mercredi 10 juillet 2019

Blake et Mortimer (tome 22) : "L'Onde Septimus" (Blake et Mortimer ; décembre 2013)

"L'Onde Septimus" est le vingt-deuxième tome des "Aventures de Blake et Mortimer". Cet album de soixante-six planches est sorti en décembre 2013. Dans la continuité du titre que maison d'édition et auteurs essaient d'animer, il se situe entre "La Marque jaune", 1956, et "Le Serment des cinq lords", 2012.
Il a été scénarisé par le Belge Jean Dufaux (sur ce premier album, il succède ainsi à Jean Van Hamme), illustré par Antoine Aubin et Étienne Schréder, mis en couleur par Laurence Croix.

Londres, à l'occasion de la cérémonie officielle d'anniversaire de la reine Elizabeth II, est en pleine effervescence. De l'autre côté de la Tamise, trois hommes, l'officier de police McFarlane, le banquier Oscar Balley, et le professeur Evangely, et une femme, Lady Rowana, une mondaine, portent un toast à la mémoire du professeur Septimus, leur "guide", dans un entrepôt du quartier de Southwark. Le scientifique saisit un carton à chapeau et le tend à McFarlane, car c'est lui qui a eu l'idée de ressusciter la mémoire de Septimus. Ému, McFarlane ôte le couvercle et brandit son présent : le disque frontal qui permettait à Septimus de dompter la volonté de ses cobayes ! Une relique dérobée au Psychiatric Institute. Il y a eu des évolutions, depuis les travaux de Septimus ; l'ex-psychiatre souhaite que science et progrès avancent sans avoir à se préoccuper de considérations humanistes. Mais pour cela, il leur faut un nouveau cobaye. Une personne comme le colonel Olrik, qui s'était avéré le "Guinea Pig" idéal. Songeur, Evangely se demande ce que le renégat est devenu. Plus tard, dans l'ancien quartier chinois de Limehouse. Dans l'arrière-boutique d'un restaurant chinois est dissimulée une fumerie d'opium. La maîtresse des lieux, Lilly Sing, épie une scène entre le docteur Tuog et un Olrik fiévreux, encore traumatisé par son expérience récente en tant que "Guinea Pig". Le scélérat ne tient le coup que grâce aux injections de morphine de son médecin, qui sont régulières, mais de plus en plus fréquentes...

Les événements de "L'Onde Septimus" se déroulent en juin 1953. Le propos de départ est intrigant ; quatre notables (un scientifique, un officier de police, un banquier, et une aristocrate) souhaitent reprendre les expériences de Septimus et utiliser le télécéphaloscope à leurs fins. Pour son premier album de la série, Dufaux voit grand en imaginant une suite à "La Marque jaune". Hélas, malgré des idées intéressantes (dont Olrik dépendant à la drogue), le résultat n'est pas à la hauteur de l'ambition. Son récit, prometteur au début, sombre rapidement dans un drame spectaculaire de grande ampleur mêlant science-fiction et surréalisme. Le scénariste propose une histoire linéaire qui brasse hommage indigeste à l'œuvre de départ et son géniteur (la "réalité" s'invite dans la fiction sans subtilité : livre signé E. P. Jacobs en vitrine, pièce de théâtre d'Edgar P. Jacobs), références cinématographiques (les plus évidentes sont "Nosferatu le vampire", de Friedrich Wilhelm Murnau, 1922, et "Matrix Reloaded", des Wachowski, 2003), à la science-fiction des années cinquante et à celle d'H. G. Wells (1866-1946) et sa "Guerre des mondes" (1898), et ces clins d'œil appuyés au peintre René Magritte (avalanche de chapeaux melon et de parapluies), qui confirment le belgicanisme annoncé en préface. Dufaux se disperse, compresse sa narration (le secret autour du vaisseau spatial et la manière dont il est révélé sont expédiés), et ne résout aucune sous-intrigue de façon satisfaisante, laissant plusieurs questions en suspens. La partie graphique subit la même dégradation au fil des planches. Des dessinateurs ayant œuvré sur le titre, Aubin (il avait effectué un travail remarquable sur "La Porte d'Orphée") et Schréder sont, avec Ted Benoit (1947-2016), ceux qui se sont le plus approchés du trait du maître. Les personnages sont magnifiquement "restitués", au point que le lecteur pourra se demander si l'artiste n'a pas sélectionné des portraits ou des postures dans les albums de Jacobs pour les reproduire dans le contexte de celui-ci - sensation de déjà-vu. Le découpage est impeccable. Aubin rencontra des difficultés techniques lors de la réalisation du tome et appela Schéder à la rescousse. Malgré cela, les planches du dernier tiers ne sont pas suffisamment finies - c'est visible sur les visages des protagonistes - et laissent deviner que les artistes se sont hâtés. La mise en couleur de Croix est fade.

Malgré un premier tiers intéressant, "L'Onde Septimus" est une aventure où l'équipe artistique s'est égarée, et produit une bande dessinée qui tient plus de l'hommage à l'œuvre de Magritte et ses côtés absurdes que d'une histoire de Blake et Mortimer.

Mon verdict : ★★☆☆☆

2 commentaires:

  1. C'est clair : ce n'est pas la peine que je m'intéresse à cet ouvrage de Jean Dufaux. :)

    Tes commentaires montrent à quel point écrire à la manière d'EP Jacobs est un défi, et qu'il ne suffit pas de reproduire ses tics (phrases ou cadrages) pour faire du EP Jacobs.

    Les artistes se sont hâtés. - Cela doit donner lieu à des prises de décision cornélienne : faut-il privilégier la rentrée d'argent telle que prévue dans le planning, ou vaut-il mieux repousser la parution en espérant que le meilleur degré de finition sera susceptible d'améliorer les chiffres de ventre ?

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    1. Imiter le trait de Jacobs semble être un véritable défi. Je pense à Ted Benoit, qui estimait que la série lui prenait trop de temps et qui a fini par jeter l'éponge. Ici, c'est vraisemblablement une situation similaire qu'a rencontrée Antoine Aubin pour avoir fait appel à un confrère.
      Après, je ne sais pas comment ça se passe ; je suppose que l'échéance est discutée avec les artistes. Mais ensuite, quelle est la marge de manœuvre de ces derniers ? De l'éditeur ? Je n'en sais rien.

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