dimanche 18 août 2019

"La Lame d'Azrael" (Urban Comics ; janvier 2014)

"La Lame d'Azrael" est un recueil cartonné d'un peu moins de cent vingt planches (sans compter les bonus), sorti en janvier 2014 dans la collection "DC Nemesis" d'Urban Comics, qui propose des récits dont les super-vilains de DC Comics sont les personnages principaux. L'album comprend l'intégralité des quatre numéros de la mini-série "Batman: Sword of Azrael", parue entre octobre 1992 et janvier 1993, ainsi que le "Batman" #488 de janvier 1993.
Les quatre parties de "La Lame d'Azrael" sont écrites par Dennis O'Neil, dessinées par Joe Quesada, encrées par Kevin Nowlan, et mises en couleur par Lovern Kindzierski. Le "Batman" #488 (sa suite immédiate) est scénarisé par Doug Moench, illustré par Jim Aparo (1932-2005), mis en couleur par Adrienne Roy (1953-2010).

Gotham City. Azrael se tient devant Carleton LeHah, dans la bibliothèque de l'appartement de ce dernier. Il lui reproche d'être un menteur, un traître, et un profanateur ; son devoir est de lui donner la mort par l'épée enflammée. Vêtu d'une simple robe de chambre, son interlocuteur, goguenard, un pistolet automatique en main, fume tranquillement sa pipe, et répond au bourreau par un sarcasme. Alors qu'Azrael amorce un geste théâtral et le met en garde, LeHah n'attend pas la fin du discours et ouvre le feu, sûr de lui. Les projectiles transpercent la cotte de mailles protectrice qu'Azrael porte sous son costume et parviennent à l'atteindre. Narquois, LeHah s'approche du justicier avec l'intention de lui loger une balle dans la tête. L'autre, dans un ultime baroud, le blesse au visage d'un coup d'épée. LeHah, au sol et désarmé, appelle ses sbires François et Patrick, et leur ordonne d'achever Azrael. Les tueurs ouvrent un feu nourri sur ce qui reste de l'exécuteur, mais celui-ci profite de la paroi vitrée volant en éclats pour plonger dans le vide ; il parvient à ralentir sa chute en s'agrippant à une banderole, au-dessus d'une rue animée. Car c'est la fête : les Gothamiens célèbrent les Pères fondateurs...

"La Lame d'Azrael", l'un des deux préludes à "Knightfall" avec "La Revanche de Bane", conte comment Jean-Paul Valley est devenu l'ange exécuteur Azrael, sa rencontre avec Batman et leur première aventure commune, et présente un aperçu plus approfondi de l'évolution de sa psyché, en revenant sur ses origines et la transmission de l'épée d'Azrael du père au fils, un legs dangereux et pesant. Le contenu est appréciable, car Valley est peu présent dans le premier tome de "Knightfall", alors que le côté sombre de sa personnalité a déjà largement pris le dessus dans le second. O'Neil déploie un scénario généreux en action, construit sur une idée intéressante (un ordre secret sur le déclin perd son tueur attitré). Les dialogues entre Wayne et un Alfred sarcastique et en verve sont imparables, et les caractérisations sont réussies, bien que le cabotinage de Wayne nuise à l'essence dramatique de certaines scènes. L'humour a une place importante, notamment grâce à Nomoz, ce gnome hargneux au possible. O'Neil met en avant le dynamisme de sa narration afin de laisser le moins d'espace possible aux temps morts. Mais cela a certaines invraisemblances pour conséquence, tel ce moment où Wayne et Alfred passent devant l'hôpital, décidément fort opportun et pratique. L'auteur insiste sur les contrastes qui nourrissent son intrigue (Wayne et Valley, Alfred et Nomoz, Azrael et Biis, etc.), mais cet étudiant falot qui devient Azrael provoquera un certain scepticisme. Enfin, cette mini-série, dont la linéarité s'alourdit au fil des chapitres, ne dévoile pas grand-chose sur l'Ordre de saint Dumas, qui aurait pu faire l'objet d'une exploitation à part. Les planches de Quesada, chargées, présentent un découpage original, créatif, avec une impressionnante variété de plans. Riches, inventives, elles campent des figurants dans des postures naturelles, mais l'artiste flirte en permanence avec la caricature et le grotesque, sans (chercher à) éviter l'écueil de l'hyperexpressivité : sourires figés, traits de certains visages exagérés (le menton de Wayne, proéminent). Le "Batman" est le prélude officiel de la saga ; notons que la rupture visuelle entre Quesada et Aparo est évidente. Ce contenu aurait dû être inséré dans le premier tome de "Knightfall".
Thomas Davier, qui est certainement l'un des professionnels les plus doués du moment, produit une traduction vraiment satisfaisante et un texte très soigné ; je n'y ai relevé ni faute ni coquille. Maquette irréprochable, avec pagination (pour une fois)

"La Lame d'Azrael" permet au lecteur de préparer sa plongée dans "Knightfall", avec un retour sur celui qui deviendra l'un des protagonistes importants de cette saga. Il s'agit, avec quelques saillies humoristiques, de la principale vertu du recueil, hélas. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. J'avais eu un ressenti très similaire : un tome souffrant de ses impératifs éditoriaux, c'est-à-dire introduire un personnage intriguant ayant vocation à devenir incontournable dans les séries Batman dans les épisodes suivants. O'Neil, Quesada et Nowlan effectuent un travail honnête, mais qui souffre un peu de la lettre de commande des responsables éditoriaux : l'empilage d'éléments hétérogènes, de mystères non résolus finit par laisser le lecteur sur sa fin. Le travail de Quesada est déjà impressionnant d'inventivité même s'il aurait mérité d'être mieux canalisé. L'encrage de Kevin Nowlan est un travail d'orfèvre qui mérite d'être admiré, mais qui n'intéressera qu'une partie des lecteurs.

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    1. J'ai trouvé que la partie visuelle était assez ancrée dans le style graphique des années 90, sans pour autant donner dans les exagérations, et qu'elle avait assez mal vieilli, sans doute à cause de la mise en couleur.
      Voilà encore un autre album au sujet duquel j'avais été plus enthousiaste à sa sortie, et dont la relecture ne m'a pas convaincu.

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