Cet ouvrage datant de mai 2012 est le vingt-deuxième de l'intégrale que Panini Comics France consacre à la franchise "X-Men" et le seizième à la version 2.0 de l'équipe ; il inclut les versions françaises des "Uncanny X-Men" #231-239 (juillet à décembre 1988) et de deux épisodes tirés du "X-Men Annual" #12 d'octobre 1988. Ce recueil (dimensions 17,7 × 26,8 cm, couverture cartonnée et jaquette plastifiée amovible) compte approximativement deux cent quarante-huit planches en couleurs. Les couvertures des dix numéros ont été reléguées à la fin du volume, en guise de bonus (mais n'ont pas été intercalées entre les chapitres, hélas).
Chris Claremont écrit tous les numéros plus l'annuel. Marc Silvestri et Rick Leonardi se partagent les dessins de la série régulière et Dan Green, Josef Rubinstein, P. Craig Russell, et Terry Austin assurent l'encrage. Arthur Adams dessine les extraits de l'annuel, encrés par Bob Wiacek. Glynis Oliver compose presque toutes les mises en couleurs ; le #236 est colorisé par Petra Scotese.
Précédemment, dans "X-Men" : après avoir vaincu les Reavers, les X-Men se donnent pour mission de redistribuer les butins volés à leurs propriétaires après que Longshot a été submergé - littéralement - par les esprits des objets. Gateway va les y aider...
Illyana Nikolievna Raspoutine - Magik - est en train de vivre la plus belle nuit de sa jeune existence. Ses espoirs les plus fous, les plus glorieux vont se réaliser. C'est un moment qu'elle attend depuis si longtemps. Tandis qu'elle se pare de bijoux en s'observant dans le miroir, une main difforme lui tend une pomme. C'est sa grand-mère, qui lui demande comme elle peut partir en oubliant "le plus important". L'adolescente croque dans le fruit. Dans le fond de la pièce, une porte s'ouvre sur une obscurité dense, vers laquelle elle est propulsée sans pouvoir réagir. En Australie, sous un soleil de plomb, Colossus (il ne peut toujours pas reprendre son apparence humaine) déchaîne sa force sur la roche. Malicia arrive en volant et se moque gentiment de lui ; la désolation du désert australien ne suffit-elle pas ? S'il veut "un vrai défi", elle peut l'emmener dans l'Himalaya pour "dégommer l'Everest"...
Voilà des épisodes variés, un peu fourre-tout, à travers lesquels Claremont continue à développer ses intrigues et en intègre de nouvelles. Il y a ces retrouvailles entre Peter et Illyana, sur le ton d'un conte fantastique assez réussi. Puis ce sont les Broods (ou sleazoïdes) qui reviennent, le temps d'un arc en trois numéros. Plutôt que de jouer la carte de la multitude comme en 1982-1983, l'auteur oppose à ses X-Men une équipe comme autant de reflets déformés, à la façon de la Confrérie des mauvais mutants. C'est plus convenu, davantage dans un moule super-héroïque, donc moins intéressant, moins effrayant. Le propos évolue aussi, la métaphore s'apparente plus à la tragédie du viol (interprétation qui me fut autrefois suggérée par Bruce Tringale) qu'aux expérimentations de laboratoire sur des cobayes. Puis Claremont emmène les X-Men en terre Sauvage, avant un petit détour non dénué d'humour par les délirants studios de télévision de Mojo, son Mojovers, et leur exploitation outrancière et corruptrice du besoin de loisirs ; ces deux histoires figurent dans l'annuel. Enfin, le plat de résistance : un arc en quatre numéros dans lequel les X-Men découvrent l'île de Genosha. Genosha, c'est l'enfer des X-Men, un endroit où les mutants sont médicalement transformés pour servir de matière première, d'accessoire - littéralement - à la société genoshéenne. D'un côté, un pays d'excellence industrielle et technologique, à l'empreinte carbone fortement allégée, qui a éradiqué la pauvreté, mais qui, pour y parvenir, enferme les mutants, avant de les opérer - pour optimiser leurs capacités, les priver de libre arbitre, et les rendre dociles -, et les réduit à l'esclavage en les exploitant sans vergogne, jusqu'au bout. C'est un grand moment des X-Men, malgré - ou grâce à - la candeur qui s'en dégage. En parallèle, Claremont continue à déployer - confusément et avec des longueurs pour l'instant - l'intrigue de fond axée sur Madelyne. L'évolution des caractérisations est au point mort, l'aspect romance aussi ; seul Alex Summers exaspère avec ses questions existentielles, avant de finir par se résoudre à employer - quand même ! - la force létale contre les Broods.
Dix épisodes, trois artistes. Chez Leonardi, les protagonistes sont soignés (le trait présente des arrondis) et exposés dans des postures naturelles, avec une expressivité parfois exagérée. L'artiste réduit souvent les arrière-plans à leur plus simple expression. Le découpage est limpide. Chez Silvestri, classicisme se marie avec modernité dans des planches spectaculaires et énergiques. La plastique des personnages, aux silhouettes plus longilignes, est impeccable. Notons la diversité des angles de prises de vues. Superbe lisibilité aussi. Et enfin Adams, dont l'impressionnante performance graphique se hisse au-dessus des deux autres. Des physionomies plus variées, une densité plus élevée de détail, un trait élégant d'une rare finesse malgré (encore) une expressivité parfois forcée, des compositions plus riches et plus généreuses.
Thomas Davier effectue la traduction ; il y a une faute de conjugaison. "Pour être honnête" ("to be honest") est très littéral ; "honnêtement" aurait pu lui être préféré.
La dimension hétéroclite du programme est plus une force qu'une faiblesse, en fin de compte. Une brochette de numéros, entre les Broods, la terre Sauvage, Genosha, et Monsieur Sinistre, qui est d'une qualité plus que satisfaisante pour parvenir - sans difficulté majeure - à maintenir éveillé l'intérêt des lecteurs de longue date.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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A nouveau des épisodes que je n'ai pas lus. Je me rends compte que je n'avais même pas dû lire le numéro annuel 12, alors qu'à l'époque j'essayais de lire tout ce que dessinait Art Adams.
RépondreSupprimerJe dois avouer que je n'ai jamais bien compris l'attrait des Broods, des extraterrestres qui me sont toujours apparus comme un décalque facile et affadi des Aliens.
En continuant ton article, je suis sûr de ne jamais avoir lu les épisodes sur Genosha. Je pense que je devais être lassé de la vitesse d'escargot cacochyme à laquelle les intrigues de fond avançaient, ou plutôt piétinaient, en particulier celle de Madelyne Pryor, personnage apparu pour la première fois 5 ans auparavant (en 1983) et déjà présenté comme étrangement ressemblante à Jean Grey.
Les dessinateurs : assez sympathique pour le duo Marc Silvestri & Dan Green même si le premier a une tendance prononcée à s'économiser, pas très fan de Leonardi avec ses visages un peu anguleux, totalement sous le charme d'Art Adams et de sa minutie maniaque.
Moi j'aime bien les Broods, enfin : dans leur version de 1982-1983. Oui, ils ressemblent aux Aliens. Mais pour moi ça s'arrête là. En revanche, cette resucée de 1988 est bien moins intéressante.
SupprimerLa lenteur des intrigues : un phénomène que je perçois à la lecture de chaque tome. C'est incroyable. J'ai fini par me conditionner.
La minutie maniaque d'Adams : c'est bien ça, oui. Il m'aura fallu du temps avant de me convertir. Je n'aime pas trop non plus Leonardi.