jeudi 12 septembre 2019

Joker : Anthologie (Urban Comics ; mars 2014)

"Joker : Anthologie" est un album sorti dans la collection "DC Anthologie" d'Urban Comics en mars 2014. Il y a eu les héros de DC Comics, puis Superman, et Batman ; voici le Joker, vilain emblématique. Cet épais recueil à couverture cartonnée compte, sans inclure les bonus, trois cent trente planches approximativement. 
Au sommaire de ce pavé de papier particulièrement dense figurent, dans l'ordre des séries puis chronologique, les "Batman" #1 (1940), 37 (1946), 73 (1952), 251 (1973), 321 (1980), 353 (1982), et 23.1 (2013), les "Detective Comics" #84 (1944), 168 (1951), 341 (1965), 475 (1978), 570 (1987), 617 (1990), "The Batman Adventures Annual" #1 (1994), le "Robin" #85 (2001), "Batman: The Man Who Laughs" (2005), et le "Countdown" #31 (2007) pour finir.

Un soir, en ville. Installés confortablement chez eux, un couple de retraités écoutent la radio. L'appareil se met à grésiller ; la musique est interrompue, et une voix monocorde se fait alors entendre. C'est le Joker, qui déclare qu'il a planifié d'assassiner le millionnaire Henry Claridge à minuit précis, qu'il volera son célèbre joyau, et qu'il sera vain de chercher à l'arrêter. Le concert reprend à la fin de cette sinistre intervention. La femme s'inquiète ; l'homme, lui, ne voit là qu'un canular, comme l'invasion du pays par les Martiens (NDLR : référence à l'adaptation de "La Guerre des mondes", de Herbert George Wells, par Orson Welles pour la radio CBS fin 1938). Il rit et prie son épouse de ne pas s'alarmer. Les stations radiophoniques sont submergées d'appels des citoyens ; il apparaît rapidement que ce n'est pas une plaisanterie. Claridge, qui craint pour sa vie et sa fortune, fait venir la police et demande protection. Le chef des forces de l'ordre se veut rassurant ; lui et ses hommes resteront dans la pièce où se trouve le diamant et seront aux aguets. Commence l'attente ; Claridge est entouré d'un cordon d'une bonne dizaine d'agents qui le protègent. Onze heures sonnent, puis les minutes passent...

Après trois anthologies globalement satisfaisantes malgré leurs défauts inhérents, voilà que l'éditeur français en consacre, de façon surprenante, une au Joker. Elle est construite en trois parties équilibrées : "Duel d'ego" (1940-1965, sept histoires), "Guerre des nerfs" (1973-1990, six) et "Ronde macabre" (1994-2013, cinq) pour un total de dix-huit histoires, réalisées par les plus grands : Bill Finger (1914-1974), Bob Kane (1915-1998), Carmine Infantino (1925-2013), Dennis O'Neil et Neal Adams, Steve Englehart et Marshall Rogers, Ed Brubaker et Doug Mahnke, Mark Waid et Brian Bolland... Le Joker. Tout a été dit sur lui. Ennemi juré de Batman, double maléfique aux origines mystérieuses et à l'identité inconnue, meurtrier de Robin II (Jason Todd), tortionnaire de Barbara Gordon, psychopathe imprévisible, clown dément et sadique dont les plaisanteries sont synonymes de morts violentes, sa première apparition remonte au "Batman" #1, publié le 25 avril 1940. Il s'agit là d'un retour sur soixante-quinze ans de méfaits sur fond de ricanements sinistres et grinçants, où sont évoquées toutes les facettes du personnage et où sont présentées des histoires-clés, de sa première apparition au redémarrage à zéro de 2011. Bien que le mode opératoire de ce scélérat n'évolue guère et que certaines intrigues se répètent fortement, il est difficile de ne pas être satisfait du contenu, même si l'on aurait apprécié un ou deux récits dans lesquels il s'attaque à un autre super-héros. Une sélection parmi ces histoires : "Batman contre le Joker" et "Le Retour du Joker" (Finger, Kane, Robinson, 1940), "La Doublure du Joker" (Finger, Sprang, 1944), "Les Exploits burlesques du Joker" (Broome, Infantino, Giella, 1965), "Les Cinq Vengeances du Joker" (O'Neal, Adams, Giordano, 1973), "Le Poisson qui rit" (Englehart, Rogers, Austin, 1978), ou encore "L'Homme qui rit" (Brubaker, Mahnke, 2005). Le Joker méritait-il son anthologie, alors que certains super-héros de l'écurie DC Comics attendent toujours la leur à ce jour ? D'autant qu'une autre anthologie consacrée aux super-vilains de l'univers DC est sortie le 31 octobre 2014. Que dire de cette politique éditoriale qui intègre d'abord "L'Homme qui rit" dans ce recueil puis le réédite en album cinq ans plus tard ? 
La traduction est de Philippe Touboul. L'éditorial est particulièrement dense ; un véritable travail d'archiviste, qui revient sur l'évolution du personnage, sans oublier une présentation des auteurs, et une sélection de couvertures représentant le Joker. 

Ce volume est destiné autant aux néophytes qu'aux spécialistes. "L'Homme qui rit", malgré sa qualité, n'aurait pas dû y figurer. Mais il y a là des pièces historiques pour tous les publics et tous les âges malgré des scénarios répétitifs et un cadre restreint. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

5 commentaires:

  1. Cet épais volume un peu bancal est destiné autant aux néophytes qu'aux spécialistes. - Moi le premier, je serais bien embêté de devoir choisir le contenu d'une telle anthologie. Comme tu l'écris, faut-il plus s'adresser à aux néophytes ou aux spécialistes ? Faut-il inclure les récits indispensables (Killing Joke, sa mort dans Dark Knight Returns), ou piocher dans les plus importants pour la continuité ? Comme tu as mis les dates dans ton introduction, j'ai pu voir qu'il y a 10 récits antérieurs à Crisis on infinite Earths, donc ça constitue également une occasion de s'acclimater aux décennies passées.

    Ta remarque sur L'homme qui rit laisse à penser que le planning détaillé de publication d'Urban n'était pas à l'échelle d'une décennie. En ce qui me concerne, et avec plusieurs années de recul, je pense que j'aurais intégré l'épisode 663 de Batman écrit par Grant Morrison et illustré par John van Fleet : une belle analyse du personnage.

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    1. Je vois que mon propos te laisse sceptique, cher ami. Et ce n'est guère étonnant, car ma phrase n'est pas claire. En matière de public, ce recueil est équilibré et s'adresse autant aux néophytes qu'aux spécialistes. C'est louable, car cet équilibre est souvent très difficile à obtenir.
      Le côté bancal, pour moi, est dû à la présence de "L'Homme qui rit" ; bien plus long que les autres histoires, il crée un déséquilibre dans la lecture. J'avais déjà écrit quelque part, à l'époque de sa sortie, que ce récit n'aurait pas dû être intégré dans une anthologie mais figurer dans un album à part. C'est chose faite, mais cinq ans plus tard. Pour moi, "L'Homme qui rit" aurait pu sortir en parallèle et la place qu'il prend dans l'intégrale aurait pu être comblée par d'autres numéros.

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  2. Ainsi reformulé, je comprends mieux.

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  3. Voilà un intéressant retour et je suis plutôt d'accord avec le côté répétitif des histoires, notamment les épisodes des années 80. L'absence d'un échantillon de la série Joker, par exemple, est assez difficile à comprendre. Après, on peut bien sûr imaginer qu'Urban ne peut pas forcement accéder à tout le matériel de DC, qui n'a elle-meme pas rééditer tout son patrimoine.

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    1. Merci, Archer Vert.
      Et je suis tout à fait d'accord avec toi ; le Joker ayant eu sa série (dix numéros, dans lesquels - sauf erreur de ma part - Batman n'apparaît pas une seule fois), il aurait été approprié d'en inclure au moins un ou deux numéros.

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