"Robin : Année un", publié dans la collection DC Deluxe d'Urban Comics en septembre 2014, est un album à couverture cartonnée, au format 19,0 × 28,5 centimètres. Il comprend approximativement deux cent quarante planches - sans compter les quatre pages de bonus. Il contient "Batman Chronicles: The Gauntlet" (de septembre 1997), une histoire complète, et sa suite, une mini-série, "Robin: Year One", quatre numéros d'octobre 2000 à janvier 2001.
"L'Épreuve de force" ("The Gauntlet") est scénarisé par Bruce Canwell. Lee Weeks en a produit les dessins et l'encrage. La mise en couleur a été composée par Matt Hollingsworth. "Année un" ("Year One") a été coécrit par Chuck Dixon et Scott Beatty. L'Espagnol Javier Pulido, aidé de son compatriote Marcos Martín (dans le quatrième chapitre), en a réalisé les illustrations, avec un encrage de Robert Campanella et une mise en couleur de Lee Loughridge.
La nuit, dans une carrière de la région de Gotham City. Trois bandits extraient leur prisonnier, Carlton Tate, de leur camionnette, tandis que leur patron stationne sa berline devant leur véhicule. Tate implore leur pitié et leur propose de l'argent ; les autres lui rient au nez et l'informent que quelqu'un désire "lui dire deux mots". Ce quelqu'un, c'est Delcaine, lieutenant de Joe Minette, l'un des parrains du crime organisé de Gotham City. Delcaine avance, menaçant ; il déclare à Tate, ce Gianni Versace de la ville, qu'il va se faire un plaisir de le faire crier. Tate panique. Il faut que Delcaine le laisse parler à Joe, afin qu'il lui fasse comprendre que c'était une erreur. Il peut tout expliquer ; il faut que Delcaine le croie. Il demande grâce à nouveau. Delcaine l'insulte pour toute réponse. Minette l'a aidé à monter son affaire et Tate, en guise de remerciement, s'associe aux Graziano ? Il le frappe d'un revers du poing. C'est alors qu'une clarté aveuglante déchire le ciel nocturne, et qu'une voix de stentor leur ordonne d'arrêter : Batman tombe sur ses proies après avoir lancé des grenades au nichrome...
Chronologiquement, les deux aventures se situent après "Amère victoire" et "Batman : Année un" ; elles ne requièrent pas de connaissance approfondie de la continuité de l'univers de Batman et peuvent être lues indépendamment de cette dernière. Batman en est au début de sa "carrière" ; il vient de terminer la formation de Richard Grayson, amené à devenir son acolyte Robin. Avant d'être "confirmé", Robin doit réussir un test. C'est ce rite de passage qui est l'objet de "L'Épreuve de force", un récit d'une petite cinquantaine de planches dans le style d'un polar urbain, bien troussé, cohérent, construit et développé une belle maîtrise, avec des dialogues de qualité, et qui sonnent juste ; en un mot, délectable, d'autant qu'il est illustré avec brio par Weeks, dont le style réaliste rappelle le David Mazzuchelli de "Batman : Année un". Le plat de résistance, "Année un", débute immédiatement après. Richard inaugure une nouvelle période de son existence ; il essaie, non sans difficulté, de concilier le quotidien d'un étudiant ordinaire avec celui d'acolyte du "justicier nº1" de la ville, quitte à reléguer sa vie sentimentale à l'arrière-plan. S'il brille sans gros problèmes face à des seconds couteaux, le Jeune Prodige comprendra à ses dépens que certains super-criminels de Gotham City sont des adversaires sérieux, avec qui l'erreur ne pardonne pas (la scène de la batte de base-ball fait écho au pied-de-biche du Joker dans "Un deuil dans la famille". Comme pour établir un contraste total avec la joie de vivre et l'enthousiasme de Dick, Dixon et Beatty dépeignent un Batman psychorigide, qui refuse d'écouter les mises en garde répétées à propos des risques encourus par son acolyte. Que diable Wayne impose-t-il à celui-ci ? Est-ce moralement acceptable ? Les auteurs obligent le lecteur à s'interroger. Au fond, "Année un" évoque ce que Richard Grayson et Robin apportent respectivement à Bruce Wayne et à Batman : Robin est une lumière dans la croisade du Chevalier noir, tout comme Dick en est une dans la vie de son mentor. Le trait semi-réaliste de Pulido, proche de l'esprit cartoon, produit un découpage fluide et une action lisible. L'artiste réduit les arrière-plans au strict minimum. Il ajoute moult références au Batman des années soixante.
La traduction de Mathieu Auverdin est irréprochable. Son texte est impeccable : ni faute ni coquille. Une introduction illustrée de deux pages au début et une poignée d'extraits du carnet de croquis de Pulido (à la fin) sont les seuls bonus de ce recueil.
Cet album, qui revient sur les premières missions de Robin aux côtés de Batman, procure un très agréable moment de lecture, bien que publier ces histoires l'une à la suite de l'autre mette en évidence la rupture entre les traits de Weeks et de Pulido.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
Visiblement le recueil publié par Urban est plus soigné que celui publié par DC Comics car ce dernier ne contient pas le numéro spécial The Gauntlet.
RépondreSupprimerCe que Richard Grayson et Robin apportent respectivement à Bruce Wayne et à Batman - Je me souviens encore de cette fin des années 1998 où j'étais passé à la VO depuis peu. Le ressenti général allait dans le sens qu'il était temps que Batman soit débarrassé de Robin, enfant avec un costume aux couleurs criardes, tirant ses aventures vers l'infantilisme. Du coup : A death in the family, et le tour est joué. Batman peut devenir plus obsédé par sa soif de justice et s'y consacrer à 100%. Ce fut surprenant quand Marv Wolfamn (A lonely place of dying) a présenté Tim Drake, et encore plus surprenant que ce soit Chuck Dixon (passé maître en histoire de Batman bien noire) qui le développe avec conviction.
Je n'ai jamais lu ce Robin Year One, mais ton article fait envie.
Effectivement ; la source d'une discussion sans fin entre les pro-Robin et les anti-Robin.
SupprimerJe t'avouerai que la rupture de style graphique entre les deux artistes m'a un peu perturbé. Je pense que Lee Weeks est un dessinateur très talentueux qui ne bénéficie peut-être pas de la notoriété qu'il mérite. J'aurais préféré qu'il illustre "Year One" aussi, mais bon. Pulido s'en sort très bien.