dimanche 29 novembre 2020

"Captain America" : L'Intégrale 1976 (Panini Comics ; avril 2020)

Le dixième volume de l'intégrale que Panini Comics consacre au personnage de Captain America renferme les versions françaises - dans l'ordre - des huit premiers numéros de la série régulière "Captain America" de 1976, du #193 de janvier au 200 d'août ; du "Captain America's Bicentennial Battles" de juin 1976 ; et du "Captain America Annual" #3 de janvier 1976 (curieusement, en fin de recueil). Cet album au format 17,7 × 26,7 centimètres à couverture cartonnée et à jaquette amovible est sorti en avril 2020. Il contient approximativement deux cent soixante-quinze pages. 
Les scénarios sont écrits par Jack Kirby (1917-1994), qui revient non seulement chez Marvel, mais aussi sur le personnage qu'il a cocréé, en 1941. Kirby produit les dessins ; son travail sur la série régulière est encré par Frank Giacoia (1924-1988) et D. Bruce Berry (1924-1998). D'autres encreurs ont été recrutés à l'occasion des deux "spéciaux" : Barry Windsor-Smith, Herb Trimpe (1939-2015), John Romita Sr., et John Verpoorten (1940-1977). Enfin, les coloristes : Janice Cohen, Phil Rachelson - également sous le pseudonyme de Phil Rache -, Michelle Wolfman, et Don Warfield

À l'issue du tome précédent, Steve Rogers s'infiltre à bord d'un charter pour faire faire échouer la dernière entreprise criminelle du Dr Faustus, piller New York. Le malfrat passe par-dessus bord. 
Captain America et le Faucon se trouvent chez Leila. Ils viennent de terminer le repas. Narquoise, elle leur prépare un café, un peu contre son gré, pendant que les deux héros costumés se livrent à une partie de bras de fer en se provoquant mutuellement. Elle apporte les boissons et leur demande de prendre les tasses avant qu'elle ne les leur "jette au visage", mais les hercules sont tout à leur épreuve. Steve Rogers est soudainement frappé par une onde cérébrale qui décuple sa haine : il menace Sam Wilson de le briser, comme fou. Son frère d'armes est touché à son tour... 

Grâce à Kirby, "Captain America" sort d'une longue période de disette, pendant laquelle le mauvais le disputait au moyen. Mais le "King" remet les pendules à l'heure et écrit ce que le titre a connu de meilleur depuis la saga du Cube cosmique. Malgré les imperfections scénaristiques (le début de romance entre Cap et Carol Harding n'a guère de sens), Kirby produit un arc absolument captivante, dans lequel Cap, le Faucon, et le SHIELD - sans Nick Fury, Dieu merci - sont les ultimes remparts contre un coup d'État royaliste. Bicentenaire de la Déclaration d'Indépendance oblige, voici un récit placé sous le signe du patriotisme. De façon géniale, Kirby mélange plusieurs ingrédients comme autant de périls pour la démocratie états-unienne. Ces pages, d'abord, résonnent comme un écho de la défiance de la "middle class" du pays envers l'élitisme des sociétés européennes d'Ancien-Régime ; ici, l'ennemi manifeste son mépris des valeurs américaines dans ses discours outranciers. Ensuite, elles évoquent la guerre froide par une atmosphère de danger imminent, et une tension qui sourd du début à la fin. Présentés comme des agents spéciaux plus que comme des super-héros, Cap et le Faucon sont les acteurs d'une double chasse - à l'homme et à la bombe - dans une succession de séquences narrativement maîtrisées. L'auteur s'inspire aussi de "James Bond" (base secrète, armée privée, moyens colossaux), ou du cinéma ("Rollerball", 1975). Anecdotique et poussif, le spécial bicentenaire est une leçon d'histoire par le prisme de Kirby, qui idéalise les vertus combattives plutôt que guerrières de son pays. Datant de janvier, l'annuel est une étonnante série B de science-fiction qui aurait dû être insérée en début d'ouvrage. Enfin, une fois n'est pas coutume, Kirby le scénariste éclipse un peu Kirby le dessinateur. Son contrat avec Marvel exigeait qu'il produisît treize planches par semaine. Si certains apprécieront l'énergie et le dynamisme qui fourmillent dans ces compositions, les autres regretteront le manque de fini au niveau des visages. Ce trait puissant ne peut s'épanouir pleinement qu'avec un encrage hors pair (Joe Sinnott, ou Mike Royer). Dans ces épisodes, les encreurs ne réussissent pas à projeter les dessins de Kirby au stade supérieur, hélas. 
À la traduction : Cyril Bouquet, Nick Meylaender et Edmond Tourriol. En vrac : une coquille, deux incohérences tutoiement-vouvoiement, une faute de nombre, une de mode, deux lourdeurs, un faux-sens. Belle maquette rénovée, mais sans pagination. 

En 1976, la série "Captain America" reprend du poil de la bête et cela fait du bien ! Kirby referme l'ère Englehart pour de bon et nous livre une aventure passionnante, qui représente le sommet du titre depuis 1969 et l'arc du Cube cosmique. Palpitant. 

Mon verdict : ★★★★☆ 

Barbüz
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2 commentaires:

  1. Aaaah ! 4 étoiles.

    Pour ces épisodes, je t'envie : c'est quasiment le dernier gros trou dans ma collection de Jack Kirby sur la période qui m'intéresse. Marvel avait publié un omnibus, mais je n'étais pas en fond pour pouvoir me l'offrir. Ils le rééditent en mars de l'année prochaine, et j'ai déjà commencé à économiser. :)

    Je crains un peu l'apparence finale avec l'encrage de Frank Giacoia (1924-1988) comme tu le soulignes. J'ai déjà plus confiance en D. Bruce Berry qui a également encré les épisodes 17 à 38 de la série Kamandi.

    L'ennemi manifeste son mépris des valeurs américaines dans ses discours outranciers : ça doit être bien kitsch.

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    1. Les planches sont riches, mais les visages sont mal finis. C'est dommage. Cela dit, quelle bouffée d'air frais après Englehart ! Je ne comprends absolument pas pourquoi le "run" de ce dernier est encensé.
      Oui, c'est kitsch, mais si on lit ces aventures en songeant au contexte de guerre froide et de défaite au Viêtnam, ça l'est moins et ça passe tout seul. J'ai l'impression que Kirby a été très influencé par le cinéma, pour cet arc-là.
      Dieu merci, le "King" reste encore quelques numéros, et- cerise sur le gâteau - Mike Royer débarque sur le titre en 1977 et succède à Giacoia en juin ! J'ai drôlement hâte de lire ces épisodes !

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