Le troisième des quatre épais tomes de la série qu'Urban Comics a consacrée au "Quatrième Monde" est sorti en janvier 2017 dans la collection "DC Archives" de l'éditeur. Ce recueil relié format 19,0 × 28,5 cm à la couverture cartonnée contient - plus ou moins - trois cent soixante-dix planches. Au sommaire de ce splendide ouvrage figurent les versions françaises des "Forever People" #7-10, de mars à septembre 1972, des "Superman's Pal, Jimmy Olsen" #146-148 (de février à avril 1972), des "New Gods" #7-10 (de mars à septembre 1972), et des "Mister Miracle" #7-9 d'avril à août 1972.
Jack Kirby (1917-1994) écrit les scénarios et produit la partie graphique. À l'encrage, son acolyte Mike Royer. Royer est sans doute l'un des meilleurs encreurs à avoir travaillé avec le "King" ; enfin, Vince Colletta (1923-1991) et Murphy Anderson (1926-2015) sont crédités comme encreurs du "Superman's Pal, Jimmy Olsen" #148.
À l'issue du tome précédent, Tape-Dur Un et soldat Tape-Dur sont prisonniers de Mokkari et Simyan dans leur usine maléfique ; les deux savants fous font régresser Olsen au stade de bête humaine.
Néo-Genesis. Le Haut-Père est ému. Le Conseil des Jeunes lui a rapporté de bouleversantes nouvelles. Il semblerait que Moonrider et ses Immortels se soient jetés "dans la gueule du loup". Ils se sont servis d'un tunnel Boum pour se rendre sur Terre y affronter la colère de Darkseid. Les jeunes supplient le Haut-Père de sauver leurs amis ; ils peuvent être punis pour leurs actions, certes, mais pas abandonnés. C'est Métron - le Quêteur de Savoir - qui a le premier raconté ce "malheureux incident" à Izaya, pour qui cela est une source d'inquiétude supplémentaire s'ajoutant au terrible conflit qui oppose déjà Néo-Genesis et Apokolips. Mais les membres du Conseil des Jeunes n'en démordent pas. L'un des benjamins de la petite assemblée, Esak, insiste plus que les autres. Sommé de s'expliquer, il déclare désirer simplement se battre pour ses amis...
Dans ces pages la guerre entre Néo-Genesis et Apokolips bat son plein et perd son qualificatif d'invisible. Après les escarmouches, voici venu le temps des offensives au grand jour. Au milieu, la Terre. Metropolis essuie des dégâts collatéraux, sans que ses habitants saisissent ce qui se passe. Darkseid a un atout : son réseau local d'âmes damnées qui savent de quoi il retourne, mais il n'en est pas de même pour Néo-Genesis dont les hérauts doivent improviser des alliances sur le pouce, compter sur une poignée de compagnons dignes de confiance, et réussir à persuader leurs interlocuteurs de prendre les décisions ad hoc, et d'agir, sans tarder (c'est le cas du procureur Hartwell, par exemple). Il y a donc comme une sensation d'urgence qui peut parfois accabler ces défenseurs de la bonne cause, notamment Orion, être tourmenté aux deux visages, qui démontre autant son amour du combat et de la guerre que sa lucidité quant à sa malédiction et au sujet du conflit. Kirby parvient à éviter de tomber dans le piège de la linéarité de sa longue saga, par le biais d'un retour sur les origines de certains des protagonistes, et par la création de nouveaux personnages ; il en réutilise certains (la Mante) et continue sa présentation des spadassins de Darkseid avec le brillant Kanto par exemple. Le lecteur suit avec grand intérêt les premières années de Mister Miracle et fait la connaissance de son mentor Himon. Il découvre la tribu des Bestioles et Vivandier, l'une de ses figures prépondérantes, qui reviendra dans "Cosmic Odyssey". Puis il se voit conter le drame à l'origine de tout dans des pages qui pourraient être tirées d'un opéra wagnérien. La magie éclot plus lentement que dans les volumes précédents, mais le résultat n'en est pas moins captivant, d'autant que "Superman's Pal, Jimmy Olsen", le plus faible des quatre titres, ne compte que trois numéros et que "Forever People" continue à gagner en qualité scénaristique (là grâce à Deadman), une tendance déjà observée à l'issue du second volet.
Kirby nous régale de plusieurs doubles pages tonitruantes. Le lecteur se réjouit de retrouver son complice Royer à l'encrage. Royer alternes légères hachures, généreux aplats de noir aux formes irrégulières et gouttelettes d'encre reliées entre elles par de fins appendices qui apportent un côté incroyablement organique à son encrage. Il est néanmoins évident que la partie graphique montre des signes de faiblesse (passons sur les quelques fantaisies anatomiques telles que les fémurs disproportionnés par rapport aux tibias, car elles sont habituelles) autant du côté du "King" que de l'encreur, notamment dans les derniers épisodes du recueil ; une certaine fatigue due aux cadences élevées exigées par l'éditeur, sans doute, Royer ayant affirmé être écœuré par la productivité qui leur était imposée par ce contrat avec DC Comics.
La traduction est répartie entre Laurent Queyssi, Patrick Marcel, et Jérôme Wicky. Notons une faute de conjugaison, ainsi qu'une curieuse insulte fantaisiste. En dehors de cela, ce travail est d'une qualité satisfaisante et le texte est globalement soigné.
Peut-être plus que les deux précédents, cet ouvrage pourra engendrer une sensation de décousu chez les lecteurs. Mais ces derniers ne pourront lutter bien longtemps contre l'admiration que suscite cette imagination intarissable que déploie le "King" !
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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Je n'ai pas avancé depuis ton article précédent : je n'ai toujours pas lu les épisodes de la série Mister Miracle. En lisant ton commentaire, je me dis que le tome 4 doit être essentiellement composé des épisodes de Mister Miracle.
RépondreSupprimerDrame à l'origine de tout dans des pages qui pourraient être tirées d'un opéra wagnérien : je ressens également cette grandiloquence propre à ce type d'opéra.
Belle ode au talent de Mike Royer : je suis à 100% d'accord.
One peut pas lutter bien longtemps contre l'admiration que suscite cette imagination intarissable que déploie le King ! - Et après, on en devient dépendant au point de chercher d'autres de ses œuvres habitées par la même imagination, je parle en connaissance de cause.
"On en devient dépendant" : Eh bien, figure-toi que c'est exactement ce qui est en train de m'arriver. C'est dingue. Je dois lire "OMAC", par exemple, qui a échappé à mon planning de départ, mais je "crains" de le lire à un instant trop proche dans le temps de la lecture d'un autre Kirby ; j'en repousse donc soigneusement la lecture le plus possible afin d'avoir une œuvre sous la main pour combler les éventuels manques. Je sais que je lirai "Les Losers" d'ici quelques mois, que je ne lirai pas "Le Démon" avant un moment, et que j'ai le dernier tome du "Quatrième Monde" entre les deux. J'ai du Marvel, aussi, avec son "Captain America", les "Quatre Fantastiques", "Machine Man", "Thor", et "Hulk". C'est beaucoup, mais après ?...
SupprimerIl reste également quelques Jack Kirby dans ma pile : un magnifique omnibus VO de Captain Americe (2ème période, 1976-1978), Machine Man, une anthologie Marvel Visionaries Jack Kirby, Rawhide Kid, Mister Miracle, Eternals, mais après ?...
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