lundi 9 octobre 2023

Ghost Rider (tome 4) : "Johnny Blaze, de vie à trépas" (Panini Comics ; janvier 2008)

Sorti en janvier 2008 chez Panini Comics France, dans la collection "100% Marvel" de l'éditeur, "Johnny Blaze, de vie à trépas" est le tome quatre d'une série de sept, qui inclut les quatrième et cinquième saisons éditoriales de "Ghost Rider", quelques épisodes de la sixième ainsi que la mini-série "Ghost Rider: Trail of Tears". "Johnny Blaze, de vie à trépas" contient les versions françaises des "Ghost Rider" #6-11 (de février à juillet 2007). Ce recueil broché (de dimensions 26,0 × 17,3 cm) compte approximativement cent trente-trois planches en couleurs. Bonus : les couvertures de l'édition version originale et de courtes bios des artistes. 
Daniel Way a écrit tous les épisodes ; chez Marvel, il a travaillé sur des franchises telles que "Deadpool" ou "Wolverine". Les #6-7 sont crayonnés et encrés par Richard Corben (1940-2020), dessinateur légendaire couvert de prixParmi ses œuvres, citons "Den" et "Bloodstar". José Villarubia élabore la mise en couleurs de ses planches. Puis c'est Javier Saltares qui réalise les crayonnés des #8-11. Leur encrage a été confié à Mark Texeira. Et enfin, c'est Dan Brown qui a élaboré la mise en couleurs du second arc. 

Précédemment, dans "Ghost Rider" : le Motard fantôme retrouve Lucifer au cirque Quentin. Alors que le diable le force à revenir sur les événements douloureux de son existence, il réussit à le renvoyer en enfer en provoquant une explosion tonitruante. 
Quelque part aux États-Unis au bord d'une rivière. Pendant qu'un chœur de croyants chante "Study War No More", de Pete Seeger (1919-2014), le prêtre officiant invite un jeune chrétien de l'assemblée à se faire baptiser par immersion. Le garçon s'avance, les doigts entrelacés dans une attitude de recueillement. Le prêtre le soutient, lui pince le nez et le plonge dans la rivière. Mais il y laisse son ouaille trop longtemps : celle-ci se débat, l'oxygène venant à manquer. Visiblement désemparé, l'homme de Dieu (sans lâcher prise) demande ce qu'il doit faire. Lorsque l'un des croyants s'offusque, il rétorque qu'il est nouveau et devrait s'améliorer avec la pratique, puis appelle le suivant en souriant. Mais soudain surgit le Motard fantôme : il vient de démasquer Lucifer... 

Le contenu de cet album s'intègre de façon assez lâche dans la continuité ; en gros, le lecteur peut les lire sans être perdu s'il ignore ce qui s'est passé précédemment. Il propose deux arcs, "Un prix d'enfer" ("Hell to Pay" en version originale) et "La Légende de Sleepy Hollow, Illinois" ("The Legend of Sleepy Hollow, Illinois"), le second, en quatre numéros, constituant le plat de résistance. Dans les deux histoires, Way conte l'éternel combat entre le Motard fantôme et Lucifer. L'intérêt scénaristique du premier arc est qu'il ne se limite pas à un baston entre nos deux antagonistes. Way utilise l'analepse pour revenir sur une page de la vie de Johnny Blaze et le présente comme un motard itinérant, un peu vagabond, qui, malgré la nature de son ennemi juré, n'a pas conscience d'être pris dans les luttes de pouvoirs auxquelles se livrent des entités supérieures ; c'est un traitement intéressant, qui peut rappeler la série télévisée "L'Incroyable Hulk" (pour ne piocher que dans le catalogue Marvel) et bien d'autres, le personnage du vagabond-héros ou antihéros étant un thème aussi fréquent qu'important dans la culture nord-américaine. Le second arc est de construction classique, sa narration se focalisant sur le présent. Lointainement basé sur la nouvelle de Washington Irving (1783-1859), il fait revenir, sous l'emprise de la possession, Jack O' Lantern, un super-méchant qui avait été abattu par le Punisher dans le "Punisher War Journal" #1 (janvier 2007). Way conçoit une série B typique dans laquelle le Motard fantôme se retrouve à opérer en binôme avec un vétéran de la police, vieux briscard fort en gueule qui ne craint pas grand-chose et se pose là dans le genre dur à cuire ! Malgré l'antipathie que suscite, au premier abord, ce bonhomme brut et fruste, le duo est aussi inattendu qu'il fonctionne bien, d'autant que Way évite de tomber dans le piège d'un sentimentalisme contradictoire et déplacé lors de sa conclusion. Pour clôturer : deux histoires du Motard fantôme qui n'ont rien de cérébral, mais qui sont musclées, rythmées, toniques et non dénuées d'humour, avec un aspect noir accentué dans la première et un côté série B assumé dans la seconde. 
La rupture entre le style de Corben et celui de Saltares est particulièrement accusée ; cela n'est pas vraiment gênant, car les deux arcs sont distinctement séparés. Le lecteur reconnaît immédiatement le coup de crayon de Corben, ces têtes légèrement disproportionnées, les visages dont les expressions sont très travaillées, l'encrage dont la précision force l'admiration, ainsi que l'importance accordée au détail, bien qu'ici les arrière-plans soient parfois négligés ou rationalisés par une simple couche de couleur plus ou moins unie. Saltares tranche, avec un trait réaliste caractérisé par son côté spectaculaire (quel Ghost Rider !) que viennent ponctuer des contrastes très appuyés (sans doute trop, d'ailleurs) entre les zones d'ombre et une lumière souvent crue. Froide et terne, la mise en couleurs de Brown ne convaincra pas. 
La traduction est confiée à Laurence Belingard. Une fois n'est pas coutume, son travail est irréprochable. Le texte est impeccable : il ne comprend ni faute ni coquille.

Way et ses équipes continuent sur "Ghost Rider" leur run efficace, effréné et généreux en humour noir - bien que ces intrigues ne soient guère originales ou novatrices. Pour une raison que j'ignore, Panini Comics France ne publiera pas les derniers épisodes de Way (#12-19) et sautera directement à ceux de Jason Aaron (#20-35). 

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

Ghost Rider, Johnny Blaze, Lucifer, Clay, Bedelstraum, Shérif Harry O'Connor, Jack O'Lantern, Daniel Way, Richard Corben, Javier Saltares, Mark Texeira, Dan Brown, Marvel

4 commentaires:

  1. Un motard itinérant, un peu vagabond […] un thème aussi fréquent qu'important dans la culture nord-américaine : une figure de l'ouest américain qui donnera naissance, entre autres, au clochard céleste.

    Deux histoires du Motard fantôme qui n'ont rien de cérébral, mais qui sont musclées, rythmées, toniques et non dénuées d'humour : tu le vends bien, je sens une pointe de regret et de tentation naître en moi.

    Le lecteur reconnaît immédiatement le coup de crayon de Corben : après toutes ces décennies passées depuis que j'ai découvert Den (première époque) publié par Métal Hurlant, je reconnais toujours immédiatement son coup de crayon, et je ne connais personne qui ait tenté de dessiner dans un registre proche.

    Arrière-plans soient parfois négligés : entièrement d'accord, je pense que ça vient de l'époque où il dessinait tout à l'aérographe (années 1970, début des années 1980) et qu'il réalisait des camaïeux sophistiqués pour rendre compte de l'ambiance ou passer en mode expressionniste.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le coup de crayon de Corben - C'est exact, moi non plus je ne connais personne qui ait tenté de reproduire son style. Au-delà des réponses toutes trouvées, je me demande bien pourquoi, d'ailleurs. Pourquoi certains artistes créent des émules à n'en plus finir (par exemple, Mignola) alors que l'influence d'autres, sans en douter, à une portée moins directe, moins évidente, car elle n'a pas créé d'émules aisément identifiables (Colan, Corben).

      L'aérographe - J'ai lu en effet que Corben dessinait à l'aérographe. Veux-tu dire que c'est une technique qu'il n'utilise plus depuis le début des années 1980 ? Quelle technique utilisait-il en fin de carrière, alors ?

      Supprimer
    2. L'aérographe : de ce que j'ai compris c'est un outil assez contraignant qui exige un nettoyage rigoureux et fastidieux après chaque usage.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/A%C3%A9rographe

      Concernant la carrière de Richard Corben, on peut distinguer plusieurs époques.

      - Une phase underground fin des années 1960, années 1970, suivi par des histoires courtes dans des anthologies comme Creepy, Eerie, Vampirella, 1984, sa participation à Heavy Metal, et la parution de Den, Bloodstar.

      - Une phase d'autoédition avec sa propre maison appelée Fantagor Press de 1986 à 1994, et un passage progressif au noir & blanc, je présume pour des raisons économiques, l'impression en couleurs rendant les comics plus chers à produire, et donc à la vente.

      - Un retour aux comics en 2000, avec Hellblazer, The house on the borderland pour DC Comics, puis passage chez Marvel (Banner, Cage, Punisher, Ghost Rider, Starr the slayer, adaptations de nouvelles d'Edgar Alan Poe et de HP Lovecraft), puis chez Dark Horse avec les pages consacrées à Connacht, le grand-père de Conan.

      - Un retour à des comics indépendants dont il conserve les droits, essentiellement publiés par Dark Horse Comics, par exemple Spirit of the dead, Shadows on the grave, Rat god, Ragemoor, et quelques histoires pour Hellboy, une pour la franchise Alien, pour Buffy. Dark Horse a également réalisé des rééditions de ses anciennes œuvres pour Creepy et Eerie, et récemment les deux premières saisons de Den.

      Pour son retour dans les années 2000 chez DC et Marvel, il confiait la mise en couleurs à d'autres si ma mémoire est bonne. Pour ses propres œuvres, il me semble qu'il était passé au numérique, mais je n'arrive pas à retrouver l'article où j'ai lu ça.

      Pour un peu plus de détails sur les innovations de mise en couleurs et d'amélioration des techniques d'impression de Richard Corben :

      https://www.youtube.com/watch?v=EiHlsAqNYNw

      Supprimer
    3. Merci pour toutes ces informations.

      Supprimer