samedi 1 septembre 2018

Thorgal (tome 22) : "Géants" (Le Lombard ; novembre 1996)

"Géants" est le vingt-deuxième volume de "Thorgal". Il est sorti chez Le Lombard en novembre 1996. C'est le cinquième et avant dernier recueil de ce long "Cycle de Shaïgan-sans-Merci".
L'histoire est de Jean Van Hamme, qui reste le scénariste de la série jusqu'en 2007, date à laquelle il se retire. Couverture, dessins et encrage sont réalisés par Grzegorz Rosiński, qui a annoncé quitter le titre en août 2018. La mise en couleurs est signée Graza Kasprzak. L'album compte quarante-six planches.

À l'issue du tome précédent, Jolan adulte est envoyé dans le futur par les Veilleurs. Jolan enfant retrouve sa mère (qui ne porte plus la marque) et sa sœur avec l'aide de Darek et Lehla.

Un enfant en guenilles, un panier de pommes au pied, se tient debout devant une porte cochère sur laquelle un cercle d'à peu près un mètre de diamètre a été peint. Au centre, une demi-douzaine de flèches. L'enfant jette une pomme au-dessus de lui ; elle est aussitôt transpercée par un projectile net et précis qui la cloue sur le bois, à l'intérieur du cercle. Plus loin, Kriss de Valnor, qui vient de tirer, déclare à Shaïgan-sans-Merci (Thorgal) qu'elle ne voit pas comment il pourrait faire mieux. Shaïgan commande au garçon de lancer deux pommes en même temps, d'une seule main. Kriss affirme qu'il n'y arrivera pas ; c'est impossible. Shaïgan rétorque qu'il peut toujours essayer. Il réitère son ordre, et le gamin envoie les deux fruits vers le cercle. D'une seule flèche, Thorgal transperce les deux pommes. Kriss est ébahie ; Shaïgan tempère et attribue sa réussite à la chance. Il propose à sa partenaire de continuer, lorsque la corne retentit. Par dessus la muraille, ils aperçoivent une galère : celle de Dragov, qui rentre d'expédition. Kriss invite Thorgal à se préparer à accueillir celui qui est leur meilleur capitaine. Plus tard, dans la grande salle, le pirate rend compte de ses activités : vente d'esclaves, pillage d'un royaume sans richesse, mais dont le prince a été capturé...

"Géants" est le tome du cycle dans lequel l'étau se resserre autour de Kriss de Valnor, prête à tout pour maintenir Thorgal sous sa coupe et dans son lit. Malgré (ou à cause de) sa cohérence froide et sa lucidité cynique, elle ne parviendra ni à éviter l'inéluctable ni à retenir Thorgal ; ses charmes, ses complots, ses soldats et tout son or ne pourront rien y faire. Cette fois-ci, pour alimenter son intrigue, Van Hamme ne revient non pas sur le Cycle du Pays qâ, mais sur celui de Brek Zarith, en faisant intervenir le prince Galathorn, dernier souverain de ce royaume, qui fera office de deus ex machina dans cet avant-dernier volume du cycle. Assez rapidement, après une première moitié qui pourra être qualifiée de classique, construite sur une course-poursuite et une tentative d'évasion, fantastique et mythologie (l'auteur revient à la hâte sur le mythe de Ragnarok et sur l'affrontement légendaire entre dieux et géants) s'invitent dans la seconde moitié et refont leur apparition dans une histoire de quête qui n'est pas sans rappeler "Au-delà des ombres". La walkyrie Swanée semble être n'être qu'une autre version de la Gardienne des clés, créée dans "Les Trois Vieillards du pays d'Aran". Au programme également : monstres, créatures étranges, géants, et humour (les géants sont dépeints comme des caricatures d'humains, aussi cruelles qu'infantiles). Une influence des "Voyages de Gulliver" (1721), de Jonathan Swift (1667-1745) ? Notons encore certaines scènes identiques entre "XIII" et un Thorgal amnésique. Quant aux géants en question, il est intéressant de former un parallèle entre ceux de "Thorgal" et ceux du "Mercenaire" de Segrelles (1999). Au fond, ce cycle aura surtout permis à l'auteur de tisser de nouvelles intrigues autour de Jolan, de développer une relation charnelle entre Thorgal et Kriss, tout en prenant soin de dédouaner son héros en le rendant amnésique, et d'établir, une bonne fois pour toutes, les motivations profondes de l'Enfant des étoiles. Graphiquement, cet album constitue une réussite supplémentaire à ranger au crédit de Rosiński. Les planches mettant en scène l'évasion de Thorgal et Galathorn, presque en noir et blanc, sont impressionnantes de par le sens de la perspective démontré par l'artiste, tout comme le contraste entre la forteresse frappée par les embruns et les jardins d'Asgard ou encore toute cette diversité physique des géants. 

Van Hamme parvient à maintenir sa série à un niveau plus que correct ; il a pour cela du métier et son talent en plus de celui de Rosiński. Cela n'empêche pas le titre de s'épuiser tout doucement, les meilleures pages étant de toute façon déjà écrites.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz
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2 commentaires:

  1. Construction sur une course-poursuite - C'est vrai qu'il s'agit d'un dispositif qui génère automatiquement une dynamique entraînante. Il faut vraiment que le scénariste soit peu inspiré, ou que le dessinateur soit en-dessous de tout pour ça ne fonctionne pas.

    Cela n'empêche pas le titre de s'épuiser tout doucement, les meilleures pages étant de toute façon déjà écrites. - C'est un constat terrible pour un créateur de se dire que sa meilleure création est derrière lui, qu'il a réussi une œuvre qui a rencontré un succès public important qu'il n'atteindra plus dans sa carrière.

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    1. Je crois que Van Hamme est un type plutôt pragmatique, qui excelle à mêler contenu de qualité (car malgré mes réserves, n'oublions pas à quel niveau d'excellence on se place) et sens commercial, dans une certaine mesure ; je pense qu'il est largement capable de sentir arriver le moment où l'inspiration se tarit fortement.

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