vendredi 28 décembre 2018

Blake et Mortimer (tome 15) : "L'Étrange Rendez-vous" (Blake et Mortimer ; septembre 2001)

"L'Étrange Rendez-vous" est le quinzième tome de la série des "Aventures de Blake et Mortimer". Cet album cartonné de soixante planches est sorti en septembre 2001 aux Éditions Blake et Mortimer. Dans la chronologie du titre, cette aventure, la troisième de la période post-Jacobs, prend place entre "L'Affaire Francis Blake" et "La Malédiction des trente deniers", l'éditeur et les auteurs essayant d'architecturer une continuité. 
Le scénario est écrit par Jean Van Hamme, célèbre pour "Thorgal" ou "XIII". Les dessins sont signés Ted Benoit (1947-2016), artiste récompensé au festival d'Angoulême de 1979. La mise en couleur est de Madeleine De Mille. Ainsi, l'équipe artistique est la même que celle qui a œuvré sur "L'Affaire Francis Blake".

Amérique du Nord, le 17 octobre 1777. Une vingtaine de soldats britanniques, des rescapés de leur défaite à la seconde bataille de Saratoga (dans l'actuel état de New York), errent à travers les forêts des monts Adirondacks. À leur tête se trouve le major Lachlan Macquarrie. La nuit, alors que ses hommes affamés et épuisés se sont assoupis, le l'officier est attiré par d'étranges lueurs provenant d'une clairière : trois colonnes de lumière (jaune, bleue, rouge) s'abattent du ciel. Macquarrie se dirige vers elles et avance en leur centre, mais il disparaît brusquement au moment où rayons se confondent en un seul faisceau blanc. Le jeune tambour du régiment, Dermot Pitt, est l'unique témoin de cette scène. Le lendemain, le groupe se remet en route. Les soldats de Sa Majesté George III, sans commandement, vont tomber dans les embuscades tendues par les guerriers de la tribu amérindienne des Onneiouts. Trois d'entre eux - dont Pitt - parviennent à survivre, et à rejoindre les leurs et l'Angleterre. Suite au récit de ces événements (le sieur Pitt n'est d'ailleurs même pas écouté par les responsables de l'enquête), un tribunal militaire casse le major Macquarrie pour désertion et prive son épouse et ses trois enfants de pension, les condamnant à une existence misérable...

"L'Étrange Rendez-vous" aurait dû sortir avant "La Machination Voronov" (2000), mais Benoit était un artiste qui avait besoin de temps. La majeure partie de cette intrigue se déroule en octobre 1954. Les premières pages sont captivantes ; les deux amis arrivent aux États-Unis (c'est la première aventure de Blake et Mortimer - et, à ce jour, toujours la seule - à prendre place sur le sol nord-américain) et le lecteur découvre rapidement que les deux héros n'en ont pas fini avec "Le Secret de l'Espadon". Alors que "L'Affaire Francis Blake" et "La Machination Voronov" proposaient une intrigue au contexte classique, Van Hamme tente là le pari de renouer pleinement avec la science-fiction, qui fut l'un des fils conducteurs récurrents du maître, et nous délivre ici un message écologiste à l'attention de toutes les générations. L'auteur crée de nouveaux personnages pour le besoin de son histoire, dont l'extravagant docteur Jeronimo Ramirez, deux ex machina du scénario, qui sera d'ailleurs repris dans "La Menace universelle". Certains lecteurs ont noté dans "L'Étrange Rendez-vous" des anachronismes (tels que l'année de la découverte de Charon, satellite de Pluton - ça a été corrigé depuis), des incohérences, des erreurs historiques ou des contradictions chronologiques avec les aventures de Jacobs. Peu importe tout cela, au fond. Ce sont surtout les dialogues, qui pèchent par des excès de détails et de précisions en de maints endroits, donnent l'impression d'avoir été tirés de notices techniques ou de manuels scientifiques, et manquent de naturel. Jacobs maîtrisait l'art de la vulgarisation, mais pas Van Hamme ; ses explications sont touffues et pas suffisamment claires. Passons sur les extraits de guides touristiques, par exemple la tirade de Jessie à propos du barrage Hoover, alors qu'elle poursuit Olrik en voiture (planches 60 et 61) ! Enfin, la caractérisation d'Olrik est trop poussée ; l'homme est un voleur et un assassin, mais pas un criminel de masse profondément malade. Graphiquement, c'est inégal. Benoit, dont c'est l'adieu à la série, réalise un travail impressionnant d'imitation du maître, bien que sensiblement moins minutieux à la fin. L'artiste affirmait que cette série lui demandait trop de temps, et n'a peut-être pas pu peaufiner les dernières pages comme il l'aurait voulu. Sa représentation de l'iconique foyer américain de cette période-là est remarquable.

"L'Étrange Rendez-vous" aurait été réussi avec un dénouement soigné. Malgré les idées, de nouveaux personnages intéressants, l'album pâtit de dialogues laborieux et présente une fin améliorable. Il résiste étrangement à la durée et au fil des lectures.

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

9 commentaires:

  1. Des anachronismes, des incohérences et des erreurs historiques : ça fait beaucoup. C'est d'autant plus surprenant que Jean van Hamme est assez expérimenté pour savoir que son récit va être disséqué par une palanquée de lecteurs très attachés à leurs héros, au point d'en devenir pinailleurs.

    La vulgarisation est en effet tout un art, et tel que tu l'écris, ça donne l'impression que le scénariste cherchait à faire du remplissage à peu de frais pour obtenir des cellules de texte assez remplies. :) Toujours curieux, je suis allé voir la page wikipedia de la série pour savoir qui a écrit les tomes suivants. Du coup, je suis très curieux de savoir comment Jean Dufaux s'est tiré de cet exercice redoutable.

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    1. Bah ; il s'agit sans doute d'ayatollahs de la série qui attendent les auteurs au tournant à chaque album.
      Pour Dufaux, tu vas sans doute être déçu ; dans mes souvenirs, c'est le pire album de toute la série. J'y reviendrai en temps voulu.

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  2. Alors je patiente pour attendre ton commentaire ; ça aurait pu être l'opportunité de lire un tome de la série et d'en inclure un commentaire sur mon site. J'aviserai en fonction de ce que tu en dis.

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    1. Tiens ; je viens d'apprendre que François Schuiten allait illustrer le vingt-huitième tome (qui est déjà en production, semble-t-il).
      Étais-tu au courant ?

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  3. Oui, je l'avais vu en allant consulter la page wikipedia de Blake et Mortimer, suite à ma lecture de ton article sur L'affaire du collier (je t'en avais fait la remarque).

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    1. Ouïe... En effet, au temps pour moi. Je ne me souvenais plus à quelle occasion nous avions discuté de Schuiten.

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  4. Je n'ai pas pu résister à la tentation de te taquiner, d'autant que je me souviens qu'il m'est déjà arrivé d'oublier des réponses ou des articles.

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  5. Un article (en anglais) sur l'album de Blake & Mortimer illustré par Schuiten, avec des photographies :

    https://www.altaplana.be/en/dossiers/blake-and-mortimer-by-francois-schuiten

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    1. Ouah ! Ça promet !
      Je vois que l'aventure se déroule à Bruxelles ; mais pourquoi donc ?... Jacobs n'avait jamais donné dans la belgitude, mais il semblerait que ce soit primordial pour les auteurs de la reprise. Soit.
      Merci d'avoir partagé ce lien !

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