vendredi 5 juillet 2019

Blake et Mortimer (tome 21) : "Le Serment des cinq lords" (Blake et Mortimer ; novembre 2012)

"Le Serment des cinq lords" est le vingt-et-unième tome des "Aventures de Blake et Mortimer". Cet album de soixante-deux planches est sorti en novembre 2012. Dans la continuité de la série que l'éditeur et les auteurs essaient d'instaurer, l'album s'intercale entre "L'Onde Septimus" et "L'Affaire Francis Blake".
Il a été réalisé par la seconde équipe de "repreneurs" : le scénariste Yves Sente et le dessinateur André Juillard, dont les illustrations ont été mises en couleurs par Madeleine De Mille.

Gare de Reading, comté du Berkshire, sud du Royaume-Uni, un soir pluvieux de novembre 1919. Un homme en gabardine attend son train en dégustant une boisson chaude au comptoir du pub, une valise à ses pieds. Un passager volubile entre dans l'établissement ; un autre, coiffé d'une casquette, le suit aussitôt. Le bavard se plaint de la météo, et commande un whisky afin de chasser l'eau "qui s'est infiltrée" dans ses veines. Il remercie ses ancêtres de la création de ce breuvage, qui le remettra d'aplomb pour prendre sa correspondance pour Bristol. Mais le barman l'interrompt ; le train pour Bristol est parti il y a dix minutes, ce qui laisse le temps au client de finir la bouteille en patientant après le prochain, c'est-à-dire demain. Le type peste ; un taxi, il lui faut un taxi ! Sa femme va le tuer ! Le barman lui indique où trouver une cabine téléphonique. L'inconnu à la casquette se baisse discrètement dans leur dos, puis sort tranquillement du pub, une valise à la main, se dirige vers une automobile qui l'attend, et remet le bagage à un homme installé à l'arrière du véhicule. Celui-ci en examine le contenu, une liasse de documents, et remercie son agent. À l'intérieur, tandis que le train pour Londres entre en gare et que le barman invite les voyageurs à régler leurs consommations, le client à la gabardine réalise que son bagage a été dérobé. Le barman tente de le rassurer ; il arrive parfois que des passagers confondent les valises. Paniqué, l'autre se rue vers les quais, mais ne voit personne de suspect...

L'aventure se déroule au début de l'année 1954. Le capitaine Blake doit affronter les fantômes de son passé et faire face aux répercussions des décisions que lui et ses amis avaient prises à l'époque. Sente, s'inspirant peut-être des Cinq de Cambridge (un groupe de Britanniques recrutés par les Soviétiques à l'aube de la Seconde Guerre mondiale pour fins d'espionnage) pour la conception de son intrigue, nous livre un récit passionnant aux nombreuses ramifications, une tragique histoire de vengeance longuement mûrie (dire que c'est un plat qui se mange froid est ici un euphémisme), une énigme policière généreuse en référence aux albums originels ("Le Secret de l'Espadon" ou "Le Mystère de la Grande Pyramide"), en rebondissements, en suspense, et en action. Le scénariste développe, de façon vraisemblable, une partie de la jeunesse de Blake (sa période estudiantine et ses premières armes) ; à cet égard, ce récit fait office de miroir aux "Sarcophages du 6e continent" (de la même équipe artistique), auquel une référence est d'ailleurs faite. Tout fonctionne dans cette terrible histoire talentueusement écrite, qui ne manquera pas de faire penser à l'ambiance des romans d'Agatha Christie. Un point, cependant : il y a cette scène, où le lecteur pourra retrouver ce qui fait les défauts des albums de cet auteur, à savoir les dialogues. Le majordome (planche 23), alors que son employeur est en danger de mort, fait preuve d'un pédantisme incongru en revenant sur le bruit caractéristique de ce fusil de chasse. La partie graphique de Juillard est la seconde réussite de cet album. Bien que son Mortimer ne soit peut-être pas, parmi les dessinateurs de la période post-jacobsienne, le plus "parfait", il a progressé : plus naturel, plus authentique, plus conforme à l'original que dans les autres volumes auxquels l'artiste a contribué. Pour le reste, Juillard parvient à imiter le style du maître de façon franchement satisfaisante ; il faut souligner l'apport de la coloriste, De Mille, qui est indéniablement pour quelque chose dans ce succès. Le travail soigneux et méticuleux de Juillard et son impressionnant sens du détail suscitent l'admiration - surtout lorsque l'on sait qu'il est plus rapide que ses confrères qui ont participé à la reprise de cette série ; toutes les cases sont peaufinées avec un trait consommé et l'ensemble est d'une lisibilité vraiment irréprochable du début à la fin. 

"Le Serment des cinq lords" est une belle réussite scénaristique et graphique, digne d'un excellent roman policier, qui revient sur la jeunesse de Blake et ses débuts tragiques au MI5 et qui (et c'est rare) a l'originalité de ne pas mettre Olrik en scène.

Mon verdict : ★★★★★

5 commentaires:

  1. Enfin un 5 étoiles. :)

    Olric n'est pas de la partie ?

    Je retiens qu'Yves Sente est capable de construire une bonne énigme policière, et qu'il a osé développer la jeunesse de Francis Blake, ce qui doit être un terrain glissant aux yeux des fans de la série. Je suis curieux de savoir ce que la coloriste a apporté au juste aux dessins. Je me souviens d'un article ou deux sur la colorisation d'Hergé, très réfléchie, même si aux yeux du lecteur elle n'apparaissait que comme une simple juxtaposition d'aplats de couleurs unies.

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    1. Concernant les couleurs, ici c'est un peu la même chose, sans doute. Pour moi, c'est un exercice parfaitement réussi de mise en couleur à la franco-belge. Les couleurs sont d'une justesse absolument remarquable, dans les contrastes, le choix des tons, etc. ; elles sont parfaitement choisies, participent à la lisibilité de l'action et donnent vie à l'ensemble. Je remarque que je suis de plus en plus allergique à cette pellicule terne qui recouvre parfois certaines mises en couleur.
      Concernant les cinq étoiles, je confirme ; c'est la troisième ou quatrième fois que je lis cette bande dessinée, et sa qualité me surprend à chaque fois. Un beau plaisir de lecture. Donc cinq étoiles, oui.

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    2. Et non, Olrik n'est pas de la partie dans celui-là.

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  2. Il n'y avait pas de taquinerie dans mes questions : il me semble que tu n'as pas mis 5 étoiles à beaucoup d'albums de la série (je n'ai pas vérifié... bon, je le fais). 5 étoiles pour le tome 2 du Secret de l'Espadon, le tome 1 du Mystère de la grande pyramide, La marque jaune, S.O.S. Météores, Le piège diabolique, L'affaire Francis Blake, Le serment des cinq lords, soit 7 albums sur 21 (ah ! ça fait plus que l'impression que j'en avais).

    Merci pour ta réponse sur les couleurs : je me dis que ça doit être encore plus compliqué de réussir une colorisation quand celle-ci ne repose que sur des aplats unis, sans effets infographiques qui en mettent pleine la vue.

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    1. Oui, je sais qu'il n'y avait pas de taquinerie dans ta question. Si je semble marteler ces cinq étoiles et les justifier, c'est que j'ai été lire d'autres commentaires après avoir fini le mien et que j'ai trouvai les notes sévères. Ça m'a obligé à me demander si je ne surestimais pas le livre ; finalement, non, j'en reste à mon impression de départ, et tu as peut-être perçu le ton employé et mon insistance comme une forme de susceptibilité.

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