samedi 25 juillet 2020

Paul Dini présente Batman (tome 1) : "La Mort en cette cité" (Urban Comics ; janvier 2015)

Publié dans la collection "DC Signatures" d'Urban Comics en janvier 2015, "La Mort en cette cité" est le premier volume de la série consacrée au Batman du New Yorkais Paul Dini. Cet ouvrage (format 17,5 × 26,5 cm) à couverture cartonnée compte environ deux cent soixante planches et comprend les versions françaises des "Detective Comics" 821 à 824, 826 à 828, 831, 833, 834 et 837, qui sont tous sortis, en VO, entre septembre 2006 et décembre 2007. 
Dini écrit les scénarios. Il est surtout connu comme producteur et auteur de séries animées, dont "Batman: The Animated Series". Les dessins ont été répartis entre James H. Williams III (un numéro : le premier), Joe Benitez (idem : le troisième) et Don Kramer (les neuf autres). Williams encre ses illustrations ; pour le reste, la tâche échoit surtout à Wayne Faucher, et à Victor Llamas pour un épisode. Enfin, la mise en couleur a été confiée à John Kalisz

Gotham City, en fin de journée. Une femme élégante, vraisemblablement issue d'une classe sociale favorisée, sort d'une boutique de luxe et se dirige vers le quai de la gare. Elle est seule. Derrière elle, trois adolescents se chamaillent vivement, ce qui la rend vaguement inquiète. À sa gauche, un quidam en costume lit un quotidien financier, un attaché-case à ses pieds. Une présence qui la rassure. Ils se regardent de l'air complice de personnes qui savent qu'elles sont du même milieu. Mais l'homme affiche un rictus qui découvre ses dents gâtées, et elle comprend, trop tard, qu'elle s'est trompée sur son compte. L'inconnu se rue sur elle. C'est à ce moment que Batman intervient, les deux pieds dans la tête de l'agresseur ; et tandis que les trois jeunes gens viennent en aide à la dame, il défait le scélarat de son couteau avant de lui asséner deux coups du droit. Sonné, le type titube jusqu'au quai et est emporté par le train qui entre en gare. Plus tard, il retrouve le commissaire Gordon à la morgue. Le mort a été identifié : Johnny Lange, un petit voyou jouant parfois les gros bras pour des gangs... 

Urban Comics inaugure une seconde série de sa collection Signatures : après le Batman de Grant Morrison, celui de Paul Dini. L'auteur, dans ces épisodes, s'éloigne des arcs longs, et renoue avec une certaine tradition du début des années soixante-dix, avant l'arrivée de Steve Englehart sur "Detective Comics" : chaque intrigue dure un numéro, jamais plus. En soi, il s'agit d'un exercice de style, à la manière de nouvelles policières ; car si certains éléments fantastiques sont présents dans les histoires, il s'agit bien d'enquêtes criminelles. Batman se penche sur des attaques à main armée, des agressions, des meurtres, des vols. Pour résoudre ces cas, le Chevalier noir, quitte à se déguiser en l'un de ses nombreux alias, cherche les indices, examine des pièces, fouille les recoins, part à la pêche aux rumeurs, dans l'espoir de parvenir à une déduction en connectant les points entre eux. Ce Batman-là, comme d'autres avant lui, est faillible ; il doit parfois se contenter de limiter la casse, ou de s'assurer qu'aucun de ses alliés n'est blessé. Dini a l'excellente idée de faire du Sphinx un repenti, et crée une rivalité et de stimuler l'émulation entre le plus grand détective du monde et l'Homme-Mystère. En face, la fine fleur des super-vilains. Le Joker, Poison Ivy, le Pingouin, Scarface, mais également des citoyens ordinaires, qui franchissent le pas par avidité de pouvoir ou d'argent ; le crime, à Gotham City, ne porte pas toujours de masque ou de costume. Dini dépeint une ville où il est omniprésent : dans les rues, les rades, les musées, les casinos, les clubs huppés, les bureaux... L'auteur a réussi à retrouver un peu de l'ambiance de sa série animée, le ton est néanmoins plus adulte. Si Dini conçoit des histoires abouties, intelligentes et imaginatives qui se lisent avec grand plaisir, la partie graphique sabote leur qualité. Le premier récit est illustré par Williams ; le recueil sert ainsi le meilleur dès le début, telle une amorce non concrétisée, hélas. Les dessins de Benitez sont trop proches de l'esprit des années quatre-vingt-dix ; tout n'est que rondeurs lascives, muscles hypertrophiés, surexpressivité. Quant aux compositions de Kramer, elles souffrent d'une irrégularité des visages, qui sont trop souvent disgracieux, et d'un encrage déficient : déception. 
Le travail de traduction a été réparti entre le Parisien Mathieu Auverdin et Alex Nikolavitch. Il est évident que le texte a été poli et soigné ; il est presque impeccable, mais une petite faute (un oubli dans une phrase négative) est parvenue à s'incruster. 

"La Mort en cette cité" est une entrée en matière un peu ratée. La médiocrité de la partie graphique ne pourra que frustrer les lecteurs, qui devront s'imaginer ce que cette somme captivante aurait donné sous les crayons d'une autre équipe artistique. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbüz 
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2 commentaires:

  1. Cela va faire 10 ans que j'ai lu ces histoires et j'en garde plutôt un bon souvenir. Parmi les caractéristiques que tu mets en avant, j'avais bien aimé la faillibilité, l'omniprésence, les histoires en 1 épisode, les phases d'enquête. Recommençant tout juste à lire des comics, je n'avais pas fait attention aux limites de Don Kramer.

    Dini conçoit des histoires abouties, intelligentes et imaginatives qui se lisent avec grand plaisir : ça me donnerait envie de les relire, malgré la partie graphique.

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    1. J'avais pourtant été plutôt positif à l'égard du travail de Kramer dans "L'Odyssée", avec Wonder Woman, mais maintenant, avec le recul, j'y trouve les mêmes défauts - moins visibles, néanmoins. Il disposait peut-être d'un meilleur encrage dans "L'Odyssée" que dans ces épisodes de Batman. 

      Sauf erreur de ma part, Urban Comics ne devrait pas inclure "La Résurrection de Ra's Al-Ghul" ("Detective Comics" #838-840) dans cette série. Le second tome devrait donc s'ouvrir sur le "Detective Comics" #841, avec Dustin Nguyen au crayon ; tant mieux, car c'est un artiste dont j'apprécie beaucoup le travail. Et donc, fini avec les planches de Kramer. 

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