Publié aux éditions Dargaud en octobre 1999, "Geronimo l'Apache" est le vingt-sixième tome de "Blueberry" ; c'est un album de quarante-six planches, au format 22,5 × 30,0 centimètres, et à couverture cartonnée. Après "Arizona Love", "Blueberry" avait changé de titre encore une fois, pour "Mister Blueberry". Finalement, Dargaud intégrera les épisodes de ce cycle dans la série "classique", qui compte désormais vingt-huit numéros.
"Blueberry" est une série lancée par le scénariste belge Jean-Michel Charlier (1924-1989) et l'illustrateur français Jean "Gir" Giraud (1938-2012) dans "Pilote" en 1963. Giraud, depuis le décès de Charlier, préside seul aux destinées du titre. C'est son troisième volume réalisé en solo en tant que scénariste ; il produit également la partie graphique (les dessins et l'encrage). Enfin, c'est Florence Breton qui a composé la mise en couleur.
À l'issue du tome précédent, un Blueberry alité relate à Campbell sa première rencontre avec Geronimo. La tension grimpe d'un niveau entre le clan Earp et celui des Clanton et McLaury.
Tombstone, été 1881. C'est la nuit. Un chariot remonte une rue pour s'arrêter dans la cour du Dirty Dog, le lupanar du coin. Le conducteur de l'attelage descend et frappe à la porte de l'établissement. L'un de ses compagnons maîtrise leurs chevaux tandis que l'autre sort par l'arrière. Ils sont habillés comme des péons mexicains. Le tenancier du bouge les fait entrer avec discrétion. Dans la salle principale, des hommes en train de boire et de fumer sont attablés avec des femmes, d'autres sont accoudés au comptoir. Le gérant les conduit à une chambre d'aspect plutôt rustique. Jonas Clum, fondateur et propriétaire du Tombstone Epitaph, y dort, allongé sur un lit. À terre, des bouteilles vides. Effrayée par les visiteurs, une femme nue se blottit derrière un drap dans un coin de la pièce, sans un mot...
C'est là la suite du dernier cycle de "Blueberry", celui dont le rythme est le plus long et le plus étiré. Cet ouvrage s'inscrit dans la lignée des deux précédents ; certains pourront s'interroger sur la manière dont Giraud a construit son scénario. Il y a ici plusieurs intrigues qui s'entremêlent. D'abord, cette attaque du convoi d'argent ; lors d'un concours de circonstances apporté avec habileté, les Earp ont la confirmation de ce qu'ils soupçonnent. Les lecteurs sont soulagés de voir l'enquête aboutir, même si le dénouement semble encore éloigné au vu de la cadence adoptée par cette affaire. À cette occasion, Gir continue à utiliser des figures historiques pour le bien de son scénario : là, Johnny Ringo. Blueberry, lui, est complètement déconnecté de tout cela par la force des choses. Alité, le bras droit en écharpe, il fume des cigarillos en profitant des soins de Dorée Malone, son infirmière particulière. Il revit surtout sa première confrontation avec Geronimo, plus pour lui-même que pour en partager le souvenir avec Campbell, l'écrivain de Boston. Giraud insiste - lourdement, d'ailleurs - sur une métaphore peu convaincante avec "Moby-Dick" (1851), roman d'Herman Melville (1819-1891). Les lecteurs en viennent à penser que les plus belles pages de la vie de Blueberry se trouvent derrière lui et que cette convalescence qui traîne - malgré la gravité de ses blessures et cette narration qui est étirée au maximum - soit un symptôme d'une lente dérive vers la mort. En dépit de cela, l'ex-lieutenant ne donne pas l'impression de vouloir léguer son nom à l'Histoire, tant il partage ses mémoires avec Campbell avec une certaine forme de réticence. Entre ces deux grands fils conducteurs pullulent plusieurs sous-intrigues, dont une autour de Billy et miss Dolly. Néanmoins et au regret de beaucoup, cette lenteur et la sensation d'inaction, voire d'immobilisme prévalent dans cet album et ce cycle interminable dont la production prendra dix ans (pour cinq tomes, il est vrai).
Les plus belles planches de cet ouvrage sont assurément celles qui content la première rencontre entre Blueberry et Geronimo, dans cet environnement incroyable qui semble tant inspirer Giraud et lui permet d'exploiter l'espace avec plus de libertés - dans l'utilisation de la perspective ou le quadrillage - que dans les scènes urbaines. Le quadrillage gagne en originalité et en modernité grâce à l'emploi d'inserts. Voilà un tome qui offre une part importante aux gros plans, quel que soit le personnage : Blueberry, Geronimo, Campbell, Ringo, entre autres. Quant au niveau de détail général des arrière-plans, il est hautement satisfaisant.
"Geronimo l'Apache" est un - énième - prélude à la fusillade de l'OK Corral ; il ne s'y passe franchement pas grand-chose si ce n'est que Giraud revient sur les crimes de guerre contre les Amérindiens. Pour le reste, Blueberry est décidément très fatigué.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz
Aïe : 2ème tome à 3 étoiles. Je note également que c'est le 2ème tome où Blueberry est alité.
RépondreSupprimerA nouveau, merci pour les liens vers les articles de Tombstone Epitaph et Johnny Ringo, deux références qui n'étaient pas présentes dans ma culture.
10 ans pour 5 albums de Jean Giraud : avec le recul ça semble raisonnable comme rythme pour lui.
Une part plus importante aux gros plans : voilà une caractéristique qui me fait instantanément réagir, parce que c'est un raccourci dont les dessinateurs de comics abusent à tour de bras. Ici, tu sembles avoir apprécié ces gros plans. Je présume que le paysage qui l'inspire est de celui des grands espaces américains ?
Trois étoiles, pas plus. Avec le recul, je commence à me demander si la décision de ne pas m'arrêter à la fin du dernier tome écrit par Charlier a été la bonne. Mais bon : encore un petit effort, il ne reste que deux numéros et l'action devrait faire son retour.
SupprimerIl s'agit effectivement des grands espaces, principalement de gorges de canyons. Des pages qui sont en rupture totale avec le reste du scénario, où tout se passe dans des bureaux, des chambres, ou au saloon.