Christopher Cantwell. Espérons une suite de la même qualité. 

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz
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Dr Fatalis, Amara Perera, SHIELD, Maria Hill, La Chose, Cynthia von Fatalis, Reed Richards, Tony Stark, Diablo, Le Penseur fou, Le Sorcier, Marvel Now!

2 commentaires:

  1. Hé bien ! Du Brian Michael Bendis, voilà fort longtemps que j'ai abandonné cet auteur, trop régulièrement déçu par sa production, en particulier ses X-Men.

    Je ne m'attendais pas à une telle profondeur de lecture, que relève ton analyse : une relecture totale, but, discours, actes, mais aussi apparence.

    Scénario intéressant, soutenu par des dialogues intelligents et une multitude de thèmes qui poussent à la réflexion : je n'avais rien lu d'aussi élogieux concernant Bendis depuis sa série Powers, avec Michael Avon Oeming, à l'exception de Scarlet (2010-2016), avec le même Alex Maleev.

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    1. J'ai sans doute lu moins de Bendis que toi ; pour ne rien cacher, je connais principalement son run sur "Daredevil" et "Torso", que j'ai lu il y a des années. Je n'ai donc pas de préconçu particulier concernant son écriture, mais tu m'as donné des pistes de réflexion pour la lecture du prochain tome.

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