jeudi 7 décembre 2023

"Les Gardiens de Terre-4" (Urban Comics ; décembre 2017)

Intitulé "Les Gardiens de Terre-4", cet ouvrage a été publié en décembre 2017, dans la collection "DC Archives" d'Urban Comics. Il comprend les versions françaises des "Captain Atom" #83-86 (de novembre 1966 à juin 1967) dans leur intégralité, des histoires du seul Captain Atom tirées des "Captain Atom" #87-89 (août à décembre 1967), des "Blue Beetle" (du volume 5) #1-5 (de juin 1967 à novembre 1968), du "Mysterious Suspense" (d'octobre 1968), du "Blue Beetle" #6 - paru dans les #9-10 d'un fanzine, "The Charlton Portfolio" -, des aventures de Captain Atom extraites des "Charlton Bullseye" #1-2 (de 1975) et d'une enquête de la Question issue du "Charlton Bullseye" #5 (de juillet 1976). Cet épais volume relié (de dimensions 19,0 × 28,5 cm ; couverture cartonnée) compte trois cent cinquante-quatre planches (sans les couvertures des périodiques) en couleurs à l'exception des vingt-neuf dernières, en noir et blanc. À une préface (deux pages) non signée s'ajoute une postface illustrée (quatre) de Dick Giordano (1932-2010). 
Les "Captain Atom" sont coécrits par Steve Ditko (1927-2018) et David Kaler. Ditko réalise les crayonnés. Rocke Mastroserio (1927-1968) ou Frank McLaughlin (1935-2020) encrent. Le périodique "Blue Beetle" (qui inclut les séries "Blue Beetle" et "The Question") est écrit par Ditko, avec Gary Friedrich (1943-2018) ou Steve Skeates (1943-2023) ; Ditko en compose les dessins. Le nom de D. C. Glanzman - le frère de Sam - apparaît aux crédits, mais D. C. n'a rien écrit ; il servit de prête-nom à la demande de Giordano, car Ditko ne souhaitait pas être crédité comme scénariste (semble-t-il). Les "Bullseye" #1-2 sont écrits par Roger Stern, crayonnés par Ditko, encrés par John Byrne. Et enfin, le #5 a été coécrit par Stern et Michael Uslan, et dessiné par Alex Toth (1928-2006). 

États-Unis, à la fin des années 1960, à une exposition de prototypes aéronautiques. Deux militaires de l'US Air Force - le capitaine Allen Adam et son camarade Gunner - observent un homme dont le comportement leur semble suspect. Adam en est sûr : ce type est le professeur Koste. Il l'avait congédié par mesure de sécurité et il n'est pas rassuré à l'idée de le voir à cet événement... 

Une excellente initiative que ce recueil d'histoires des justiciers de Charlton Comics, dont la plupart furent rachetés par DC Comics en 1983. Beaucoup sont inédites et les autres n'avaient plus été éditées depuis Arédit et le début des années 1970. Les gardiens en question sont Captain Atom, Blue Beetle et la Question : trois héros qui eurent leur moment de gloire et que les amateurs connaissent surtout dans leur version moderne, mais ces personnages des années 1960 sont étonnants. Captain Atom s'inscrit dans la tradition des super-héros de science-fiction de cette époque ; il reflète également la peur du nucléaire, en témoigne l'angoisse causée par la déchirure de sa combinaison (confer le #83). En face de lui, des espions et des criminels costumés, tels que le Fantôme, Punch et Jewelee (appelés Poli et Chinelle dans d'autres ouvrages, incohérence de l'éditeur français), le Glacier de feu ("Fiery Icer"), Numéro 13 ("Thirteen") ou encore des insectes géants sur une autre planète. Captain Atom s'associe parfois avec Eve Eden, alias Nightshade. Le scientifique Ted Kord est Blue Beetle : un justicier urbain qui survole la ville fictive de Crown City dans le Bug, son scarabée volant automatisé. Véritable teigne en corps-à-corps, combattant explosif, d'une résistance et d'une agilité supérieures, il n'hésite pas à s'attaquer seul à une demi-douzaine de malfrats, toujours avec humour ; toute ressemblance avec un personnage existant n'est pas fortuite et n'est pas le fruit d'une pure coïncidence. Dans le #3, Ditko crée les Madmen. Nul doute qu'ils l'inspirèrent pour le Creeper ("Showcase" #73, avril 1968). La Question est le plus captivant. Derrière le masque, Vic Sage est un incorruptible intransigeant, élevé à l'objectivisme d'Ayn Rand (1905-1982), comme Ditko ; ennemi de la médiocrité, des intrigues et de la faiblesse morale, Sage méprise ouvertement l'adversaire et n'est pas étouffé par le remords. Dans ses récits de fin 1968, Ditko donne un avis bavard sur la nature du vrai héros, mais aussi sur les médiocres, les progressistes et les contestataires : ignorants, pédants hantés par l'échec et braillards puérils aux faciès grotesques. Effet détonnant garanti. 
S'il a lu les premiers "Spider-Man", le lecteur reconnectera rapidement son cerveau au style de Ditko. Ce coup de crayon résolument ancré dans les années 1960, plutôt net, propre et très lisible, les effets visuels suggestifs (la scène du réacteur dans le #83 de "Captain Atom" pourra rappeler certains grands épisodes du docteur Strange période "Strange Tales"), sa mise en page classique et ce niveau de détail variable, mais globalement satisfaisant. Le trait de l'artiste se caractérise aussi par un travail notable sur les expressions, notamment celle de la souffrance et de l'effort, qu'il soit physique ou mental (idem, ainsi que ce combat contre Bras-de-Fer - "Iron Arms" - dans le #84 de "Captain Atom"). Le maillage serré des planches (jusqu'à dix) ne permet pas de compositions plus amples, les pleines pages étant fonctionnelles. 
La traduction a été effectuée par Tristan Lapoussière : il n'y a rien à redireLe résultat est irréprochable et exemplaire : son texte est soigné et sans faute ni coquille.

Ces récits choisis de justiciers masqués lors de leur période pré-DC Comics présentent d'abord une valeur documentaire. Si certains sont bien ficelés (dont ceux avec la Question), ils témoignent aussi d'une époque à laquelle Charlton incarnait l'alternative à Marvel et DC Comics. Enfin, le livre apporte un autre éclairage sur Ditko. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

Captain Atom, Capitaine Allen Adam, Nightshade, Le Fantôme, Punch et Jewelee, Le Glacier de feu, Numéro 13, Blue Beetle, Ted Kord, Les Madmen, La Question, Vic Sage, Charlton Comics

2 commentaires:

  1. Je n'ai pas lu ces épisodes, et je me mords encore les doigts d'avoir raté les rééditions de The Question qui ne sont plus disponibles depuis quelques années maintenant. Je n'ai connu Captain Atom, Blue Beetle et Nightshade que dans leur version post Crisis on infinite Earths, en particulier dans Justice League pour les deux premiers, et Suicide Squad pour la troisième.

    Ce n'est que progressivement que j'ai appris que ces personnages provenaient d'un autre éditeur, et qu'ils avaient été rénovés. Puis ce fut la surprise de découvrir que les personnages de Watchmen étaient des décalques des héros Charlton dont les éditeurs de DC avaient autorisé l'utilisation à Alan Moore, avant de changer d'avis. Ce qui a donné une séquence inoubliable quand Vic Sage (Question version Dennis O'Neil) décide d'acheter un recueil Watchmen dans un aéroport pour lire durant le vol, et qu'il donne son avis sur le personnage de Walter Joseph Kovacs.

    Pour mon grand plaisir, j'avais pu mettre la main sur le recueil d'une création ultérieure de Steve Ditko : The Creeper.

    https://www.babelio.com/livres/Ditko-The-Creeper/727617/critiques/830385

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    1. J'aimerais avoir d'autres histoires de la Question en VF. Mais bon, n'en demandons pas trop, c'est déjà presque miraculeux qu'Urban Comics ait publié ces numéros.

      Concernant Rorschach, d'après ce que je lis sur Wikipédia, il était peut-être d'abord basé sur le personnage de Mr. A, mais c'est le même personnage, à peu près. Mr. A était lui aussi très inspiré par l'objectivisme. Je me demande si c'est cette influence de droite qui a poussé Moore (qui est de gauche) à faire de Rorschach un sociopathe.

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