"Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec" est une série toujours en cours à ce jour, créée par le Valentinois Jacques Tardi en 1976. Les deux premiers tomes ("Adèle et la bête" et "Le Démon de la tour Eiffel") sortirent directement en albums chez Casterman au même moment, janvier 1976. Les volumes suivants furent d'abord prépubliés dans "(À suivre)", magazine mensuel qui appartenait à l'éditeur, avant de sortir en albums.
"Momies en folie" est le quatrième épisode ; il a été entièrement réalisé par Tardi, à l'exception de la mise en couleur, qui a été confiée à Anne Delobel, alors la compagne de l'auteur. Cet album au format 22,5 × 30,5 cm et à la couverture cartonnée compte quarante-six planches. Il s'agit de la douzième édition.
Paris, le 4 mars 1912, à 03h00 du matin. Edmond Choupard, un bourgeois bedonnant amateur de bonne chère, rentre à pied d'une soirée arrosée qu'il a passée à jouer aux cartes chez des amis. Arrivé place des Pyramides, il prend la rue de Rivoli, où son regard s'arrête sur la statue de Jeanne d'Arc. Il longe ensuite le Louvre et passe sous ses guichets, avant de rejoindre les jardins du Louvre, et de se diriger vers l'arc de triomphe du Carrousel. Le spectacle horrifique qui s'offre soudainement à lui le cloue sur place. Un cadavre dont la tête est celle d'un bouc, enveloppé dans un linceul sanguinolent, pend de la voûte du monument. Terrorisé, Choupard pousse un hurlement et prend la fuite. Paris, le 6 mars 1912 à 04h00 du matin. Choupard, à nouveau ivre, rentre chez lui. Encore marqué par sa vision de l'avant-veille, il longe les grilles du jardin des Tuileries, plutôt que de s'engager dans la rue de Rivoli, lorsqu'il voit un corps emmailloté dans des bandages, empalé sur les grilles du jardin, et dont la tête est celle d'un bouc ! Horrifié, il pousse un juron. La police finit par enquêter. Les quotidiens suivent l'affaire. Quant à Adèle Blanc-Sec, elle est chez elle, à écrire un roman...
"Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec" étant une parodie de feuilleton, "Momies en folie" n'est que l'extension du fil des trois albums précédents et l'énième déclinaison d'une interminable chaîne de séquelles. Le lieu reste le même : à l'exception des quelques séquences finales, l'action se passe exclusivement à Paris et elle s'y déroule le soir ou la nuit en majeure partie. Les lecteurs retrouvent cette atmosphère d'absurdité qui est l'une des marques de fabrique de la série : cela se traduit, par exemple, par le personnage de Thomas Rove, un tueur à gages, tellement obsédé par les chats qu'il en oublie la cible qui lui a été assignée lorsqu'il en voit un ; par la momie dotée de vie qui s'échappe et part en voyage avec ses consœurs ; par les tentatives de meurtre sur Adèle, aussi spectaculaires qu'improbables, et cette farce saugrenue avec lequel Tardi incorpore le naufrage du Titanic dans son scénario ; par les expériences scientifiques aussi folles qu'invraisemblables ; ou encore et surtout par les scènes hilarantes de tueries tout droit sorties d'un vaudeville complètement déjanté et qui aboutissent sur un dénouement cocasse. Tardi, en plus des nouveaux personnages, introduit des références au "Démon des glaces" (1974), souvent considérée comme une création de jeunesse, et dont certains protagonistes se retrouvent ici. Comme dans "Le Savant fou", les lecteurs sont à nouveau exposés à ce mépris passéiste et répétitif de Tardi pour la bourgeoisie, la police ou l'armée. Le rythme du récit est plus lent que dans les tomes précédents. L'auteur lui-même en rit, dans un cartouche en planche 18 : "Décidément, cette histoire était lente à démarrer !" La cadence grimpe en flèche une dizaine de planches avant la fin, dans une apothéose de loufoquerie. "Momies en folie" est un album plus bavard que ses prédécesseurs : les phylactères sont souvent compacts, et Tardi multiple les encadrés, parfois denses. "Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec", c'est la promesse d'une balade dans le Paris du début du XXe siècle. Le Monument à Jeanne d'Arc, place des Pyramides, pour qui Tardi semble éprouver un dédain sans surprise ; le Louvre ; la gare de Lyon et sa tour de l'horloge ; la gare Montparnasse ; l'hôpital de la Charité, rue des Saints-Pères ; les catacombes ; le cimetière du Père-Lachaise ; et, enfin, ce nº43 de la rue Bezout, l'immeuble dans lequel Adèle est installée en appartement. Le sens du détail de l'artiste est globalement réjouissant. Le découpage, dans un quadrillage classique malgré quelques fioritures, est clair, et la mise en couleur est impeccable.
Tardi pousse l'absurde et le loufoque. Les répétitions et l'intrigue laborieuse pourront susciter une lassitude, que quelques scènes jouissives compenseront. Il n'en reste que l'auteur ne parvient pas à retrouver cette fraîcheur des deux premiers numéros.
Je me souviens plus de ma lecture lointaine de ce tome que de celle des autres, sûrement du fait des caractéristiques que tu mentionnes : chaîne de séquelles, absurde, le tentatives de meurtre improbables, le rattachement provenant de nulle pour le Titanic.
RépondreSupprimerLe mépris passéiste et répétitif de Tardi pour la bourgeoisie, la police ou l'armée : je viens de lire le premier tome de Moi René Tardi, prisonnier du stalag II-B, et ça montre bien ce qui a nourri ce mépris qui s'avère très légitime au regard de l'histoire personnelle de l'auteur.
La balade dans Paris : magnifique de bout en bout, un beau moment de tourisme.
Je pense que je prendrais grand plaisir à une relecture de ce tome.
Je pense qu'à l'époque (dans les années quatre-vingt), cet album était peut-être le dernier tome que j'avais lu. Je vais continuer la série, bien sûr. Mais je crois savoir que ça va de mal en pis, et que tout a déjà été dit dans les deux premiers numéros.
SupprimerJ'ai peut-être lu les tomes suivants, mais je n'en garde aucun souvenir.
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