dimanche 14 mars 2021

Batman : "Terre-un" (tome 2/3) (Urban Comics ; février 2016)

Cet ouvrage - le deuxième de la trilogie "Terre-un" consacrée au personnage de Batman - a été publié le 26 février 2016, dans la collection "DC Deluxe" de l'Urban Comics. Ce recueil, format 19,0 × 28,5 cm à couverture cartonnée, compte approximativement cent cinquante-cinq planches ; il inclut le second volume VO, sorti en mai 2015. Ces "Terre-un" (VO : "Earth One") sont des récits qui proposent une relecture moderne des icônes de l'écurie DC Comics. En dehors de Batman, ce traitement a aussi été appliqué à Superman, Wonder Woman, Green Lantern, et aux Teen Titans. 
L'intrigue de ce "graphic novel" est écrite par Geoff Johns, l'un des scénaristes principaux de ces vingt dernières années chez DC Comics. Gary Frank en réalise les illustrations, encrées par Jonathan Sibal ; Johns et Frank ont déjà collaboré sur d'autres titres. Pour finir, la mise en couleur a été composée par Brad Anderson

À l'issue du tome précédent, Bruce et Alfred désirent non seulement un meilleur Batman, mais aussi créer une légende. Ailleurs, devant ses écrans, un homme veut résoudre l'énigme de Batman... 
Gotham City. Cinq personnes prennent l'ascenseur ; l'une d'elles appuie sur le bouton du vingt-septième étage. Une femme entre deux âges vêtue d'un tailleur-jupe et portant un attaché-case consulte sa montre. Un son de clochette retentit au treizième puis la machine se remet en route et passe les quatorzième et quinzième. Un homme d'âge mûr réagit : l'ascenseur aurait dû stopper au quatorzième. La femme ajoute que son étage a été dépassé aussi. La cage continue jusqu'au trente-neuvième avant d'arriver au niveau "PH" (pour "Penthouse", le dernier étage d'un gratte-ciel) et de sonner à nouveau ; rien ne se produit. L'un des usagers essaie de forcer la porte, qui semble bloquée ; mais ses efforts n'aboutissant pas, il demande que quelqu'un appuie sur l'alarme. C'est à ce moment qu'une voix, par l'interphone, s'adresse à eux... 

Second tome, seconde réussite incontestable. Pourtant, même pour un scénariste de la carrure de Johns, revisiter les origines d'une icône de la culture populaire telle que Batman avait tout d'une gageure. L'auteur reste fidèle à son approche, à savoir qu'il procède à quelques ajustements surfaciques sur Batman et à des changements plus radicaux, plus profonds sur certains protagonistes majeurs, mais sans bouleverser l'essence le mythe, le concept, ou la mission du justicier. C'est une relecture qui étonne à chaque chapitre, tant elle fourmille d'idées remarquables. Le réalisme s'invite plus que dans un récit ordinaire de Batman, en témoignent la course-poursuite avec une voiture banale - sorte de pré-Batmobile - et les issues du premier affrontement avec le Sphinx - l'une des meilleures versions du super-vilain, d'ailleurs - et du combat contre Killer Croc. Johns met ses personnages en scène dans un mélange savamment dosé d'action, de suspense, de tragédie (le drame du métro est prégnant), et d'humour ; c'est surtout ce dernier qu'il utilise pour placer quelques croche-pieds amusants au mythe (quelques exemples : les fleurs, la tentative de crochetage, les indices et la requête concernant le "travail de détective", sans oublier les chercheurs de Wayne Enterprises). Mais c'est le traitement appliqué à Harvey Dent qui est le plus captivant. Avec du recul, le concept que Johns a développé pour Double-Face paraît comme une évidence. Le scénario est d'une efficacité redoutable, avec - pour une fois - une enquête et un travail de détective dignes de ce nom. Malgré quelques modifications apportées à la mythologie, ce scénario est globalement consensuel ; c'est ici plus une qualité qu'un défaut, d'autant qu'il est remarquablement écrit, maîtrisé de manière serrée, avec une habile répartition du rythme. 
Les lecteurs seront rassurés de voir Frank revenir pour cette seconde partie. Les visages des personnages féminins sont toujours un peu crispés, mais ce petit point est vite oublié. Le trait réaliste du Britannique sied à merveille à l'atmosphère urbaine de cette histoire ; il est appuyé par l'encrage de Sibal, qui place ses hachures et ses aplats de noir à la perfection. Le découpage est sans défaut. Le niveau de détail est satisfaisant. La mise en couleur crée les contrastes nécessaires. 
Ce deuxième numéro est traduit par Alex Nikolavitch, un vétéran du métier. Le résultat est particulièrement honorable : son texte est irréprochable et ne comporte ni faute ni coquille, ce qui - pour un "comic book" en version française - est assez rare. 

Ce deuxième volume de "Terre-un" transforme l'essai du premier ; voici ce qui est sans aucun doute la meilleure relecture des premières années du mythe depuis Frank Miller et "Année un". Loin, bien loin des élucubrations de Scott Snyder ; Dieu merci ! 

Mon verdict : ★★★★★

Barbüz 
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3 commentaires:

  1. Malgré quelques modifications apportées à la mythologie, ce scénario est globalement consensuel ; c'est ici plus une qualité qu'un défaut. - Tout est dit dans cette synthèse parfaite. J'ai moi aussi beaucoup aimé cette histoire au premier degré, sans que les auteurs ne cherchent à concurrencer Miller & Mazzuchelli, sans même donner l'impression d'en avoir la prétention.

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    1. J'ai lu que la sortie du troisième et dernier volet avait été reportée à 2021. Je suppose que tu le liras en VO ?

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    2. Bien sûr : il est prévu pour juin 2021 en VO.

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