dimanche 15 novembre 2020

Paul Dini présente Batman (tome 2) : "Le Cœur de Silence" (Urban Comics ; août 2015)

Publié dans la collection "DC Signatures" d'Urban Comics en août 2015, "Le Cœur de Silence" est le deuxième des trois tomes de la série consacrée au Batman du New Yorkais Paul Dini. Cet ouvrage (format 17,5 × 26,5 cm) à couverture cartonnée compte environ deux cent quatre-vingt planches et comprend, dans l'ordre, les versions françaises des "Detective Comics" 841, 843-844, un extrait du "Infinite Halloween Special" #1, les "Detective Comics" 845-850 et 852, et enfin le "Batman" #685. En VO, tous sont sortis entre avril 2008 et mars 2009 sauf le "Special", sorti en décembre 2007. 
Dini écrit les scénarios. Il est surtout connu comme producteur et auteur de séries animées, dont "Batman: The Animated Series". Les illustrations sont produites par Dustin Nguyen, lauréat de deux Eisner ; elles sont encrées par Derek Fridolfs. Ces deux artistes ont déjà collaboré plusieurs fois. La mise en couleur est répartie entre John Kalisz et Guy Major. Enfin, notons que Nguyen réalise l'encrage et la mise en couleur du "Special" en plus de ses dessins. 

À l'issue du tome précédent, Batman doit se rendre à l'évidence : le Sphinx a résolu son énigme et il a joué le jeu en remettant le sérum à Bruce via Harleen contre une mallette remplie de billets. 
Bruce Wayne assiste à la "Fashion Week" de Gotham, l'une de ces obligations, l'un de ces événements qu'il s'inflige pour entretenir son image publique sur la scène sociale de la ville ; il n'y éprouve aucun plaisir, mais apprécie de pouvoir éloigner les curieux - les paparazzi - en étant agréable. Il ne comprend pas l'objectif de cette manifestation ; le découvrir ne le concerne pas. Il parle avec quelques personnes qu'il fait mine de connaître et feint de s'intéresser à "des déguisements ridicules, même pour un super-vilain". Puis il se lève pour gagner discrètement la sortie ; en fin de compte, tout cela ne lui aura pas pris plus de cinq minutes. La crosse d'une arme s'abat sur son crâne tandis qu'il passe par les coulisses... 

Après avoir privilégié des histoires brèves dans le tome précédent, Dini commence ici de la même manière, avant de proposer un arc en cinq parties. Il offre d'abord la vedette à Tweedledee et Tweedledum, les fameux hommes de main du Chapelier fou, dans un premier numéro rafraîchissant qui exploite le thème de l'arroseur arrosé et dans lequel opère une nouvelle équipe de super-vilains. Puis vient une aventure en deux temps qui oppose Batman à l'inénarrable Scarface (une séquelle du récit du premier volet), et explore l'éventualité d'une romance entre Wayne et Zatanna. Dans l'ombre de la sinistre marionnette, le personnage secondaire récurrent de Peyton Riley ; il sera utile de se rappeler les événements du précédent tome. L'enquête suivante évoque les "dégâts collatéraux" des crimes d'E. Nigma, aujourd'hui repenti, et conte comment un sentiment d'injustice peut inciter à une vengeance meurtrière. À ces trois histoires distrayantes succède le plat de résistance : centré sur Silence, il est particulièrement dense. Dini présente Thomas Elliot comme un reflet de l'âme de Bruce Wayne renvoyé par un miroir déformé. Il détaille les origines et la jeunesse du criminel, ses rencontres, ses décisions, ses plans et ses motivations, et offre à ces éléments une profondeur qui n'était pas encore envisagée à la création du super-vilain dans l'arc qui l'a vu naître. Dini s'engouffre dans la possibilité créative générée par ce vide et le comble d'une manière que ne laissait pas présager le scénario de Jeph Loeb ; le résultat est insuffisamment abouti et pas entièrement convaincant. Silence monopolise la vedette jusqu'à l'épilogue, où il la cède à Catwoman. Batman, lui, est ici plus distant et plus froid qu'à l'habitude. L'émotion ne parvient pas à percer, malgré une scène touchante (celle de la chambre d'hôpital). Voici donc un récit plus divertissant et efficace que captivant. Peut-être la partie graphique y est-elle pour quelque chose. Inspiré par Mike Mignola, Nguyen déploie un trait qui joue avec les ombres des personnages et des ambiances par le biais d'une utilisation soutenue des aplats de noir. Le découpage est irréprochable. Le niveau de détail des arrière-plans est satisfaisant, mais il n'en faut pas moins. Enfin, la mise en couleur est fade. 
La traduction a été confiée à Thomas Davier. Son texte est malheureusement victime de quelques boulettes malvenues : une faute de mode (un conditionnel à la place d'un infinitif), un faux-sens et une coquille ("Sam" au lieu de "Slam") ont été relevés. 

Après quelques épisodes distrayants, cet album détaille les origines d'un super-vilain récent et revient sur la relation Batman-Catwoman ; mais l'arc principal pâtit d'un manque de vraisemblance, et d'un déficit émotionnel que creuse le style de Nguyen. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbüz 
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2 commentaires:

  1. Je garde un moins bon souvenir de ce Cœur de silence que toi.

    Le résultat est insuffisamment abouti et pas entièrement convaincant. - J'avais trouvé que Paul Dini n'arrive pas à conserver une forte implication émotionnelle du lecteur au fil des pages et les révélations relèvent plus de l'exposé magistral que du roman qui emmène dans les émotions des personnages. En fait j'avais nettement préféré ses histoires en 1 ou 2 épisodes.

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    1. Oui, je suis d'accord avec toi. J'ai retrouvé ce qui m'avait gêné à l'époque, mais pas ce que j'avais apprécié. Je déplore moi aussi le manque d'émotion. Trois étoiles pour "Le Cœur de Silence", mais quatre pour l'ensemble.

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