"Le Cheval de fer" est le septième tome de la série "Blueberry". Cet album cartonné de quarante-six planches est sorti chez Dargaud en janvier 1970. C'est le premier des quatre volumes de ce qui a été appelé "Le Cycle du cheval de fer" par l'éditeur et qui s'étale sur deux années de publication (jusqu'à fin 1971).
"Blueberry" (anciennement "Lieutenant Blueberry") est une série franco-belge créée par le scénariste Jean-Michel Charlier (1924-1989) et par Gir, le dessinateur Jean Giraud (1938-2012).
Dans l'album précédent, "L'Homme à l'étoile d'argent", Blueberry venait en aide à la population d'une petite ville en mettant fin au règne de terreur d'un propriétaire terrien et ses hommes.
1868. Les compagnies de chemin de fer Union Pacific, partie de la côte Est, et Central Pacific, partie de la côte Ouest, doivent relier l'Atlantique au Pacifique. Mais les deux entreprises sont en concurrence ; chaque société recevra le monopole de l'exploitation de sa ligne et des terres bordant la voie ferrée à l'endroit de la jonction. C'est la lutte pour progresser le plus rapidement possible et couvrir un maximum de kilomètres.
Le général Grenville M. Dodge (1831-1916), l'ingénieur en chef de l'Union Pacific, est aussi furieux qu'inquiet. Un meurtre, le second en quinze jours, vient de se produire sur le campement. Les frères Casement, responsables de la sécurité, avouent qu'ils n'arrivent plus à maintenir l'ordre, malgré les hommes de main récemment embauchés. De plus, les arrivages de vivres étant de plus en plus irréguliers, le mécontentement commence à gagner les ouvriers. Dodge est conscient que la situation ne va pas s'améliorer, le chantier s'allongeant au fur et à mesure des progrès des ouvriers. Mais ce qui inquiète surtout le général, c'est que les équipes de tête approchent le territoire de chasse des Sioux et des Cheyennes. L'un des Casement propose de recruter des chasseurs pour abattre des bisons et pallier le problème de vivres, mais Dodge rejette l'idée, qui pourrait apporter la guerre et stopper le chantier. L'autre Casement rétorque qu'il leur faut un homme qui connaît les Indiens et est capable de gagner leur confiance. Le général pense immédiatement à Mike S. Blueberry et l'envoie chercher à Fort Navajo.
Onze jours et quelque six cents miles plus tard, le messager de l'Union Pacific arrive au fort. Il demande à être conduit auprès du colonel. Pour ce dernier, la requête du général Dodge est un cadeau du ciel ; il est soulagé de pouvoir enfin se débarrasser de Blueberry. Le lieutenant est d'ailleurs aux arrêts de rigueur depuis une dizaine de jours pour avoir dévasté, au revolver, un saloon dont le patron aurait triché au jeu...
Charlier, après les guerres indiennes, s'attaque à une autre facette de la conquête de l'Ouest, le chemin de fer. Les Indiens, victimes de leur naïveté, vont être manipulés par les sbires de la General Pacific ; c'est tout un peuple qui va pâtir des coups larvés et de l'absence totale de scrupules de la compagnie. L'autre intérêt de ce cycle, c'est le sinistre, mais non moins charismatique personnage de Jethro "Steelfingers" Diamond, qui devient, à l'instar de Quanah-n'a-qu'un-Œil dans le cycle précédent, l'ennemi juré de Blueberry, à qui il vole d'ailleurs la vedette dans cet album. Le scénario est impeccable, brillamment déployé et captivant. Il n'y a pas de temps mort ; le scénariste s'empare du lecteur dès le début, avec la charge du troupeau de bisons.
Giraud continue à progresser, mais n'est pas encore arrivé au sommet de son art. L'encrage s'est légèrement affiné, mais reste appuyé. Le découpage de l'histoire oblige l'artiste à réaliser de nombreuses cases de petites dimensions alors que son talent s'exprime surtout dans les grandes scènes. Quelques cases sont remarquables, la toute première planche, l'attaque du convoi par les Cheyennes (planche 10) et d'autres encore, le sommet étant l'affrontement dans le saloon. Notons la diversité des physionomies et le travail sur les visages. Mais, surtout, Giraud a le sens de la composition et parvient à retranscrire le capharnaüm que devait représenter un campement de ce genre, son activité grouillante et ses travailleurs de tous horizons.
"Le Cheval de fer" est une indéniable réussite. C'est une brillante entrée en matière pour ce nouveau cycle, avec un adversaire de taille pour le lieutenant Blueberry, en la personne de Jethro Steelfingers. La suite est intitulée "L'Homme au poing d'acier".
Mon verdict : ★★★★★
Barbuz
J'ai beaucoup aimé le paragraphe sur les planches de Giraud : l'élan de l'artiste contrarié car contraint de réaliser des petites cases, la diversité des physionomies qui doit demander des années d'observation pour parvenir à restituer cette variété, et le capharnaüm du chantier qui nécessite de bien connaître les outils et les techniques utilisés à l'époque pour rester crédible.
RépondreSupprimerL'avancée du rail contre les traditions des peuples autochtones : rien n'arrête la marche du progrès conquérant.
Effectivement, rien n'arrête la marche du progrès conquérant, pour le meilleur et pour le pire. Un ancien camarade de formation disait que l'homme était un "innovateur né" et qu'il était dans sa nature de créer, créer, et créer.
SupprimerQuel excellent album que celui-ci. J'adore ce cycle "du cheval de fer", un monument qui est l'un des tout meilleurs de la série. Ça me donne envie de le relire, tiens.