"L'Enfant grec" est le quinzième tome de la série créée par Jacques Martin (1921-2010) en 1948. L'histoire est publiée dans l'édition belge du "Journal de Tintin", du nº10 de mars 1979 au 3 de janvier 1980. En avril de cette même année, Casterman l'édite en un album cartonné (au total, quarante-six planches).
Martin est également célèbre pour d'autres titres, tels que "Lefranc", ou "Jhen". En 1991, il est, hélas, diagnostiqué d'une dégénérescence maculaire qui le rend quasiment aveugle et l'éloigne des tables de dessin dès l'année suivante. Il délègue alors le dessin à d'autres artistes et se fait assister à l'écriture.
À l'issue du tome précédent, Alix et Enak, après avoir exposé l'arrangement entre les Phéniciens et le chef du village, quittent l'île volcanique en radeau avec l'aide des autochtones.
Au Pirée, la vente d'esclaves bat son plein. La foule est nombreuse. Un char passe la porte du Centaure ; son conducteur tente de se frayer un chemin à travers la cohue. Celui qu'il amène, un Romain richement vêtu, se nomme Numa Sadulus. Sur une estrade, un marchand est en train de présenter un lot de captifs jeunes et en bonne santé : de "robustes" filles de Thrace, des Syriennes "à la peau veloutée", des Africains "aux muscles d’airain". Puis il montre du doigt Alix et Enak, en expliquant aux badauds qu'il les a arrachés à prix d'or à des trafiquants phéniciens. Il aurait pu réaliser de bonnes affaires à Alexandrie ou à Damas, mais il a préféré réserver ces deux morceaux de choix aux Athéniens, qui sont des amateurs raffinés. Tandis qu'il veut ajouter quelque chose avant de lancer les enchères, il est brusquement interrompu par Sadulus, le riche Romain, qui, de son char, demande combien pour Alix et Enak. Surpris, le marchand geint qu'il est normalement de coutume de laisser monter les prix. Il fait mine de se résigner, et réclame un talent d'argent pour les deux. Le Romain le traite alors de voleur, mais lui promet qu'il percevra la somme...
Il sera utile de relire "Alix l'intrépide". Au menu de "L'Enfant grec", un détour par Athènes, une sombre histoire d'héritage avec tentative de dépossession, une mission d'infiltration, un procès public et une fin théâtrale. Malgré ce contenu alléchant, Martin conçoit un complot qui manque d'ampleur et qui n'éveillera pas les passions : un homme cupide désire mettre la main sur le Protonéion, la plus célèbre fabrique de poteries de la région. Un artisan souhaite informer Rome de cette machination et grave un message à l'intérieur d'un vase. Le bateau qui transporte ce dernier échoue sur une plage à cause d'une tempête. Le récipient s'est brisé, et la missive est trouvée par l'officier romain chargé de l'inspection de l'épave. Que d'interventions du hasard, afin d'attirer l'attention de Rome sur cette fabrique de poteries ! D'autant que l'auteur du message ne sera finalement pas identifié. Les personnages d'Hykarion et d'Archeloüs, bien qu'intrigants, n'ont pas la dimension tragique suffisante pour émouvoir. Le développement de ce scénario bancal dévoile ensuite l'existence d'une communauté de savants au sein du Protonéion ; invités par Hykarion, le gérant, ils approfondissent les théories de Démocrite (460 av. J.-C. - 370 av. J.-C.), jusqu'à parvenir à créer de l'or, avant d'avoir la vision de possible catastrophes nucléaires et de décider d'effacer toute trace de leurs découvertes ! Dès lors, il est probable que le lecteur ne suive plus le propos de Martin. L'auteur voulait-il attirer l'attention du lecteur sur la question des armes de destruction massive (déjà évoqué dans "Le Dieu sauvage") et établir une opposition entre des sujets "sérieux" et la course de l'humanité à la richesse et aux possessions ? Démocrite, en son temps, dénonçait la médiocrité des ambitions des hommes. À moins qu'il ne faille voir ici qu'un hommage aux talents de la Grèce antique : science, philosophie, arts, etc. Martin continue ensuite à développer une intrigue linéaire dans laquelle Alix et Enak subissent et ne font que fuir jusqu'au débat public, véritable pièce de théâtre, le grand moment de l'histoire. Visuellement, c'est toujours aussi fort. Martin approche les soixante ans ; son trait ne faiblit pas. Les images d'Athènes et du Pirée, la salle de banquet du Protonéion et ses fresques murales sont magnifiques. La vue aérienne sur l'Acropole est splendide (cf. planche 26), et les costumes sont soignés.
"L'Enfant grec" est un album moyen d'une série qui ne réussit plus à atteindre les sommets depuis quelques volumes. Martin essaie de renouer avec les ingrédients qui ont fait les grands moments du titre sans pleinement y parvenir, malheureusement.
Mon verdict : ★★★☆☆
À l'issue du tome précédent, Alix et Enak, après avoir exposé l'arrangement entre les Phéniciens et le chef du village, quittent l'île volcanique en radeau avec l'aide des autochtones.
Au Pirée, la vente d'esclaves bat son plein. La foule est nombreuse. Un char passe la porte du Centaure ; son conducteur tente de se frayer un chemin à travers la cohue. Celui qu'il amène, un Romain richement vêtu, se nomme Numa Sadulus. Sur une estrade, un marchand est en train de présenter un lot de captifs jeunes et en bonne santé : de "robustes" filles de Thrace, des Syriennes "à la peau veloutée", des Africains "aux muscles d’airain". Puis il montre du doigt Alix et Enak, en expliquant aux badauds qu'il les a arrachés à prix d'or à des trafiquants phéniciens. Il aurait pu réaliser de bonnes affaires à Alexandrie ou à Damas, mais il a préféré réserver ces deux morceaux de choix aux Athéniens, qui sont des amateurs raffinés. Tandis qu'il veut ajouter quelque chose avant de lancer les enchères, il est brusquement interrompu par Sadulus, le riche Romain, qui, de son char, demande combien pour Alix et Enak. Surpris, le marchand geint qu'il est normalement de coutume de laisser monter les prix. Il fait mine de se résigner, et réclame un talent d'argent pour les deux. Le Romain le traite alors de voleur, mais lui promet qu'il percevra la somme...
Il sera utile de relire "Alix l'intrépide". Au menu de "L'Enfant grec", un détour par Athènes, une sombre histoire d'héritage avec tentative de dépossession, une mission d'infiltration, un procès public et une fin théâtrale. Malgré ce contenu alléchant, Martin conçoit un complot qui manque d'ampleur et qui n'éveillera pas les passions : un homme cupide désire mettre la main sur le Protonéion, la plus célèbre fabrique de poteries de la région. Un artisan souhaite informer Rome de cette machination et grave un message à l'intérieur d'un vase. Le bateau qui transporte ce dernier échoue sur une plage à cause d'une tempête. Le récipient s'est brisé, et la missive est trouvée par l'officier romain chargé de l'inspection de l'épave. Que d'interventions du hasard, afin d'attirer l'attention de Rome sur cette fabrique de poteries ! D'autant que l'auteur du message ne sera finalement pas identifié. Les personnages d'Hykarion et d'Archeloüs, bien qu'intrigants, n'ont pas la dimension tragique suffisante pour émouvoir. Le développement de ce scénario bancal dévoile ensuite l'existence d'une communauté de savants au sein du Protonéion ; invités par Hykarion, le gérant, ils approfondissent les théories de Démocrite (460 av. J.-C. - 370 av. J.-C.), jusqu'à parvenir à créer de l'or, avant d'avoir la vision de possible catastrophes nucléaires et de décider d'effacer toute trace de leurs découvertes ! Dès lors, il est probable que le lecteur ne suive plus le propos de Martin. L'auteur voulait-il attirer l'attention du lecteur sur la question des armes de destruction massive (déjà évoqué dans "Le Dieu sauvage") et établir une opposition entre des sujets "sérieux" et la course de l'humanité à la richesse et aux possessions ? Démocrite, en son temps, dénonçait la médiocrité des ambitions des hommes. À moins qu'il ne faille voir ici qu'un hommage aux talents de la Grèce antique : science, philosophie, arts, etc. Martin continue ensuite à développer une intrigue linéaire dans laquelle Alix et Enak subissent et ne font que fuir jusqu'au débat public, véritable pièce de théâtre, le grand moment de l'histoire. Visuellement, c'est toujours aussi fort. Martin approche les soixante ans ; son trait ne faiblit pas. Les images d'Athènes et du Pirée, la salle de banquet du Protonéion et ses fresques murales sont magnifiques. La vue aérienne sur l'Acropole est splendide (cf. planche 26), et les costumes sont soignés.
"L'Enfant grec" est un album moyen d'une série qui ne réussit plus à atteindre les sommets depuis quelques volumes. Martin essaie de renouer avec les ingrédients qui ont fait les grands moments du titre sans pleinement y parvenir, malheureusement.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbuz
Hé bien, quatrième tome à recevoir une note de 3 étoiles, voire 2 étoiles pour le tome 12. En reconsultant tes commentaires, il y a finalement un nombre significatif de déceptions par rapport à tes attentes pour cette série. Visiblement le nombre de rebondissements ne suffit pas à faire un bon scénario, même si une catastrophe nucléaire a été évitée. :) Je vois que l'histoire t'a tellement déçu que tu n'as pas souhaité parler de la partie graphique.
RépondreSupprimerAu temps pour moi ; dans ma précipitation, j'avais publié cet article avant de l'avoir terminé ! C'est maintenant chose faite.
SupprimerEt oui, c'est une autre (relative) déception. L'âge d'or de Martin, ce sont les tomes 6 à 10, voir 11. Mais après...
Au vu des phrases supplémentaires sur le dessin, je me demande si tu vas te laisser tenter ou si tu as déjà lu un album des Voyages d'Alix, même s'ils ne sont pas dessinés par Jacques Martin ?
RépondreSupprimerBien que j'adore la série malgré mes déceptions récentes, je m'arrêterai au dix-neuvième tome, "Le Cheval de Troie", parce que c'est le dernier qui a été plus ou moins "entièrement" réalisé par Martin, mais aussi parce qu'il semblerait que ce soit la séquelle du "Dernier Spartiate", mon album-culte de cette série. Je ne lirai pas d'autres séries dérivées ; "Alix Senator" a été une exception. Tiens, d'ailleurs, vas-tu continuer la lecture de cette série-là ?
SupprimerNon, je ne pense pas la continuer cette année. Suite à l'annonce de ton programme pour 2019, j'attends avec impatience tes commentaires sur la Brigade Chimérique.
SupprimerAvant de m'y mettre, je voudrais d'abord "solder" quelques séries (à commencer par "Thorgal") et avancer sur d'autres ("Les Tours de Bois-Maury").
SupprimerCe sont tes articles qui m'avaient convaincu de finalement me mettre à "La Brigade chimérique".