jeudi 2 avril 2020

The Punisher (tome 11) : "Le Faiseur de veuves" (Panini Comics ; septembre 2008)

"Le Faiseur de veuves" est le onzième tome de "The Punisher", qui compile soixante-quinze numéros VO (de mars 2004 à octobre 2009) en dix-huit volumes, publiés chez MAX - c'est le label adulte Marvel - entre avril 2004 et janvier 2011 ; sorti en septembre 2008, cet album consiste en un arc de sept parties (en VO : "Widowmaker" #43-49, mars à septembre 2007). Depuis 2013, Panini Comics réédite le titre sous un autre format (deux histoires par volume). Cet article a pour sujet la première édition ; un album avec couverture flexible de près de cent soixante-cinq planches
Garth Ennis (voir "Preacher", "The Boys", ou "Hellblazer") écrit le scénario. Les dessins sont signés par le Philippin Orlando "Lan" Medina, dont le travail a été encré par Bill Reinhold, et mis en couleur par Raúl Treviño. Medina a surtout œuvré pour Marvel et VertigoCet arc, à ce jour, est sa seule collaboration avec Ennis

Une nuit, à New York, dans le quartier des docks. Le Punisher vient de loger une balle dans la tête d'un pédophile. Oui, il aurait pu l'éventrer, lui démolir le portrait, lui briser les membres avant de le jeter dans le vide ou le faire brûler vif, comme il l'a fait maintes fois l'an dernier. Mais pas cette fois. Il a trouvé sa proie de chez Pete O'Byrne, un pub irlandais, puis l'a embarqué, sous la menace d'un flingue ; personne n'a moufté. Il l'a conduit au bord d'un fleuve. La peur l'a fait parler ; le gusse a lâché les noms de ceux qui "tournaient des films avec des gosses" et où ils les tournaient. Castle l'a abattu après ses aveux. Il a ensuite pensé à toutes ces choses qu'il n'avait pas faites, et à la facilité avec laquelle il avait l'habitude de les faire. Au même moment, dans un quartier résidentiel de Brooklyn, quatre femmes entre deux âges en attendent une cinquième. Un taxi s'arrête enfin devant son domicile, et Annabella Gorrini regarde par la fenêtre ; elle informe ses amies que leur camarade fait une fellation au chauffeur afin de lui payer la course, comme si elle n'avait pas les moyens... 

"Le Faiseur de veuves", c'est une histoire de famille et de vengeance. Le texte contient quelques références aux albums précédents, surtout les tomes nº2, nº5, et nº7. Sans avoir à les relire, il sera utile d'en avoir les protagonistes à l'esprit. C'est l'un des albums les plus désespérés du titre. Les lecteurs en sortiront bousculés, avec une sensation durable de dégoût. Le point de départ est intéressant : cinq veuves pleines de rancœur, dont les mafieux de maris ont été exécutés par le Punisher, mettent sur pied une stratégie pour assassiner ce dernier. Elles montrent de la méthode, mais même les plans bien conçus ne peuvent prévoir l'inattendu ; l'inévitable grain de sable grippera l'engrenage d'autant plus facilement que leur unité de façade est illusoire. Castle, qui ne joue qu'un rôle secondaire, est confronté à deux reflets de lui-même. Le premier, Jennifer Cesare, a atteint le stade de non-retour. Elle a subi une véritable descente aux enfers. Comme si la violence de son milieu ne suffisait pas, Ennis ajoute la maladie et transforme cet être en une plaie vivante, tragique, telle une platée de souffrance et de désespoir jetée au visage du lecteur. L'acharnement du destin était déjà indigeste ; le récit tourne à l'invraisemblable lorsqu'Ennis évoque la "transformation" de Jennifer. Le second reflet, le lieutenant Paul Budiansky, un flic afro-américain, est une victime aussi, du racisme et de la pression de sa hiérarchie. Il commence à réaliser qu'il est sur le point de franchir la ligne. Sa soupape de sécurité ? Son épouse. Ainsi, Ennis montre que seul le Punisher peut l'être, et que lui seul peut survivre à son infernale destinée : exterminer les criminels, sans fin, tel un Sisyphe de la vengeance. Le scénario, malgré ses défauts, demeure équilibré. Ennis le saupoudre d'humour noir à la fois malsain et salace, une marque de fabrique. Quelques caractérisations sont caricaturales. Medina présente un trait réaliste, au découpage classique et sans fioriture inutile. Il produit cinq à six cases par planche, chacune occupant toute la largeur de la bande, produisant ainsi un effet cinématographique en 16/9e. L'expressivité de ses visages est limitée. Le niveau de détail des arrière-plans est satisfaisant. Encrage et mise en couleur ont un aspect peu naturel. 
La traduction est de Nicole Duclos, comme les volumes précédents. Elle utilise la langue familière et omet souvent le "ne" ; cela surprend, mais convient à l'ambiance. Côté maquette, l'éditeur n'a même pas jugé bon d'insérer les couvertures originales. 

"Le Faiseur de veuves" est l'un des tomes les plus noirs de la série, celui dans lequel la morbidité s'invite le plus. L'humour graveleux ajoute à une atmosphère glauque. C'est aussi l'un des moins bons, les invraisemblances minant l'originalité du scénario.

Mon verdict : ★★☆☆☆

2 commentaires:

  1. Presqu'un an depuis le précédent article sur cette série, comme le temps passe.

    Un des tomes les plus noirs de la série - Étrangement, je suis d'accord avec tout ce que tu mets en lumière; mais ça n'a pas du tout fonctionné avec moi... J'ai quand même mis une étoile de plus que toi. :) J'avais trouvé les dessins de Lan Medina trop propres sur eux, trop léchés, avec des contours trop polis, pour être crédibles et transcrire l'horreur de la chair malmenée. Je n'ai pas réussi à croire à ce quintet d'épouses en quête de vengeance. A mes yeux, dans ce chapitre, Frank Castle n'a pas d'ennemi à sa hauteur, n'a pas un vrai méchant irréductible et monstrueux. Il n'y a que les deux personnages reflets qui soient consistants, mais à ce stade, je savais déjà que la comparaison aboutirait à la même conclusion : seul Frank Castle est capable d'être le Punisher. Du coup, toujours à mon goût, la noirceur des éléments s'avère factice et c'est le seul chapitre où j'ai trouvé que Garth Ennis n'arrivait pas à me convaincre.

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    1. Pour moi, il est aussi possible que cet album ne soit une pirouette qui évite à Ennis de mettre le Punisher face à des femmes, même si il y a déjà eu une scène de ce type dans "Les Négriers". Le Punisher a d'ailleurs un rôle secondaire, ici ; il ne fait rien ou presque. La naïveté avec laquelle il tombe dans le piège des cinq veuves est assez surprenante, d'ailleurs, comme s'il était moins affûté.

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