lundi 10 juin 2024

"Luke Cage" : L'Intégrale 1977-1980 (Panini Comics ; octobre 2021)

Publié en octobre 2021 chez Panini Comics France, cet ouvrage est le quatrième tome de l'intégrale consacrée au personnage de Luke Cage, dont les aventures en tandem avec Iron Fist démarrent ici. Ce tome-là inclut les versions françaises des "Power Man" (vol. 1) #48 (décembre 1977) et 49 (janvier 1978), et des "Power Man and Iron Fist" #50 (avril 1978) à 64 (août 1980) ; le titre de la série évolue, pas sa numérotation. L'album comprend une préface de deux pages de Cristiano Grassi, le responsable éditorial. En bonus : de rapides biographiques des auteurs principaux. Ce recueil relié (dimensions 17,7 × 26,8 cm ; couverture cartonnée, jaquette plastifiée) compte plus ou moins deux cent quatre-vingt-onze planches (sans les couvertures), toutes en couleurs. 
Les équipes artistiques ne brillent pas par leur stabilité. Chris Claremont écrit les quatre premiers numéros puis en coécrit deux avec Ed Hannigan, qui lui en scénarise deux avant de céder la place à (Mary) Jo Duffy pour les neuf restants. John Byrne dessine les trois premiers numéros. Suivent Mike Zeck, Sal Buscema, Lee Elias (1920-1998), Trevor Von Eeden, Marie Severin (1929-2018) et Kerry Gammill, qui ramène un semblant de stabilité : il travaillera sur le titre jusque début 1982. Enfin, il serait vain de citer les vingt et un encreurs ou coloristes : mais retenons quelques noms, dont ceux de Dan Green (1952-2023) et Ricardo Villamonte pour les premiers, et de George Roussos (1915-2000), Françoise Mouly, Ben Sean ou de Glynis Wein/Oliver pour les seconds. 

Précédemment, dans "Luke Cage" : À Chicago, Zzzax, un monstre d'énergie pure aux intentions belliqueuses, sème la pagaille en ville et s'éprend d'Alexandria Knox, qu'il désire enlever. Power Man (qui prétend s'appeler Mark Lucas) l'affronte et le vainc. 
Manhattan, dans la demeure de Danny Rand, par une nuit d'été. Colleen Wing se sert une tasse de café dans la cuisine. Soudain, un Luke Cage furieux passe à travers le mur en réclamant Misty Knight : il vient la "chercher". Mais Colleen n'est pas la première venue, elle jette son café bouillant au visage de l'intrus et se met à courir. Cage la poursuit et parvient à la plaquer au sol... 

C'est dans ces pages que naît l'équipe Heroes for Hire, dans le #54 de décembre 1978. Alors qu'il vient de devenir scénariste de "Power Man" (#47), Claremont y intègre l'une de ses créations : Iron Fist. Les objectifs : éviter les oubliettes à Iron Fist et soutenir un "Power Man" en perte de vitesse. Soyons tolérants avec l'astuce narrative poussive que Claremont a imaginée pour arriver à la rencontre entre Luke Cage et Danny Rand. Règles du genre obligent, cela commence évidemment par une bagarre spectaculaire, puis cela s'emboîte de façon naturelle, car l'auteur insiste sur les contrastes afin d'encourager l'émergence d'une complémentarité intéressante entre les deux personnages : le Noir massif et le Blanc athlétique, le premier issu des classes défavorisées et le second d'une riche famille d'industriels, celui qui se plaint d'être toujours fauché et l'autre qui dépense sans sourciller (il est étranger à la notion d'argent), le colérique colosse qui voit souvent rouge et le guerrier martial qui ne perd pas son sang-froid. Tous ces aspects sont explorés et travaillés, et ça fonctionne instantanément. La rivalité amicale avec les Filles du Dragon aurait pu être davantage exploitée pour ajouter du piment. Cage a plus de présence que Rand, mais ça reste son périodique, après tout. Au menu du duo : le crime organisé afro-américain, des robots (ce que Claremont a écrit de moins imaginatif), des terroristes, la Maggia, des intervenants costumés de dernière zone (Discus, Poignard et ce justicier espagnol clone de Zorro) et un mutant surpuissant. Quel grand écart ! Nos héros de la rue (ils s'y promènent costumés en plein jour) sont confrontés aux problèmes qui touchent le citoyen lambda. Il y est question des petits commerçants qui subissent la loi du milieu et de projets immobiliers à scandales. Ils acceptent aussi des jobs inattendus, comme de produire des animations pour un salon de l'automobile. Rien n'est acquis, il y a une forme de résonance sociale. Ce n'est pas le meilleur de Marvel, au début les épisodes médiocres se succèdent ; la qualité grimpe à la fin avec Suerte et Muerte, dans un thriller efficace avec un adversaire retors qui surclasse les autres. 


Concernant les dessins, il est toujours difficile de succéder à Byrne. Tout est d'un niveau supérieur chez lui, bien que certains visages peuvent manquer de relief ; c'est le cas de celui de Danny Rand, notamment. Zeck fournit un travail étonnant avec des visages travaillés, mais ses arrière-plans sont parfois chiches en textures. Elias et Von Eeden évoluent dans la même catégorie, avec un coup de crayon moins régulier, sans doute. Au fond, le choix de Gammill s'avère particulièrement payant, surtout au niveau de l'expressivité des personnages et de la densité de détail en général. Tant mieux, car l'artiste restera sur le titre jusqu'au #79. Quel que soit le dessinateur, le découpage est impeccable et les enchaînements sont parfaitement limpides. Les couleurs sont souvent très criardes, mais bon, c'est aussi l'époque qui veut ça. 
La traduction est de Nick Meylaender. Il y en a du déchet ! Coquilles, astérisques sans références, bulles non traduites, noms propres traduits et fautes de conjugaison.

Bien que Claremont ne soit pas à son meilleur dans ces premiers numéros, reconnaissons-lui la bonne idée d'avoir associé Power Man et Iron Fist. Tandis que les auteurs suivants se succèdent sans rien proposer de valable pour la série, Duffy et Gammill semblent tirer leur épingle du jeu. Reste à savoir si l'embellie va se confirmer. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz 
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz 

Power Man, Iron Fist, Bushmaster, Colleen Wing, Misty Knight, Discus, Poignard, Nightshade, L'IncinérateurLe Monolithe vivantEl AguilaAlan CavenaughPrincesse AzirLa MaggiaSuerte et MuerteMarvel

4 commentaires:

  1. Des épisodes que je n'ai pas lus mais qui m'oint longtemps fait saliver à l'idée de leur existence, à une époque où il n'était pas possible de mettre facilement la main sur des anciens numéros.

    Des robots (ce que Claremont a écrit de moins imaginatif) : trente plus tard, je me souviens encore du premier numéro de Mighty Magnor (par Sergio Aragonés & Mark Evanier) dans lequel un personnage expliquait que les deux ennemis les plus faciles à créer pour scénariste fainéant et dépourvu d'imagination sont les robots et les extraterrestres.

    https://www.amazon.com/Mighty-Magnor-Pop-Out-Cover/dp/B000IG16HW

    Il y est question des petits commerçants qui subissent la loi du milieu et de projets immobiliers à scandales : je me souviens avoir lu quelques épisodes de Luke Cage qui exhalaient ce parfum d'aventure de rue.

    Il est toujours difficile de succéder à Byrne. Tout est d'un niveau supérieur chez lui. - C'est toujours impressionnant de constater des années après, avec le recul, qu'il en est ainsi, que ce n'était pas juste un engouement de type Byrne-mania.

    La page que tu as choisie pour illustrer l'article : un hommage direct à une page de Captain America par Jack Kirby.

    https://www.facebook.com/UCBComics/photos/a.449605161730824/1809202335771093/?type=3

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    1. J'ai toujours adoré ce tandem, bien plus que leurs aventures séparées. Cela remonte à de très vagues souvenirs d'enfance, sans doute. Il me semble me souvenir d'une histoire avec Iron First plongeant dans l'eau et coulant un bateau d'un coup de poing dans la quille ! Souvenir authentique ou déformation ?

      Les robots, les extraterrestres... et les monstres géants ! D'ailleurs, il y a un arc avec le Monolithe vivant dans ces pages, avec la participation des X-Men ; j'ai trouvé ces numéros-là hors de propos.

      Page trouvée sur Bédéthèque. Merci pour le lien vers la planche de Kirby, qui remonte à la surface de ma mémoire ; j'ai bien lu cet épisode, qui a été publié dans l'intégrale Panini Comics en cours.

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    2. Belle mémoire pour la quille : Power Man & Iron Fist #68 (1981), page 6

      https://viewcomiconline.com/power-man-and-iron-fist-1978-issue-68/

      Cette scène est même référencée dans les 10 moments les plus épiques d'Iron Fist :

      https://www.quirkybyte.com/blog/2017/09/epic-iron-fist-moments-marvel-comics/

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    3. Ah, merci, mille mercis ! Dans mon souvenir, le bateau tenait plus du porte-avions, mais bon... 😆

      Merci aussi pour le lien, qui est moins pollué par les publicités que celui que j'utilise d'habitude.

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