Intitulé "Le Livre de l'Apocalypse", cet ouvrage est le second tome de "Bloodshot Salvation", diptyque consacré au personnage de Bloodshot ; il raconte la suite de "Bloodshot USA". En version originale, "Bloodshot Salvation" comprend douze numéros mensuels parus entre septembre 2017 et août 2018. Ce recueil renferme les versions françaises des "Bloodshot Salvation" #6-12 (de février à août 2018), de "Book of Death: The Fall of Bloodshot" (juillet 2015), de "4001 A.D.: Bloodshot" (de juin 2016), et du "Bloodshot Salvation Prologue", tiré du "2017 Free Comics Book Day Special: X-O Manowar" de mai 2017. Publié chez l'éditeur bordelais Bliss Éditions en janvier 2019, ce volume relié (de dimensions 17,5 × 26,5 cm ; couverture cartonnée) inclut approximativement deux cent dix planches, auxquelles viennent s'ajouter des variantes de couvertures - une demi-douzaine de pages - en bonus.
Jeff Lemire écrit tous ces numéros, dont le #9 (de mai 2018) avec Ray Fawkes. Les dessins et l'encrage des "Bloodshot Salvation" sont répartis entre Renato Guedes et Doug Braithwaite ; Jordie Bellaire compose la mise en couleur. Lemire scénarise également les récits de complément. Y participent le dessinateur Juan José Ryp, et les coloristes Brian Reber et Andrew Dalhouse.
Précédemment, dans "Bloodshot Salvation", Garrison, libéré par Ninjak, poursuit le père de Magic, le blesse d'un coup de katana et l'achève en l'étranglant ; tandis qu'il contemple le cadavre, Ray est informé par Ninjak que Jessie, sa fille, se meurt.
La grange n'est plus qu'un tas de planches d'où s'élèvent des volutes de fumée noirâtre ; Viet Man et Tank Man enlèvent quelques décombres pour permettre à Magic et Punk Mambo de s'en extraire. Viet Man s'interroge. Est-ce la "sorcière" qui est responsable de l'explosion ? Agacée, Punk Mambo rétorque qu'elle leur a "sauvé les miches" en invoquant "un sort de protection à la dernière seconde", mais il est évident que quelqu'un a voulu les éliminer eu leur "balançant une bombe sur la tronche". Magic se met sans attendre à chercher sa fille : introuvable, elle ne répond pas aux appels. Tank Man désigne un hélicoptère qui s'éloigne...
Après s'être définitivement débarrassé du passé encombrant de sa compagne Magic, Ray Garrison concentre ses efforts sur la survie de sa fille Jessie, atteinte d'un mal aussi incurable que mortel ; rongé par l'inquiétude, vilipendé par Magic, furieux contre lui-même, et pressé par le temps, l'aimant à ennuis Garrison fonce tête baissée et prouve à nouveau que la réflexion n'est pas son point fort. Mais là, c'est pour sa famille que Bloodshot - accompagné du fidèle Bloodhound - reprend du service ; pas pour le compte d'une quelconque agence gouvernementale. Avec Bloodshot, pas de périple sans prouesses physiques, évidemment. Une invincible machine à tuer peut-elle se voir lancer un autre type de défi ? Lemire envoie Bloodshot dans les limbes le temps d'un numéro qui constitue un défi narratif intéressant, le #7, de mars 2018, dont vingt-et-une des vingt-deux planches sont presque entièrement noires, seuls le texte et les contours des cases étant en blanc. Défi relevé avec brio par Lemire et effet tension garanti à 100% : l'imagination fonctionne à bloc et prend le relais du dessin en extrapolant sur les mots habilement choisis par l'auteur. La décision de Ray implique également une transgression ; un lointain reflet (dans le temps comme dans la forme) de Garrison en paiera le prix fort. Pour beaucoup, cet acte doit être lié à un coût moral. Mais là, autant pour le super-héroïsme et ses vertus : Bloodshot confirme qu'il ne répond pas à cette définition et qu'il ne veut aucunement ni ne peut rentrer dans le moule. Les conséquences ne sont pas développées ici ; le lecteur pourra alors décréter que Lemire s'en tire par une pirouette scénaristique ou préférer penser que le Canadien sollicite son imagination une nouvelle fois. Bien qu'il s'insère inopinément au milieu récit principal sans y être connecté, soulignons l'incroyable #9, un véritable petit chef-d'œuvre qui conte les origines de l'excellent Bloodhound. En revanche, il faudra bien avouer, hélas, qu'Omen décevra ceux qui espéraient là une version plus coriace du projet Rising Spirit. Enfin, les compléments, intéressants et homogènes (c'est rare), permettent de conclure ce diptyque satisfaisant.
Bien que sans Mico Suayan et Lewis LaRosa, la partie graphique est l'autre force de l'album. Guedes et Braithwaite évoluent dans le registre réaliste, voire ultraréaliste pour le Brésilien, qui choisit la technique de la couleur directe. Il en compense les effets indésirables (l'inévitable aspect figé) avec quelques lignes de mouvement, un travail très réfléchi sur l'expressivité et de la diversité dans les angles de prises de vues. Le style de Braithwaite, plus classique, n'en est pas moins abouti pour autant, notamment au niveau de l'encrage, que le Britannique densifie selon les besoins de ses compositions ; les rendus sont étonnants. Sa mise en page, dynamique, requiert l'emploi fréquent d'inserts et de vignettes de formes biscornues. Limpide, le découpage est impeccable. Enfin, la colorisation garantit les contrastes nécessaires.
Souvent littérale, la traduction de Mathieu Auverdin est honnête - malgré deux fautes de concordance des temps et une de mode ; le français de la préface est bancal.
"Le Livre de l'Apocalypse" est plus intéressant et peut-être plus cohérent que "Le Livre de la vengeance". Si les passionnantes origines de Bloodhound y sont - en grande partie - pour quelque chose, Lemire clôt "Bloodshot Salvation" de façon convaincante, malgré les questions restées en suspens et un projet Omen mou du genou.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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Bloodshot, Jessie, Magic, Omen, Rampage, Baron Samedi, Jeff Lemire, Renato Guedes, Doug Braithwaite, Jordie Bellaire, Valiant Comics, Bliss Comics
Incroyable mais vrai : j'ai mis moins d'étoiles que toi pour ces épisodes, seulement 3.
RépondreSupprimerL'incroyable #9 : ça m'a fait penser à l'épisode 6 d'Alpha Flight de John Byrne, mais en moins convaincant.
Les questions restées en suspens : un peu frustrant.
Mon avis en synthétique.
Pour les épisodes 6 à 9 : Jeff Lemire semble disposer de plusieurs idées pour alimenter cette saison. Ladite série bénéficie d'excellents artistes, avec des pages magnifiques de Renato Guedes, à l'exception de l'épisode 7 tout en pages noires pour une tentative pas convaincante. Le scénariste apporte plusieurs idées nouvelles comme le voyage dans Deadside et les origines de Bloodhound, mais l'exécution narrative laisse un peu à désirer, pêchant du fait de personnages au caractère pas assez étoffé.
Pour les épisodes 10 à 12 : L'attente du lecteur est assez élevée puisqu'il attend de Jeff Lemire qu'il apporte une conclusion à ses différentes intrigues. Il en ressort un peu déçu, à la fois par les intrigues secondaires qui disparaissent en cours de route, et par l'intrigue principale qui joue sur un voyage temporel peu convaincant, et qui ressemble plus à un prologue plein de promesses qu'à une histoire complète. Doug Braithwaite réalise des planches dans lesquelles il s'est impliqué, avec de belles pages d'action, et des pages de dialogues plus convenues, toutes superbement rehaussées par la mise en couleurs de Jordie Belaire.
Moins d'étoiles - Effectivement, c'est assez rare pour le souligner.
SupprimerDe ce que je retiens de ton avis, j'ai l'impression que nous sommes en phase sur plusieurs points, dont les intrigues secondaires qui disparaissent en cours de route. Mais le ressenti a été plus positif pour moi ; j'ai d'ailleurs lu cet album trois fois à plusieurs semaines, voire plusieurs mois d'intervalle, et je ne me voyais pas attribuer moins de quatre étoiles. En revanche, j'admets que l'impact de la lecture des origines de Bloodhound s'est amenuisé au fil des lectures. Cela étant, j'ai adoré que Lemire imagine ses racines pendant la Première Guerre mondiale.