"La Guerre des Outsiders" est un ouvrage à couverture cartonnée d'environ cent cinquante planches, publié dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics, en octobre 2014. C'est le deuxième des cinq volumes du "Green Arrow" de la "Renaissance DC", une démarche de DC Comics pour rafraîchir sa gamme de séries. Ce recueil compile les "Green Arrow" #25-31 (janvier à juillet 2014). Bonus : les couvertures originales dans leur version noir et blanc.
Le Canadien Jeff Lemire écrit le scénario. L'Italien Andrea Sorrentino réalise les illustrations (le dessin et l'encrage). Il est connu pour "I, Vampire" ; Marcelo Maiolo produit la mise en couleur. Lemire et Sorrentino renouvelleront la collaboration avec "Old Man Logan". Sorrentino et Maiolo s'étaient déjà associés, sur "I, Vampire". Le complément du #25 est illustré par Denys Cowan, encré par Bill Sienkiewicz, avec mise en couleur de Matt Hollingsworth.
À l'issue du tome précédent, à Seattle, Green Arrow défait le comte Vertigo en combat singulier ; Shado survit à Richard Dragon. Diggle, de retour, propose à Tockman une alliance contre Dragon.
Seattle, il y a six ans. Dans la pénombre de son bureau, Walter Emerson, le PDG de Queen Industries, astique soigneusement ses armes anciennes avec un chiffon. Il se sert ensuite un verre en regardant les actualités que transmet son poste de télévision. Les journalistes y évoquent l'absence de nouvelles du "playboy milliardaire" Bruce Wayne, aujourd'hui porté disparu alors qu'il venait juste de sortir de sa retraite médiatique pour annoncer son retour aux affaires et celui de Wayne Industries au premier plan. Une panne générale de courant a frappé Gotham City, peu après ; voilà déjà une semaine que cela dure. Dans les rues de la ville, des scènes de pillage et de chaos ; puis la chaîne rediffuse la dernière apparition publique de Wayne. Un inconnu au visage dissimulé surgit derrière Emerson ; il lui avoue qu'il n'a jamais aimé Wayne...
Ce second volume est aussi abouti que le premier ; il est même légèrement au-dessus, malgré quelques petites imperfections. Lemire poursuit le développement de sa version de Green Arrow, résolument moderne, contemporaine, dépoussiérée, débarrassée d'une caractérisation parfois caricaturale due à une continuité encombrante. Lemire pioche dans le meilleur de sa nouvelle mythologie, et conçoit une intrigue franchement passionnante avec les sept clans des Outsiders. Afin d'éviter le piège de la linéarité et celui du scénario de jeu de plates-formes, l'auteur recourt à trois ingrédients. D'abord, il intègre quelques analepses sous la forme de lignes temporelles diverses : lorsqu'Oliver est encore sur l'île ; son retour à Seattle ; un mois après les événements de l'An zéro ; et enfin, le présent. Ces quatre chronologies différentes, équilibrées et savamment menées par Lemire, s'alimentent mutuellement. Puis le Canadien multiplie les fils narratifs : Oliver, Richard Dragon, Naomi Singh avec Henry Fyff, Magus, ou Komodo, chacun a droit à son propre ensemble dédié de séquences et celles-ci s'emboîtent les unes dans les autres pour former le ciment de l'histoire. Pour conclure, Lemire impose un rythme débridé et pimente vivement le tout en assénant quelques retournements de situations spectaculaires, quitte à forcer la dose et à en faire trop, au risque de stimuler le scepticisme des lecteurs. Si les caractérisations sonnent franchement juste, il y a quelques attitudes invraisemblables, voire ridicules : Shado ne tombe jamais son masque, par exemple, quelle que soit la circonstance. Mais cela ne parvient aucunement à réfréner l'enthousiasme, d'autant que l'action est au rendez-vous, que l'intrigue avance à une cadence intensive, et que la partie graphique est admirable. Sorrentino présente un style réaliste aux contours fins, et à l'encrage prononcé, par le biais d'aplats de noirs adroitement distillés. Le découpage alterne entre classicisme et sophistication ; par exemple, les silhouettes agrandies des lettres d'une onomatopée superposées en négatif sur une case ou une planche entière, ce portrait d'Oliver en petites vignettes, ces inserts en bichromie, qui focalisent l'attention sur le détail. Impressionnant. Quitte à perdre en limpidité.
La traduction de Benjamin Rivière (alias KGBen, du studio MAKMA) est acceptable. Il est regrettable que le texte soit victime de plusieurs fautes ; une de mode dans la présentation de Shado (en début de recueil), une d'accord, et quatre d'orthographe.
Le "Green Arrow" de Lemire appartient aux grandes (et aux rares, précisons-le) réussites de cette "Renaissance DC". Le scénario est passionnant, et la partie graphique spectaculaire et novatrice, malgré cette mise en couleur qui demeure parfois terne.
Je t'ai trouvé particulièrement en verve pour cet article. J'ai beaucoup aimé ton développement sur la narration graphique : aplats, découpages, onomatopée, bichromie, autant de bons souvenirs qui me reviennent en tête.
RépondreSupprimerTon article me permet de prendre conscience de l'art du découpage et de la construction sophistiquée pour l'intrigue, de Jeff Lemire, chose que je n'avais pas su remarquer. Comme toi, je trouve que cette version New 52 est une vraie réussite (à partir de l'arrivée de Sorrentino & Lemire), alors que j'étais vraiment très attaché à la version plus âgée de Mike Grell. Par cntre, j'ai été moins enthousiaste concernant l'intrigue, à base d'aventures très classiques pour un comics de superhéros.
Un peu après Old Man Logan, Andrea Sorrentino & Jeff Lemire ont créé une série indépendante Gideon Falls qui a du mal à démarrer, à mon goût.
Oui ! J'ai pensé un instant à mettre cinq étoiles.
SupprimerTu vois, je ne me souvenais même plus que je n'avais pas lu cet album jusqu'au bout. À l'époque, fin 2014, j'étais tellement échaudé par les désastres orthographiques des parutions d'Urban Comics que j'avais jeté l'éponge après la lecture de cet album, dans lequel j'avais repéré des boulettes après quelques pages à peine. Du coup, ici ça a été pour moi une découverte, en fait, et non pas une relecture comme pour les autres albums.
Alors, c'est vrai qu'il s'agit d'une intrigue plutôt ordinaire, mais ce qui m'a surpris, c'est sa cohérence et - à part la présence de Katana, les scènes à Gotham City et l'apparition de Batman - ses composantes qui lui sont propres. On en viendrait à pouvoir envisager le titre "Green Arrow" indépendant de toute connexion avec l'univers DC Comics. J'ai trouvé que cet univers de clans et de totems était bien pensé. Je crois, hélas, que l'idée va tomber en désuétude. J'ai feuilleté quelques pages du cinquième tome ; je sais déjà que ne n'irai pas au-delà du troisième.
J'ai également arrêté la lecture de cette série avec le départ de Sorrentino & Lemire.
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