vendredi 26 avril 2019

Blake et Mortimer (tome 20) : "La Malédiction des trente deniers" ("La Porte d'Orphée") (Blake et Mortimer ; novembre 2010)

"La Porte d'Orphée" est le vingtième tome de la série des "Aventures de Blake et Mortimer", et le second volet du diptyque de "La Malédiction des trente deniers". Cet album cartonné de cinquante-quatre planches est sorti en novembre 2010. Dans la chronologie du titre, cette aventure prend place entre "L'Étrange Rendez-vous" (1954) et "L'Énigme de l'Atlantide" (1955), l'éditeur et les auteurs essayant d'architecturer une continuité. 
Jean Van Hamme écrit le scénario. Les dessins sont réalisés par Antoine Aubin, qui succède à René Sterne (1952-2006) et à Chantal De Spiegeleer. Étienne Schréder encre la quasi-totalité de l'album (les décors de la première moitié, l'ensemble de la seconde) et la mise en couleur est confiée à Laurence Croix. 

À l'issue du tome précédent, Mortimer est abandonné en pleine mer à bord d'un canot de sauvetage pneumatique par Olrik, qui a, bien sûr, enlevé les rames et les vivres de l'embarcation.
Une première nuit s'est écoulée, sans que rien ne se passe, puis une seconde. Le soleil est brûlant et la soif terrasse le professeur. Il sent le désespoir le gagner, lorsqu'il entend le bruit de moteurs d'aéroplane. Scrutant le ciel, il aperçoit un hydravion qui survole la zone. Afin d'attirer l'attention de celui-ci, il met le feu à sa chemise à l'aide d'un briquet d'abord récalcitrant. Cela fonctionne, mais l'appareil passe son chemin. Dans sa hâte, Mortimer a oublié que son pneumatique était en caoutchouc ; la flamme fait exploser l'esquif, provoquant la chute du professeur à l'eau, mais l'aéronef, un Catalina, a fait demi-tour et se pose sur les flots. Une verrière latérale s'ouvre ; ce n'est autre que le capitaine Blake, ravi de retrouver son ami éberlué. Après l'avoir recueilli et lui avoir permis de s'hydrater, Blake, John Calloway et Jessie Wingo, du FBI, lui apprennent qu'ils suivaient justement la trace de Belos Beloukian, dont le yacht a été repéré par leurs agents dans les eaux territoriales grecques, et Mortimer revient sur ses tribulations...

L'intrigue de "La Malédiction des trente deniers" se déroule entre août et septembre 1955. Après un "Manuscrit de Nicodemus" en demi-teinte, cette seconde partie, entre opérations commando, enquêtes, naufrages et explorations est captivante, pleine d'action et de retournements de situations, malgré quelques révélations rapides (les fuites, la taupe). Le début de ce volet pourra rappeler certaines scènes des "Canons de Navarone" (le fameux film de guerre de 1961, tiré du roman d'Alistair MacLean). Van Hamme fait monter le suspense jusqu'au bout et ne ménage ni les protagonistes (voir notamment le passage de l'assaut du yacht) ni le lecteur. Le scénariste invite deux personnages qu'il avait créés dans "L'Étrange Rendez-vous", les agents du FBI John Calloway et Jessie Wingo, qui figuraient déjà dans le premier tome. Le travail sur les dialogues est nettement meilleur que dans "Le Manuscrit de Nicodemus", et l'auteur parvient à retrouver l'atmosphère si particulière des albums de l'ère Jacobs. Cependant, le ton fantastique de la fin, qui s'inspire franchement sans vergogne sur "Les Aventuriers de l'arche perdue" (le film réalisé par Steven Spielberg en 1981), n'est peut-être pas entièrement convaincant et pourra en décevoir plus d'un ; en fin de compte, Van Hamme n'est pas allé cherche ses idées bien loin, ce qui n'enlève rien aux qualités narratives du scénario. Certains lecteurs pourront également déplorer le raccourci facile entre les nostalgiques du troisième Reich et la dictature des colonels. La partie graphique est une réussite quasiment absolue. Après avoir obtenu son "examen de passage" auprès des ayants droit d'Edgar P. Jacobs (1904-1987), le Normand Aubin, aidé de Schréder à l'encrage et de Croix à la mise en couleurs, réalise un travail excellent et une imitation particulièrement satisfaisante du style du maître. En cela, il se rapproche de Ted Benoit (1947-2016). Le découpage, limpide, présente généralement trois à quatre bandes horizontales, comprenant chacune jusqu'à quatre vignettes. Toutes les cases sont abouties ; les arrière-plans offrent un niveau appréciable de détails, et un soin minutieux est apporté aux véhicules (le sous-marin, l'hydravion, le yacht) et aux paysages, qu'il s'agisse des nombreuses scènes en mer, des villages grecs pittoresques pleins de luminosité, de sérénité et de gaieté, des grottes sombres ou encore des montagnes.

Malgré l'aspect rocambolesque peu convaincant de la fin, la conclusion de "La Malédiction des trente deniers" est une réussite scénaristique et graphique, et permet à Van Hamme de clore pour un temps sa contribution à la reprise de façon honorable.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Toujours curieux, je suis allé voir la bibliographie d'Antoine Aubin et visiblement il s'est lancé dans la bande dessinée en 2010, soit relativement peu de temps avant de se voir confier un projet de premier plan comme celui-ci . Comme tu t'en doutes, je continue de guetter la sortie du tome réalisé par François Schuiten (avec Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et Laurent Durieux) et visiblement il ne s'intègre pas dans la série régulière mais dans une collection dont je ne soupçonnais pas l'existence : Autour de Blake & Mortimer, même si la couverture n'en fait pas mention, et dont ce serait le 11ème tome ???

    Clore pour un temps sa contribution de façon honorable - Je n'avais pas fait attention au fait qu'il s'agit du dernier tome écrit pas Van Hamme pour le moment, soit depuis 10 ans. En allant consulter wikipedia, il semble qu'il ait annoncé un ultime album pour la série : Le dernier Espadon.

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    1. Aubin a réalisé un autre tome, « L’Onde Septimus », sur un scénario de Dufaux.
      Pour en revenir à l’album de Schuyten, cela aurait été étonnant qu’un volume réalisé par un artiste au style si personnel soit intégré dans la série.

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