samedi 25 mai 2019

Blueberry (tome 19) : "La Longue Marche" (Dargaud ; octobre 1980)

"La Longue Marche" est le dix-neuvième tome de "Blueberry". Cet album à couverture cartonnée de quarante-six planches (retour au nombre habituel) est sorti chez Dargaud en octobre 1980. C'est le deuxième volet d'un triptyque que la maison d'édition va appeler le "Cycle de Blueberry fugitif" (1980-1982).
"Blueberry" (anciennement "Lieutenant Blueberry") est une série franco-belge créée par le scénariste Jean-Michel Charlier (1924-1989) et par Gir, le dessinateur Jean Giraud (1938-2012).

À l'issue du tome précédent, Blueberry est libéré par Chini. Il informe Fort Bowie de l'attaque apache, puis participe à la défense. L'assaut navajo est un échec. Blueberry est incarcéré.
Un soir, au Nouveau-Mexique. Red Neck, à cheval et tirant une mule chargée, arrive à la petite ville minière de Socorro. Il demande à un Mexicain où il peut trouver Jimmy MacClure. Le type répond qu'il est au Golden Nugget, situé à la sortie de la cité. Amusé, il ajoute que MacClure y est à toute heure, et qu'il ne quitte l'établissement que lorsque son patron, Pete l'Avare, l'en fait expulser. Red Neck remercie l'individu de ce renseignement, puis il continue sa route. Au Golden Nugget, MacClure, passablement éméché, tente de convaincre un inconnu de lui offrir un verre. C'est la chance de sa vie, lui confie-t-il, car il lui donne sa part d'une mine d'or. Un client offensé lui demande s'il n'a pas honte de se saouler ainsi à son âge ; amusé, un autre, le cigare aux lèvres, affirme qu'il va finir par se tuer. Installé à table devant un bock, MacClure, la coqueluche de l'établissement, acquiesce, soudainement déprimé ; le salaud qu'il est ne mérite que la mort, en effet. À cause de lui, son meilleur ami bouffe les pissenlits par la racine. Pete intervient et lui ordonne de ficher le camp, car il transforme son saloon en décharge publique. MacClure réclame un dernier verre. Le tenancier, qui en a assez de l'abreuver gratuitement, le menace d'un coup de pied dans l'arrière-train...

Charlier, pour les besoins de l'intrigue, fait revenir le fameux tandem MacClure - Red Neck, qui avait disparu depuis la conclusion de "Ballade pour un cercueil". Et avec Chini, Vittorio, le retour de Chihuahua Pearl, et une galerie de seconds couteaux de qualité, dont Wild Bill Hicock et Gideon O'Bannion, le scénariste a à sa disposition un beau panel de personnages forts et charismatiques, plus ou moins connus du public, et dont il a déjà développé les psychologies. Ici, Blueberry continue à naviguer entre une certaine loyauté envers les tuniques bleues, et l'amitié et le sentiment fraternel qu'il éprouve pour Cochise et ses Apaches. La scène-clé de l'album est celle de l'évasion de Blueberry ; elle dure près d'une dizaine de planches et a la saveur d'un grand moment de cinéma. En la découvrant, le lecteur pourra avoir la sensation qu'il s'agit de l'un de ces moments où la fusion entre écriture, image et rythme est parfaite. Il pourra être surpris par le nombre de protagonistes mis en scène par les auteurs ; chacun, ou presque, y va de sa petite répartie. Cette densité n'est pourtant qu'illusoire ; Giraud opte pour des plans rapprochés, mais n'a pas la latitude pour multiplier les vignettes (en général, sept, bien qu'il monte jusqu'à dix), le texte étant fourni et les bulles occupant la place qui leur est due. L'attaque du train (huit planches) est l'autre grand moment de ce tome, malgré une intensité et une réussite absolue moindres. La composante graphique est excellente. Le découpage reste tarabiscoté en mains endroits, les dimensions des cases étant irrégulières. Pour éviter la confusion, l'artiste utilise à nouveau des flèches directionnelles lorsque cela s'avère nécessaire. Michel Rouge (il est connu notamment pour avoir succédé à Hermann au dessin de "Comanche") intervient pour réaliser l'encrage de l'album ; il n'est cependant pas crédité. Les dessins de Giraud, épatants par leur niveau de détail, gagnent sont aucun doute encore en finesse. La mise en couleurs pourra susciter un certain scepticisme ; cette facette s'est révélée souvent décevante dans les numéros précédents. Giraud continue à employer la bichromie pour certaines séquences, à petites doses. La première moitié propose ainsi des teintes fadasses, pâlottes, même si elles ont parfois plus d’éclat dans la deuxième partie, surtout dans le chapitre du relais, où la robe de Chihuahua Pearl se mêle aux uniformes des tuniques bleues. 

Bien que le revirement de Vittorio soit rapide, l'album est captivant et riche en action ; Charlier y développe deux scènes longues mettant en évidence son métier de narrateur ainsi que l'art de Giraud. "La Longue Marche" confirme la qualité du cycle.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Le nombre de protagonistes : à mes yeux c'est l'un des paramètres difficiles à gérer dans une série au long cours. Il faut que le personnage récurrent interagisse avec d'autres personnages pour apporter de l'air frais et que les nouveaux (amis comme ennemis) soient intéressants et pas juste des dispositifs narratifs ans âme. Dans le même temps, c'est courir le risque qu'il suscite une attente chez le lecteur et qu'ils occupent une place importante. Ce risque se retrouve augmenté quand les personnages secondaires attachants augmentent en nombre. Pas facile de trouver le bon équilibre.

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    1. Je pense que Charlier s'est toujours efforcé d'avoir une galerie de seconds couteaux de qualité à sa disposition. Ici, la présence de Blueberry n'en pâtit pas. Ce sera différent dans le tome suivant.

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