mercredi 27 mars 2024

"X-O Manowar" : Tome 1 (Bliss Comics ; février 2022)

Cet ouvrage est le premier tome d'un diptyque compilant les neuf numéros de la cinquième saison éditoriale (ou volume) de "X-O Manowar". Paru chez l'éditeur bordelais Bliss Comics en février 2022, l'album comprend les "X-O Manowar" #1-4, sortis entre mars 2020 et janvier 2021 en version originale chez Valiant. Il compte précisément quatre-vingts planches, toutes en couleurs. À la fin de ce recueil viennent s'ajouter douze pages de bonus, dont des variantes de couvertures et des planches en noir et blanc. 
Ces quatre numéros ont été écrits par le scénariste Dennis Hopeless (Dennis Hallum de son vrai nom) ; Hallum s'est fait connaître en travaillant sur plusieurs franchises Marvel de premier plan. Emilio Laiso réalise la partie graphique, crayonnés et encrage. Cet Italien a principalement dessiné sur des titres "Star Wars" (et du Marvel). À la mise en couleurs, l'Irlandaise Ruth Redmond

De nos jours, dans l'espace, non loin de la Terre : X-O Manowar est en pleine intervention. Il doit stopper un vaisseau spatial déjà endommagé qui traîne ses débris dans son sillage. Aric s'inquiète du silence de Shanhara, son armure. Normalement, elle n'arrête "jamais de parler" ; Shanhara rétorque qu'elle avait cru comprendre que son aide "n'était pas nécessaire" lorsque la solution était "évidente". Et si elle a une certitude, c'est qu'Aric peut gérer la situation présente, à savoir un appareil "à moitié délabré", piloté par "un survivant forcené de la flotte vigne souffrant d'un syndrome post-traumatique grave". L'hostile alien vocifère ses ultimes cris de haine, avant d'être expulsé de sa navette, puis carbonisé dans l'explosion de l'engin provoquée par l'assaut d'Aric. Celui-ci continue le dialogue avec Shanhara. Ce silence le déstabilise ; il s'est habitué à l'avoir "dans son oreille". L'armure se rebiffe, elle n'est pas "un podcast". Il veut la convaincre qu'elle est sa partenaire. Mais elle estime que son travail n'est pas de divertir Aric ; il confirme l'importance de ses conseils. Touchée, elle lui demande s'il dit vrai : oui, il est un guerrier du Ve siècle dans une armure "magique". Elle est sa "fidèle conseillère, un puits de connaissance humaine et extraterrestre". Sans elle, il serait aveugle... 

Il est difficile de succéder à Matt Kindt qui, dans la saison précédente, avait emmené Aric de Dacie très loin, au propre comme au figuré. Ici, sans transition, Schon est absente, tout comme le GATE et la réserve wisigothe du Nebraska. Il s'agit donc d'une relecture du personnage qui ne nécessite pas de savoir ce qui s'est passé pendant la période 2017-2019. Hopeless change radicalement de cap et positionne sa vision d'Aric comme celle d'un superhéros plus consensuel, davantage grand public que ses incarnations précédentes. Plus qu'une arme ultime au service d'une agence fédérale, son Aric apparaît comme un type presque normal qui cherche d'abord à trouver sa place au sein de son nouveau voisinage où vit une jeune femme au caractère bien trempé qui élève son fils (adolescent) seule. À partir de là, les interactions entre les différents protagonistes mènent de façon naturelle à une atmosphère plus comique que tragique, en tout cas, nettement plus gentillette. Évidemment, cela se ressent dans la caractérisation du principal intéressé. Aric est présenté comme un justicier dont chaque intervention est synonyme de grabuge ; ce n'est pas la Grande Machine non plus, mais l'esprit n'en est pas loin. Le lecteur ne retrouve pas le côté épique du Wisigoth et les caractérisations lui sembleront surfaciques, voire caricaturales. Un nouvel associé s'impose à Aric : Troy Whitaker, un ersatz mal intentionné de Tony Stark. D'aucuns pourraient affirmer que Hopeless écrit "X-O Manowar" comme du "Iron Man". L'auteur transforme aussi la relation entre Aric et Shanhara en rendant celle-ci plus loquace ; la mise à jour qu'effectue Whitaker la prive de sa dimension sacrée et mystique. En outre, le sérieux du scénario soulève des questions : l'incursion des séparatistes ukrainiens est invraisemblable, dans la mesure où 1) les forces armées nord-américaines sont sans réaction et 2) l'entreprise relève du suicide. Malgré tout, ces épisodes ne sont pas aussi mauvais qu'ils en ont l'air. C'est rythmé, dynamique, fluide et ça se lit sans véritable déplaisir. Il semble que Hopeless soit apprécié pour l'accessibilité de ses intrigues. Il y a effectivement une impression de facilité. 
La partie graphique convient bien au ton du récit. Laiso évolue dans un registre réaliste, mais accentue certaines expressions jusqu'à l'exagération. C'est notamment le cas avec les personnages de Tina Morris et Vlad Yakiov. Le coup de crayon de l'artiste, particulièrement dynamique, se manifeste par une mise en page déstructurée et l'emploi fréquent d'incrustations, de vignettes de formes irrégulières, d'objets sortant des frontières de leur case pour continuer leur action (par exemple, le ballon de basket) et de perspectives inattendues. Comme tout artiste de comics, Laiso a appris à doser le détail avec efficacité. Il faut également rendre hommage à la lisibilité du découpage et la clarté des compositions. Hélas, si son trait est efficace et soigné, il est peu novateur. Enfin, les couleurs apportent les contrastes nécessaires. 
La traduction a été effectuée par Florent Degletagne, qui est aussi l'éditeur. Le résultat est exemplaire et le travail sur le texte est irréprochable : ni faute ni coquille.

Un nouvel "X-O Manowar", ça ne se refuse pas - surtout vu les difficultés qu'a subies Valiant Comics. Cet arc ne peut aucunement rivaliser avec les volumes précédents, mais si le lecteur est attaché à ce personnage, il consentira à lire la suite, bien qu'il sache déjà que ces épisodes-là ne lui laisseront pas un souvenir impérissable. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
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X-O Manowar, Aric de Dacie, Shanhara, Troy Whitaker, Tina Morris, Desmond Morris, Vlad Yakiov, Valiant Comics

2 commentaires:

  1. Dennis Hopeless : un scénariste sympathique, un bon artisan. J'avais apprécié Avengers Arena et Avengers Undercover. Mais, comme tu l'indiques, passer après Matt Kindt présente le risque de paraître fade.

    Du coup, ça me fait plaisir de pouvoir prendre des nouvelles de ce personnage par le biais de ton article.

    https://www.babelio.com/livres/Hopeless-Avengers-Arena-tome-1--Kill-or-Die/1108917/critiques/1789724
    https://www.babelio.com/livres/Hopeless-Avengers-Undercover-tome-1--Descent/1118711

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    1. Oui, et le second tome, que je viens de commencer, n'est pas forcément meilleur.

      J'espère que les déboires de Valiant Comics ne vont pas signer l'arrêt de cette franchise. Le repreneur du catalogue, Alien Books, annonce du Bloodshot et du Britannia, et il y a aussi un nouvel X-O Manowar, mais je ne sais pas encore comment ces publications vont trouver leur chemin vers la France.

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