mardi 23 janvier 2024

Detective Comics (tome 2) : "Le Syndicat des victimes" (Urban Comics ; janvier 2018)

Intitulé "Le Syndicat des victimes", cet album est le deuxième des sept numéros de la version française du "Detective Comics" du "Rebirth". Ce "Rebirth", lancé en 2016, inaugure une nouvelle période éditoriale du titre, qui succède ainsi aux "New 52" (second volume : 2011 à 2016), connus en France en tant que "Renaissance DC". Ce tome comprend les versions françaises des "Detective Comics" #943-949 (décembre 2016 à mars 2017) : l'éditeur parisien l'a publié en janvier 2018, dans sa collection "DC Rebirth". Ce recueil relié (de dimensions 18,7 × 28,2 centimètres, couverture cartonnée) compte exactement cent quarante planches (toutes en couleurs), sept pages de variantes de couvertures signées Rafael Albuquerque et de courtes bios des auteurs et artistes. 
Les scénarios de ces sept numéros ont tous été écrits par James Tynion IV ; il cosigne les deux derniers avec Marguerite Bennett. Il n'y a pas d'équipe artistique titulaire. Se succèdent, parfois au sein d'un même numéro : Álvaro Martínez Bueno, Eddy Barrows, Al Barrionuevo, Carmen Carnero, Ben Oliver et Szymon Kudranski. Les encreurs sont les suivants, Raúl Fernández, Eber Ferreira, Scott Hanna et Julio Ferreira ; pour terminer, Brad Anderson, Adriano Lucas et Gabe Eltaeb composent la mise en couleurs. 

Précédemment, dans "Detective Comics" : Tandis que Batman et ses coéquipiers le croient mort, Red Robin est téléporté dans un endroit inconnu et se retrouve enfermé en cellule. Un étrange geôlier l'accueille, mais il reste aussi évasif que mystérieux. 
À Gotham City, dans le hall d'entrée de Wayne Enterprises. L'endroit est vide ; des rubans jaunes de la police délimitent la scène de crime. Un grand tag rouge sur le pan de mur derrière la réception : "Plus de Batman". Batwoman et Renee Montoya observent le graffiti. Batwoman s'interroge sur ce qu'il s'est passé ; pour Montoya, c'est "toute la question". Elle retrace les évènements de façon chronologique grâce à l'enregistrement de vidéosurveillance ; à 20h17, Lucius Fox - PDG de Wayne Enterprises - entre dans le bâtiment. Il explique par téléphone la pertinence d'un projet de reconstruction de Gotham à Vicki Vale, une journaliste... 

Ce second tome est réussi. Tynion place l'esprit d'équipe de la Bat-Famille et les conséquences de la croisade de Batman sur le citoyen ordinaire au centre du scénario. Batman, ses alliés les plus proches, la façon dont ils fonctionnent ensemble, et les frictions et conflits que cela peut impliquer constituent des thèmes intéressants qui ont déjà été le sujet de nombreuses histoires de la franchise. Tynion, ici, exploite donc un sujet qui a déjà été développé par d'autres auteurs dans le passé (l'exemple le plus récent est sans doute "Le Deuil de la famille", de Scott Snyder). Il faut reconnaître qu'il s'y prend bien et que le résultat est convaincant. Il profite du contexte, c'est-à-dire les recrues récentes, entre lesquelles les liens s'avèrent difficiles à tisser. Ensuite, la rébellion ne vient pas du personnage le plus prévisible et elle n'évolue pas de manière attendue, c'est-à-dire que plutôt que d'opter pour un statuquo, Tynion laisse entrevoir un risque majeur pour Bruce Wayne. Mais c'est surtout le second aspect qui est le plus captivant, les impacts (physiques) de la mission et des interventions de Batman sur les citoyens ordinaires de la mégalopole. Tynion met en scène les plus malchanceux d'entre eux, les victimes collatérales des activités de justicier de l'homme chauve-souris, qui ont voulu s'unir pour punir celui qu'elles accusent de tous les maux alors que lui s'était juré de protéger sa ville et ses habitants. Un reflet déformé de la Bat-Famille sous la forme d'un exercice abouti dans lequel les rôles sont donc inversés. Cela invite le lecteur à la réflexion, car le propos a du sens : vecteur de violence, la croisade du Chevalier noir amène forcément des victimes dans les rangs des innocents. C'est un double échec : certains membres de l'équipe refusent de faire passer la mission avant leurs valeurs personnelles et leurs interventions font du grabuge, les citoyens lambda en faisant les frais. Cet arc est bien ficelé et construit avec méthode. Plus banale, l'intrigue du second (un écho direct au volume précédent) est bien moins séduisante. Enfin, la gestion des intrigues secondaires soulève des questions, car l'intrigue avec Red Robin reste trop en arrière-plan. 
Il est étrange qu'un titre comme "Detective Comics" n'ait pas d'équipe artistique attitrée. Les dessinateurs, que ce soit Bueno ou Barrows, affichent un style ancré dans le réalisme, généralement soigné, efficace et conforme aux standards du genre sans toutefois présenter de grande originalité. De tous les épisodes, c'est certainement celui dessiné par Oliver qui est le plus susceptible de rallier les suffrages, bien que les collègues ne déméritent aucunement, qu'ils soient dessinateurs ou encreurs (car Olivier encre ses crayonnés lui-même, rappelons-le). Quoi qu'il en soit, le Britannique se démarque facilement par l'élégance et la finesse du trait, l'aspect naturel des postures et des expressions, la variété de sa mise en page ainsi que le recours plus fréquent aux très gros plans. Hélas, il n'illustrera plus d'épisodes de ce titre. 
La traduction a été effectuée par Thomas Davier, l'un des meilleurs du circuit. Le résultat est exemplaire, ni faute ni coquille. Détail : traduire "ARGUS" était superflu.

Tynion et son équipe d'artistes nous offrent un chapelet de numéros aussi captivants que convaincants. Lorsque la relation entre Batman et sa ville tourne au désamour puis à la haine. Le premier arc est plus intéressant que le second, certes ; mais dans l'ensemble, la somme constitue un divertissement efficace et satisfaisant. 

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

Batman, Batwoman, Spoiler, Batwing, Orphan, Gueule d'argile, Red Robin, Le Syndicat des victimes, Jacob Kane, La Colonie, Alfred Pennyworth, Dr Leslie Thompkins, Harper Row, Jean-Paul Valley, Renee Montoya, Harvey Bullock, DC Comics

2 commentaires:

  1. Avec le recul, je constate que je garde un excellent souvenir de cette saison.

    L'esprit d'équipe de la Bat-Famille : il m'a fallu deux ou trois tomes pour identifier le mode de construction de chaque arc. j'avais trouvé que cette structure, se focaliser sur un membre différent de l'équipe par arc, fonctionnait très bien.

    Mais c'est surtout le second aspect qui est le plus captivant: les impacts (physiques) de la mission et des interventions de Batman sur les citoyens ordinaires de la mégalopole : 100% d'accord. En découvrant ce thème, je m'étais demandé pourquoi aucun scénariste n'y avait pensé avant, et je m'étais dit que ça devait déjà avoir été fait et que j'avais dû passer à côté.

    Il est étrange qu'un titre comme "Detective Comics" n'ait pas d'équipe artistique attitrée : surprenant, mais d'un autre côté, cela permettait d'avoir un bon niveau de qualité dans chaque numéro. Je ne sais plus si le rythme de parution était bimensuel.

    https://www.babelio.com/livres/Tynion-IV-Batman-Detective-Comics-tome-2--Le-Syndicat-des/1002826/critiques/1514426

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    1. Je crois que nous avons eu la même réflexion : comment se fait-il qu'en plus de 75 ans, aucun scénariste - avant Tynion - n'avait encore pensé à "monter" la ville de Gotham City contre son défenseur ? C'était une réflexion que je me faisais de plus en plus ces derniers temps en lisant du "Batman", en me demandant ce que l'on pouvait encore écrire à son sujet et en essayant d'imaginer de nouvelles intrigues. Eh bien Tynion a fini par mettre tout ça sur papier, et je trouve cela satisfaisant. J'aurais aimé qu'il traite davantage la réaction de l'homme de la rue, ça aurait ajouté du sel ; ça aurait été moins symbolique et ça aurait permis de prolonger d'un ou deux numéros. Mais dans l'ensemble, ça se lit bien. Encore cinq tomes, puisqu'il y en a sept en version française.

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