dimanche 7 mars 2021

Aquaman (tome 1) : "Peur abyssale" (Urban Comics ; septembre 2012)

"Peur abyssale" est un recueil format 17,5 × 26,5 centimètres à couverture cartonnée d'environ cent trente-cinq planches, publié dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics en septembre 2012. C'est le premier des cinq volets du "Aquaman" (volume 7) de la "Renaissance DC" ("The New 52"), la démarche inaugurée en 2011 par DC Comics pour rafraîchir son univers. Ce tome réunit les versions françaises des nº1-6 (de novembre 2011 à avril 2012). 
Le scénario a été écrit par Geoff Johns, l'un des auteurs majeurs de l'écurie DC Comics depuis les années deux mille. Il est connu notamment pour ses "Flash", ses "Superman", ou encore ses "Green Lantern". Le Brésilien Ivan Reis illustre cinq des six chapitres ; il partage le dernier avec son encreur, Joe Prado. Ce dernier est aidé dans sa tâche dans les #4-5 par un autre compatriote : Eber Ferreira. Rod Reis - le frère d'Ivan - compose la mise en couleurs. 

De monstrueuses créatures vaguement humanoïdes remontent le long d'une cheminée volcanique dans les profondeurs de l'océan Atlantique. Elles communiquent entre elles ; en regardant vers la surface, elles se rappellent qu'il y a "un au-dessus", et décident donc de s'y rendre. Au même moment à Boston, des braqueurs qui se sont emparés d'un fourgon blindé de transport de fonds sont poursuivis par la police ; des échanges de coups de feu ont lieu. Soudain, après un bond stupéfiant, Aquaman atterrit pile devant le véhicule des malfrats. Aquaman ? Hilares, les gangsters n'en croient pas leurs yeux, les policiers non plus. Les bandits, amusés, décident d'écraser le super-héros, et foncent sur lui ! Sans dire un mot, Aquaman plante son trident dans la calandre du véhicule, le soulève à la verticale, puis le retourne sur le toit, comme une crêpe ! Lorsque l'un des truands émerge de l'épave, Aquaman lui ordonne d'abandonner son arme. L'autre, pour toute réponse, lui envoie une rafale de mitraillette, mais ses projectiles ricochent sur le justicier, qui s'en sort avec à peine une légère égratignure... 

DC Comics relance le personnage d'Aquaman dans le cadre des "New 52". Sa série précédente avait été publiée entre 2003 et 2007. À l'occasion, l'éditeur confie le titre à l'un de ses scénaristes à succès : Johns. Johns ouvre le bal avec "Peur abyssale" ("The Trench" en VO), un arc qui regroupe les quatre premiers numéros de la nouvelle mouture du titre ; les deux derniers en sont la suite chronologique directe. "Aquaman" par Johns, c'est quelque chose d'assez frais qui rejoint un peu l'esprit du "Animal Man" de Jeff Lemire dans la caractérisation : une démonstration d'équilibre entre récit super-héroïque et un iconoclasme tendre et gentillet. Car Arthur Curry - malgré ses pouvoirs spectaculaires : bonds prodigieux, force herculéenne, résistance formidable, respiration sous l'eau, télépathie avec la faune marine - est la risée de tous : des malfrats, des représentants des forces de l'ordre et du quidam ordinaire, que ce soit dans les médias sociaux ou à la télévision. Il est la cible de tous les quolibets : celui qui parle aux poissons ; celui dont la mère viendrait de l'Atlantide, cette contrée à l'existence douteuse ; "le super-héros préféré de personne" ; etc. Les rares qui lui témoignent de l'intérêt ou du respect passent quant à eux pour des farfelus dans le meilleur des cas. Ce que Johns souhaite montrer avec sa lecture du personnage, c'est un héros qui ne trouve sa place nulle part : ni en Atlantide ("Je ne retournerai pas en Atlantide. Qu'ils se trouvent un roi.") ni sur Terre, où il n'a pas de légitimité et où les décalages socioculturels entre Mera et les Terriens ne favorisent pas l'intégration sans friction ! Les amateurs apprécieront le duo Arthur-Mera, qui fonctionne très bien, une introduction réussie, et suffisamment de mystère çà et là pour donner envie de découvrir la suite. Johns remplit donc sa part du contrat. 
Reis évolue dans un registre réaliste, qui embrasse plus qu'il ne gomme les travers du genre, à savoir : aspect musculeux prononcé pour les hommes et courbes lascives pour les femmes. L'artiste a le sens de la diversité des physionomies. Ses compositions énergiques et pleines de mouvement sont souvent agencées dans un quadrillage cinématographique, idéal pour les séquences d'action. Mais l'émotion n'est pas son point fort, les arrière-plans sont rationalisés, et l'encrage est allégé. 
La traduction est effectuée par Edmond Tourriol, du studio bordelais MAKMA. Dans l'ensemble, elle s'avère très satisfaisante, malgré une faute de grammaire ("elles en ont aussi conservés", en lieu et place de "conservé") ; le reste du texte a été soigné. 

Johns produit une histoire spectaculaire, dont le menu se compose d'adversaires effrayants, de scènes d'action, d'humour, de révélations, et de mystère. Reis nous sert une partie graphique efficace, mais impersonnelle et fort généreuse en stéréotypes. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbüz 
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3 commentaires:

  1. Un petit plaisir : ton article me replonge dans mes souvenirs de cet album.

    Reis évolue dans un registre réaliste, qui embrasse plus qu'il ne gomme les travers du genre : d'un autre côté, c'est dans les attentes implicites d'un comics de superhéros, des gros muscles, des courbes très arrondies. Il n'est pas donné tout le monde de parvenir à ne pas sacrifier à ces conventions, et de réussir un comics de superhéros, en revenant à des corps moins sculptés. Parmi ceux qui y parviennent, me vient tout de suite à l'esprit Steve Rude, David Mazzuchelli.

    J'avais bien aimé l'humour second degré jouant sur les railleries adressées à Aquaman, le superhéros qui parle aux poissons.

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    1. Je crois que les artistes qui sortent des clichés du genre sont peut-être plus nombreux qu'on pourrait le penser - en tout cas, selon mon point de vue. Je suis assez imperméable au style de Reis, que je range dans le même panier que les Jim Lee, Jason Fabok, ou David Finch, que j'ai fini par abhorrer avec le temps. Pourtant, je continue à apprécier Tony Daniel. Va comprendre.

      À l'époque, j'avais déjà lu ce tome et m'étais arrêté là. Il paraît pourtant que la suite est très bien. L'as-tu lue ?

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    2. Je n'ai également lu que le premier tome : le second ne m'avait pas attiré du fait de l'absence d'Ivan Reis sur certains épisodes, et d'un scénario qui ne m'emballait pas. Je ne sentais Geoff Johns se lancer dans une saga aussi ambitieuse que celle des Green Lantern, du coup je n'ai pas eu envie de lire une autre de ses séries en moins bien.

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