vendredi 2 juin 2023

"Spider-Man" : L'Intégrale 1972 (Panini Comics ; juin 2006)

Publié en juin 2006, le dixième volume de la première série intégrale que Panini Comics France consacre à Spider-Man - il y en a d'autres : "Spider-Man Team-Up", "Spectacular Spider-Man", "Web of Spider-Man" - comprend les versions françaises des "Amazing Spider-Man" #104-115 (janvier à décembre 1972). Les couvertures des numéros ont été reléguées en fin d'ouvrage ; c'est celle du #112 (de septembre) qui a été choisie pour ce tome. Cet album relié (dimensions 17,7 × 26,8 centimètres, couverture cartonnée avec une jaquette plastifiée amovible) contient - approximativement - deux cent quarante-six planches, toutes en couleurs. 
Roy Thomas finit son arc, puis rend le poste de scénariste à Stan Lee (1922-2018), qui le transmet à Gerry Conway (en août). Gil Kane (1926-2000) dessine deux épisodes ; John Romita Sr. le reste. Lorsqu'il n'encre pas ses planches, elles sont confiées à Frank Giacoia (1924-1989), Tony Mortellaro et Jim Starlin. Aucun coloriste n'a son nom crédité, une pratique habituelle à l'époque. 

Précédemment, dans "Amazing Spider-Man" : En Terre sauvage, Spidey finit par trouver une astuce pour se projeter au-dessus du fleuve. Ne retenant pas son enthousiasme, il réalise quelques cabrioles, mais elles le font atterrir dans les sables mouvants. 
Alors que les sables mouvants l'avalent lentement, mais sûrement, Spidey se remémore les évènements qui l'ont amené en Terre sauvage, notamment la chasse au scoop de Jonah Jameson. Il reprend ses esprits et essaie d'attraper une grosse branche avec sa toile, mais lorsqu'il exerce une traction, elle cède, et lui tombe dessus ; il tente sa chance à nouveau, mais son lance-toile a été endommagé par la chute de la branche. Alors que la situation de Spidey semble désespérée, Ka-Zar surgit au bout d'une liane et l'attrape, le sauvant d'une mort certaine. Après avoir échangé leurs opinions, les deux hommes décident de continuer ensemble. Pendant ce temps, plus loin, Gwen est surveillée par Gog. L'animal semble bien disposé à son égard, mais elle en a peur. Kraven essaie de la rassurer. Elle l'interroge sur la raison de sa présence en Terre sauvage, mais il devine qu'elle veut le faire parler...

Pour la première fois, "Amazing Spider-Man" s'essouffle. Non pas que le mécanisme du modèle (c'est-à-dire pousser les mésaventures de Peter Parker à leur paroxysme, les diversifier et maintenir la pression) soit grippé, mais ce chapelet de numéros est le moins captivant depuis le commencement de la série, assurément. Lee a repris le scénario à Thomas, qui vient de conclure un arc en Terre sauvage sans grand intérêt, mais l'inspiration n'est pas au rendez-vous pour autant, et la qualité baisse ; de toutes les pages de la série sorties de l'imagination du rédacteur, celles-ci sont les moins passionnantes, sans doute à cause d'une sélection peu convaincante de super-méchants. Par exemple, l'arc avec le Spidericide ("Spider Slayer" en VO) dure trois numéros ; pour une variation sur le thème du robot géant, c'est beaucoup ! Et puis il y a le retour de Flash Thompson et l'évocation de la guerre du Viêt Nam. C'est convenu et la présence du docteur Strange n'y change rien. Ensuite, l'entrée en scène du Gibbon (qui rappelle le Kangourou sous certains aspects) permet de relativiser les soucis du Tisseur ; le personnage n'est pas une franche réussite, mais sera néanmoins repris par J. M. DeMatteis dans les années quatre-vingt-dix. Puis Conway arrive. D'emblée il replace May au centre des ennuis de Pete. Une intrigue similaire avait déjà été imaginée dans les #53-56 (cf. l'intégrale 1967) ; mais cela fonctionne, car Conway utilise la continuité pour s'approprier le titre. La maladie, en revanche, s'invite à nouveau, mais là, la répétition des évènements du #87 (confer l'intégrale 1970) est trop flagrante, voire facile. Si la hargne du docteur Octopus fait remonter le niveau d'un bon cran, le personnage de Hammerhead (on est loin du Caïd) ne convainc pas entièrement le lecteur. La romance entre Peter et Gwen reste jalonnée d'obstacles, d'autant que Mary Jane s'en mêle. Enfin, Lee fait de New York un lieu de manifestations et de troubles sociaux, mais sans s'attarder ni creuser, comme d'habitude. 
Même si les personnages dessinés par Kane affichent une expressivité supérieure et que ses angles de prises de vues et ses perspectives sont parfois follement créatifs, c'est avec un plaisir authentique que le lecteur retrouve les rondeurs du trait de Romita Sr., sa Gwen et sa Mary Jane ; le lecteur est en droit d'assumer pleinement son accoutumance à ces personnages, sous le coup de crayon de cet artiste-là. Toujours aussi généreux en action, les épisodes offrent à Romita la possibilité de reproduire un Tisseur qui virevolte dans tous les sens. Les planches sont spectaculaires, la clarté du découpage et la lisibilité de l'action sont absolument impeccables, et le détail est dosé avec doigté : juste ce qu'il faut pour faire illusion. Comme dans le volume précédent (et d'autres), la mise en couleurs manque de soin : il y a des erreurs dans les teintes utilisées, des débordements, et des zones non colorisées, telles que les espaces entre les doigts de Kraven (cf. #111, planche 13, case 2), par exemple. 
Lourdingue, la traduction est de Geneviève Coulomb. C'est "s'immiscer dans", pas "de". Des blagues Cristiano Grassi dans les cartouches et des bulles inversées page 33.

En dessous des années précédentes - mais loin d'être foncièrement mauvaise pour autant -, 1972 est une année de transition. Le duo magique formé par Lee et Romita tire sa révérence et prend le temps de le faire, presque comme si c'était à regret ; désormais, place à Conway, qui restera presque quarante numéros sur le titre. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

Spider-Man, Ka-Zar, Kraven, Le Spidericide, Dr Strange, Le Gibbon, Dr Octopus, Hammerhead, Dr Connors, New York, Stan Lee, Gerry Conway, John Romita Jr., Marvel, Panini Comics

2 commentaires:

  1. Jim Starlin en encreur !?!

    Une variation sur le thème du robot géant : l'une des deux intrigues les plus éculées, avec l'attaque d'extraterrestres, d'après Mark Evanier.

    Le Gibbon : un supercriminel de plus dans une longue veine d'inspiration à partir du règne animal, des transpositions de plus en plus littérales comme le Kangourou que tu cites.

    Belle analyse comparative entre les dessins de John Romita et ceux de Gil Kane, même si je soupçonne un délit de favoritisme.

    Il y a des erreurs dans les teintes utilisées, des débordements, et des zones non colorisées : je me souviens avoir déjà remarqué ce genre de faute d'étourderie (pas aussi nombreuses), ce qui m'avait beaucoup surpris dans une chaîne de production aussi professionnelle.

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    1. Jim Starlin - C'est en tout cas ce que j'ai trouvé comme info.
      Voir : https://marvel.fandom.com/wiki/Amazing_Spider-Man_Vol_1_113
      Ça devait être un coup de main à l'arrache.

      Tu as entièrement raison de soupçonner un délit de favoritisme. 😆 Je le confirme et l'assume entièrement. Pire : je le revendique !

      La colorisation - Ça m'a surpris aussi. Après, je me dis que les planches étaient parfois terminées à l'arrache. Alors je ne sais pas si c'est parce que j'ai relevé plusieurs loupés çà et là et que je suis de plus en plus attentif à cela, mais il ne me semble pas que les autres titres souffraient du même manque de soin. Ici, c'est d'autant plus difficile à croire qu'il s'agit de l'une des séries-phares de la maison.

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