vendredi 16 août 2019

Les Tours de Bois-Maury (tome 10) : "Olivier" (Glénat ; août 1994)

"Les Tours de Bois-Maury" est une série créée par l'artiste belge Hermann (Huppen), dont le titre a évolué en "Bois-Maury" à partir du onzième volet ("Assunta", 1998). Bien qu'Hermann ait œuvré seul sur les onze premiers numéros, son fils Yves H. le rejoint comme scénariste au douzième tome ("Rodrigo" : 1991).
Ce dixième volet est intitulé "Olivier" ; c'est un album cartonné de quarante-quatre planches, sorti dans la collection "Vécu" de Glénat en août 1994. À ce jour, il y en a eu deux rééditions.

À l'issue du tome précédent, Aymar et ses amis s'emparent du trésor que Fayrnal a dérobé à Yazid Al-Salah. Hendrik accepte de lui accorder sa fille en mariage. Ils repartent pour l'Europe. 
Un bois en automne. La forêt s'est parée de teintes dorées, brunes et vertes, et les feuilles tombent doucement. Un écureuil épie les environs. Au pied d'un arbre, Olivier, un cruchon vide encore en main, cuve son vin en dormant profondément. Il est en plein cauchemar. Ce sont les noces de son maître, Aymar de Bois-Maury, et Guenièvre, la fille d'Hendrik ; les époux sont à l'église. Olivier, sous les moqueries des amis d'Aymar, se voit se traîner à quatre pattes, entouré de porcs dans leur enclos. Le ventre énorme, disproportionné, une Guenièvre monstrueuse l'observe, s'approche de lui, et accouche d'une multitude de crapauds visqueux et baveux qui se ruent sur lui. Alors qu'il se met à hurler, horrifié, il se réveille, l'esprit encore embrumé. Au loin, les notes d'un cor de chasse retentissent. Un cerf se retourne, se dresse de toute sa stature, et adresse un regard dédaigneux à ses poursuivants qui vocifèrent, un bâton à la main, afin de l'effrayer et de le rabattre. Les chiens suivent. Des canards s'envolent, comme pour échapper à la curée. Le noble animal continue sa fuite. Olivier, lui, ne se montre pas. Son maître ravi par l'exercice passe à côté, avec Gontrand, un ami...

Aymar de Bois-Maury, avec son épouse Guenièvre, dont la grossesse atteint son terme, est entouré de compagnons d'armes qui doivent l'aider à rentrer en possession de son dû. Ce dernier tome avant que la série n'évolue, qui narre les combats pour la reprise de ce château familial, est centré sur Olivier, attachant et fidèle écuyer de Bois-Maury. Olivier a sombré en pleine déprime ; vivant mal l'amour entre Bois-Maury et Guenièvre, qui porte leur enfant, le camarade d'aventures du chevalier a perdu toute raison d'être et en veut à la femme d'Aymar, représentée comme une monstruosité dans ses cauchemars. L'inactivité et l'attente depuis leur retour de Terre sainte le rongent ; à moitié ivre, il entretient les exploits d'Aymar en les contant dans les tavernes. Désœuvré, il s'est égaré et s'attire les reproches de tous et le mépris de son maître. Ce dernier est l'hôte de Gontrand. Il renoue avec les plaisirs de la chasse en patientant après ses alliés dans la reconquête du domaine, situé sur le territoire voisin de celles de son ami. Provoqué, péchant par orgueil, il menace de ruiner ses propres plans en acceptant un duel contre un combattant plus fort et plus jeune. Aymar est conscient de son erreur ; en homme pieux, il la reconnaît auprès de Dieu, à qui il demande humblement pardon. Il tente de se maintenir par l'entraînement ; ses proches ne sont pas dupes et pensent que la chose est jouée. Guenièvre, elle, allie optimisme, pragmatisme, et ambition. Bien qu'elle souhaite la victoire d'un mari qu'elle a appris à aimer, le fait que celui-ci puisse mourir en duel ne lui fera pas renoncer à la demeure de Bois-Maury, qu'elle désire pour son enfant. Après le sort de Germain, annonciateur d'événements sinistres (il faudra sans doute relire "Alda"), vient cet assaut final ; Hermann le dépouille de tout romantisme chevaleresque et met en scènes des tactiques de guérilla et des affrontements rangés, dans lesquels les manants sont aux premières lignes. Concernant le château, le coup de génie d'Hermann est de maintenir le secret et le mystère. Graphiquement, c'est abouti. Les personnages sont instantanément reconnaissables. Dimensions et densité des cases (quatre à dix par planche) varient selon l'action. L'artiste offre là une jolie diversité de plans. Cette première page, dans des tons automnaux, est absolument magnifique ; les feuilles qui tombent créent un véritable climat de mélancolie. Le découpage narratif, classique, est parfaitement lisible. Paysages, sens du détail et du contraste sont admirables ; la couleur est encore un peu fade, hélas.

Une période prend fin, mais elle s'ouvre sur une nouvelle génération. Voilà dix albums exemplaires en matière de gestion de l'intrigue, de continuité, de réalisme, de caractérisation des personnages. Dommage que le coloriste Fraymond se soit arrêté.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. 10 albums en 11 ans : une régularité remarquable. Ton commentaire fait bien ressortir que tu as été sensible au naturalisme du déroulé de l'histoire : la faillibilité des personnages, la beauté des paysages, l'absence de romantisme chevaleresque.

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    1. "Naturaliste" est effectivement une désignation qui convient plutôt bien, dans l'ensemble, à l'univers des "Tours de Bois-Maury".
      Assez curieusement, l'intégrité de Bois-Maury fait figure d'exception et semble presque suranné déjà à son époque, tant il est entouré de personnages qui sont loin d'avoir la même noblesse d'esprit que lui. Chez Bois-Maury, cette noblesse est le fond, tandis qu'elle n'est souvent que forme chez les autres.

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