mardi 19 septembre 2023

Durango (tome 16) : "Le Crépuscule du vautour" (Soleil ; décembre 2012)

Intitulé "Le Crépuscule du vautour", cet ouvrage est le seizième "Durango" : la série de western spaghetti créée en 1981 par Yves Swolfs, connu également pour "Dampierre", "Légende", "Le Prince de la nuit", etc. "Durango" fut d'abord publié par Les Archers puis par Dargaud, Alpen Publishers, Les Humanoïdes associés, et enfin par Soleil - groupe Delcourt - depuis 2003. La maison continue la publication et a réédité la somme. Sorti en décembre 2012, "Le Crépuscule" est un album de dimensions 30,0 × 23,0 centimètres relié, avec couverture cartonnée ; il compte cinquante planches qui sont toutes en couleurs. 
Swolfs - qui se concentre sur le scénario depuis "Un pas vers l'enfer" (le tome nº14) - écrit donc "Le Crépuscule du vautour". La partie graphique a été produite par le Savoyard Thierry Girod. Girod s'était déjà essayé au western avec "Wanted" (1995-2004). La mise en couleurs est composée par Jocelyne Charrance, artiste qui avait, elle aussi, travaillé sur "Wanted"

Précédemment, dans "Durango" : Durango abat El Cobra, lors d'un duel. Il choisit de laisser la vie sauve à William Lawrence, qui se réjouit de revoir Mary. Notre pistolero, lui, continue son itinéraire ; direction Bridge Port pour trouver Steiner. 
En Californie, la campagne électorale pour le poste de gouverneur bat son plein : les élections ont lieu dans trois semaines. L'un des candidats tient son discours devant des habitants d'une ville où il s'est arrêté. Il regrette les "basses allégations" de ses adversaires et souligne qu'il demeure un "fervent défenseur" des valeurs fondatrices de la nation : celles qui "animaient le cœur des pionniers", dont "l'esprit de conquête et d'entreprise" a participé à l'édification de ce pays en grande puissance économique. L'orateur évoque la nécessité de "construire un monde meilleur et réellement civilisé" et le "respect de l'être humain". Il se remémore le "prix exorbitant" payé par la nation pour l'abolition de l'esclavage. Il insiste : l'esclavage ne doit au grand jamais renaître par "l'exploitation éhontée de la misère de populations nouvelles" issues d'Asie ou d'Europe... 

Dernier tome du triptyque, le second de la série. Il est un peu plus long que les autres : quatre planches de plus. Comme les deux volets précédents, il ne laisse pas de souvenir impérissable. Bien que cela n'engendre pas d'ennui véritable, la construction de cette histoire longue et ambitieuse est parfois terriblement linéaire : Durango se rend de bourgade en bourgade et liquide ses ennemis les uns après les autres, jusqu'à la confrontation finale avec Steiner. Le vautour, c'est lui. À la lecture du titre, aucun doute ne subsiste quant à ce qu'il lui arrive. Passons sur la caractérisation de Steiner franchement convenue : sous son allure fluette, il s'agit bien d'un ogre et il est sans nuances. Mais il y a comme un vent d'humanisme qui souffle sur la trilogie. Dans "El Cobra", Durango n'avait pas exécuté Lawrence et là l'album commence par le discours lyrique d'un candidat et par la suite avec une réflexion sur le dilemme entre expansion territoriale et respect des populations autochtones. Les Amérindiens n'arrivent-ils pas un peu tard, dans "Durango" ? Ce n'est pas la première fois que Swolfs les y invite, mais ici la survivance de leur culture et de leur mode de vie occupe une part centrale dans le scénario ; quand Durango tente de se glisser dans la peau de Blueberry... Swolfs, s'éloignant encore un peu plus du western spaghetti, s'ouvre à d'autres questions ; notamment concernant les notions de progrès (que signifie-t-il et pour qui) et de propriété territoriale. L'auteur ne tourne pour autant pas le dos aux conventions du genre : fusillades et scènes d'action sont nombreuses et diablement efficaces. L'intrigue étant un brin alambiquée, le lecteur devra différencier les protagonistes (importants ou pas) et identifier les niveaux de pouvoir dès le début sous peine de rester dans le flou jusqu'au bout. En outre, il y a là quelques éléments qui auraient mérité un développement. Par exemple il n'y a pas d'enquête après l'assassinat du candidat et Durango n'est plus ennuyé par les lyncheurs qui voulaient le corriger. Pour terminer, le dénouement est trop condensé : cela tranche avec la longueur et l'ambition du cycle et alourdit cette fin précipitée d'un rendu bancal. 
Il s'agit ici de la dernière coopération du trio Swolfs - Girod - Charrance, un nouveau dessinateur entrant en scène à partir du tome suivant. La raison de cette décision est inconnue. Serait-elle contractuelle ou financière ? Peut-être Girod, qui n'a pas produit grand-chose depuis, souhaitait-il continuer à exercer, mais sans avoir à subir la pression d'un nouvel album ? Problème relationnel ? Cela n'est que spéculation. Quoi qu'il en soit, "Le Crépuscule du vautour" a les mêmes qualités et défauts que les deux précédents. Avec son drapeau qui flotte au vent et l'approche du cadrage, la première planche est admirable et il y a ce gros travail sur les paysages. Mais notons l'irrégularité des visages et le manque de diversité des physionomies. Le visage inexpressif de Durango et cette absence d'émotions apparentes représentent de plus en plus des obstacles assez dérangeants à l'immersion émotionnelle du lecteur dans ce scénario, voire finissent par le fatiguer du personnage du pistolero au Mauser. 

À l'issue de la lecture du "Crépuscule du vautour", le lecteur pourra avoir le sentiment que le meilleur de "Durango" est derrière lui, désormais ; à une partie graphique partiellement convaincante s'ajoutent des intrigues creusées, mais qui s'éloignent du propos du début. Le personnage, lui, perd progressivement de sa substance. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
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Durango, Windbird, Steiner, Lavanski, Shakti, WashosShoshones, Yves Swolfs, Thierry Girod, Jocelyne Charrance, Soleil

4 commentaires:

  1. Une critique désenchantée : il ne laisse pas de souvenir impérissable, quand Durango tente de se glisser dans la peau de Blueberry..., l'ambition du cycle et alourdit cette fin précipitée d'un rendu bancal, l'irrégularité des visages et le manque de diversité des physionomies, le visage inexpressif de Durango, le personnage perd progressivement de sa substance. Hé ben quel constat.

    Ta conclusion met en lumière l'éloignement progressif de la série (tant le scénario, que maintenant les dessins) de ses débuts, visiblement pas dans la direction qui faisait sa saveur propre. Tu jettes l'éponge ?

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    1. Ce triptyque m'aura déçu, c'est sûr. Je crois que Swolfs voulait concevoir des intrigues plus fouillées, plus sophistiquées, et sortir du la rengaine crime-châtiment, sur laquelle les trois premiers tomes (et d'autres) étaient construits.

      Ce n'est pas suffisamment mauvais pour que je jette l'éponge, même si ces trois étoiles penchent vers les deux plus que vers les quatre. Pour cause : le changement de dessinateur. Au tome 17, Swolfs fait appel aux services d'un dessinateur italien, Iko, et j'ai bien l'impression de voir ce que cela donne. Et puis bon ; il ne me reste que deux tomes, alors... Et s'il y en un autre, ça ne sera sans doute pas avant 2025.

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    2. Et Durango la jeunesse, dont le tome 2 sort le 04/10/23 ?

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    3. Ah, non, les séries dérivées sont un piège dans lequel je préfère ne pas tomber. J'avais commencé "Les Mondes de Thorgal" (il y a déjà vingt-six tomes), et puis j'avais abandonné. Pour être logique, je devrais alors lire "La Jeunesse de Blueberry" ; remarque, les trois premiers tomes sont signés Charlier - Giraud. Pour en revenir à "Durango : La jeunesse", je vois que ce n'est pas Swolfs qui dessine. Il y a déjà deux tomes. Ça m'étonnerait que je la lise.

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