samedi 4 septembre 2021

Ric Hochet (tome 16) : "Requiem pour une idole" (Le Lombard ; mars 1973)

"Requiem pour une idole" est le seizième "Ric Hochet", le titre lancé par le Tournaisien André-Paul Duchâteau (1925-2020) et le Français Gilbert Gascard (1931-2010), dit Tibet. Il est sorti chez Le Lombard en mars 1973, après avoir été prépublié dans "Le Journal de Tintin" entre le 18 avril (nº16/72) et le 22 août 1972 (nº34/72). Cet ouvrage au format 22,5 × 30,0 cm et à la couverture cartonnée contient quarante-quatre planches. Série-fleuve culte comptant soixante-dix-huit volets, "Ric Hochet" s'étend sur près de cinquante ans. Le dernier est sorti en 2010. 
Duchâteau écrit le scénario. Tibet produit la partie graphique (dessins, encrage, mise en couleur) ; Tibet ne réalisait pas les décors et les confiait à des assistants ; ici, à Christian Denayer

Paris : journalistes, photographes, caméramans, et curieux se sont rassemblés dans un grand hôtel. Aujourd'hui, un prix va y être décerné. L'assemblée n'attend plus que le lauréat. Un présentateur est déjà sur l'estrade. Les autres discutent, boivent un verre. Le commissaire Bourdon et sa nièce Nadine sont présents. Nadine estime qu'il "l'a bien mérité". Bourdon acquiesce et ajoute que c'est ce que tout le monde pense. Plus tôt, dans la journée, Bob Drumont avait fait irruption dans les bureaux du quotidien "La Rafale", incapable de cacher son excitation : "Il a le prix !" Ric avait alors joint les mains et regardé au ciel en une expression mêlant soulagement et joie intense. Il avait immédiatement informé Bourdon, qui avait lâché un "Bravo !" enthousiaste. Ric avait proposé au policier de "le" prévenir, mais en prenant garde de "le" ménager sous peine qu'il refuse de se déranger. Et donc plus tard, Ric gare son coupé Porsche 911 jaune devant le domicile du professeur Hermelin. Ce dernier, vêtu de sa blouse blanche, leur ouvre sa porte. Après quelques salves piquantes, Ric l'invite à les accompagner : une "grande surprise" attend le scientifique. Mais le ronchon se méfie déjà... 

Il y a quelques nouveautés, dans "Requiem pour une idole". L'idole en question est une vedette de cinéma, bien sûr. Tibet donnant parfois les traits d'acteurs à certains protagonistes, pas étonnant que Duchâteau ait imaginé une enquête dans l'univers du cinéma. Ce n'est pas la première fois que l'auteur confie à son héros une enquête dans l'industrie du spectacle au sens large ; ça avait déjà été le cas dans "Suspense à la télévision", sorti cinq ans plus tôt. Ici, alors qu'il n'avait encore jamais procédé de la sorte auparavant, Duchâteau saucissonne son scénario en six actes, qui reçoivent les titres de films dans lesquels Brigitte Bardot - présente dans le récit sous une forme inattendue - a joué, comme l'indique Wikipédia : "La Vérité", "L'Ours et la poupée", "Une ravissante idiote", "La Femme et le pantin", "En cas de malheur" et "Les Novices". Les titres sont en rapport direct avec l'action du chapitre en question. Cet album recèle d'idées intéressantes : le canular de l'introduction (le lecteur fidèle à la série se réjouira forcément), l'objectif du "chef" (Duchâteau sème de fausses pistes), et le dénouement de l'intrigue (en deux temps, avec un niveau supplémentaire de complexité). Hermelin apporte une note comique. Les femmes ont des rôles importants ; une première depuis "Piège pour Ric Hochet". Certains s'enthousiasmeront difficilement pour "Requiem pour une idole". Et pour cause : "Ric Hochet" change souvent de cap et de ton, entre histoires d'espionnage sombres, enquêtes teintées de surnaturel en province, et crimes spectaculaires à Paris. Richard - le père de Ric - est généralement utilisé pour lancer une histoire, mais ici, sa présence ne se justifie pas pleinement et la relation père-fils est d'ailleurs sans réel intérêt. Ceux qui espèrent un propos corrosif au sujet de l'industrie du cinéma en seront pour leurs frais : Duchâteau n'est pas satiriste. Enfin, le poids de la linéarité se fera sentir crescendo au gré des pages d'une intrigue qui est honnête à défaut d'être captivante. 
Tibet, dès la première case, émerveille par son sens de la diversité des physionomies, des expressions, et des plans, et par le naturel de ses postures ; à cela, Denayer ajoute une belle variété des plans, et un emploi dynamique de la perspective. Pourtant, si son découpage conserve une lisibilité sans faiblesse, le quadrillage n'est pas entièrement au point, car l'artiste, pour indiquer le sens de lecture des vignettes, doit recourir à l'utilisation de flèches directionnelles (rouges) de petites dimensions. Les véhicules sont soignés (cette superbe Citroën GS rouge !), mais il n'y a rien d'extraordinaire dans les décors, à part les courtes séquences à l'opéra Garnier

En dépit de son inventivité et d'éléments nouveaux, "Requiem pour une idole" ne sera pas retenu parmi les volets les plus marquants de la série. Au fil des numéros, la variation continue du ton et des ambiances pourra décontenancer certains lecteurs. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz 

2 commentaires:

  1. Tiens ? Deux Ric Hochet d'affilée… Une envie de progresser plus rapidement dans la série ?

    Ton commentaire me laisse une impression globale à celle que tu semblais avoir éprouvée pour le mien au sujet de Europa T01. J'ai beaucoup apprécié le soin que tu as apporté à relever les caractéristiques de ce tome : la construction en 6 actes et leur titre, leur rapport avec l'action du chapitre, le canular, le fait que Duchâteau ne soit pas satiriste, les physionomies, la variété es plans, l'utilisation dynamique de la perspective (une remarque que je me suis déjà faite pour de rares albums), et bien sûr les véhicules.

    Et pourtant en dépit de toutes ces qualités, seulement 3 étoiles comme impression globale de lecture.

    Le retour des flèches : très surprenant qu'un artiste avec autant d'expérience y revienne.

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    1. Oui, une envie de progresser plus vite. Je change un peu de mode opératoire de lecture, et je procéderai de cette façon pour les séries-fleuve et les diptyques.

      Le retour des flèches : exact. Nous avions eu la même discussion au sujet de Giraud dans "Blueberry". Moi aussi, ça me surprend beaucoup.

      Trois étoiles, oui. C'est un peu le roman à énigme un peu plan-plan, sans meurtre, avec des suspects parfois un peu caricaturaux. Ça fait maintenant quinze tomes de "Ric Hochet" que je lis, et seul "Ric Hochet contre le Bourreau" et quelques autres sortent du lot.

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